Réenchanter la démocratie et l’État de droit

Semper ad eventum festinandum est. — (Horace).Il faut toujours se hâter vers le dénouement.

Le procès de Ziguinchor qui a abouti à la restauration des droits d’ Ousmane Sonko à figurer sur les listes électorales est un éclairci dans la nuit noire de l’obscurité démocratique dans laquelle les citoyens sénégalais sont plongés sous le régime de Benno Bokk Yaakaar. Le pouvoir qui brandit la récusation du juge s’est figé dans un autoritarisme et un déni du droit castrateurs et veut nous obliger à nous accommoder d’une sorte de théologie politique négative. Non pas un monde «vidé » de toute perspective révolutionnaire, mais un monde «rempli de son absence ».

La possibilité d’un «horizon de rupture » constitue dès lors pour lui à la fois une force destabilisatrice et une norme encombrante à l’aune de laquelle il évalue la finitude de ses choix stratégiques et les raisons qu’il a de poursuivre son action. Bref, le regard fixé sur le «possible », il s’évertue à déjouer à coup de manœuvres liberticides les pièges tendus d’une «déconnexion» de plus en plus tangible.

Une production théâtralisée et permanente de la crise

Le système politique de nos gouvernants ne semble pas être en crise parce qu’il aurait perdu une nature qu’il pourrait réussir à récupérer, mais parce qu’il a subi une profonde mutation, dans laquelle la production théâtralisée et permanente de sa crise se dresse comme un élément fondamental qui lui permet de se reproduire et de remplir l’une de ses fonctions fondamentales : générer de la désaffection.

Le monde politique se nourrit de débats de caniveau polarisés,  de scandales,  d’affaires judiciaires, etc. Le biais de généralisation faisant son œuvre, la confiance envers les hommes politiques, envers les partis politiques, envers les institutions judiciaires mises sous le joug du politique, s’effondre.

La vertu a capitulé sous nos cieux, sous le regard impuissant voire complice des masses.  En effet, à la lumière de l’impressionnante succession d’événements aux antipodes d’une gestion sobre et vertueuse de la cité, ces dernières années, il n’est pas risqué d’affirmer que la décadence de la gestion de la cité, corollaire de la décadence générale de la société, se définit par quatre éléments : le pragmatisme, l’immédiateté, l’élimination des propositions et du débat politique, la transformation du travail politique électoral en une pratique frivole.

Ces éléments relèvent d’une nouvelle stratégie qui ne vise pas à vider, mais à occulter les contenus actuels, renouvelés de la politique. L’occultation prend la forme de, ou est présentée comme, une perte, c’est-à-dire comme un effacement, alors qu’en réalité c’est tout le contraire. La rupture du lien de solidarité est tangible et l’effondrement acté.

Cet état de fait est corroboré par mon excellent jeune frère Aguibou Diallo dans un de ses posts en ces termes :« Ce pays est devenu une mafiacratie. Toutes les alliances sont motivées par des subjectivismes et les opposants n’échappant guère à cette règle.2024, un autre rendez-vous manqué pour les générations futures. Elles nous maudiront pour notre inclination quasi naturelle pour l’insouciance à leur égard.  Et nous l’aurons vraiment mérité. »

Cette triste réalité met à nu un comportement de groupe de pression, lequel n’est pas le propre du seul parti présidentiel et signale une absence de politique de pouvoir, une absence de perspective du pouvoir.

Le pouvoir n’étant pas assumé, la politique devient une politique de la pression, qu’il s’agit d’exercer autant que possible afin d’éviter la pression adverse.

La nécessité de réorganiser le pouvoir

Qu’est-ce qu’une démocratie faussée, si ce n’est une de ses négations, non pas une négation radicale comme le serait celle que porte ce régime quasi totalitaire, mais une négation qui coexiste avec la forme constitutionnelle de la démocratie et un certain sentiment de liberté ?  Mais dans ce jeu, se crée un vide, celui-là même du pouvoir, et c’est en ce sens qu’ il ne s’agit plus d’en appeler, au citoyen critique du pouvoir, mais de critiquer et de réorganiser le pouvoir.

Seule une réorganisation du pouvoir peut permettre de sortir de ce qui n’est pas une simple crise de la démocratie, une crise du pouvoir démocratique, mais bien une forme de négation de la démocratie et de son pouvoir.

C’est alors la question de la réorganisation du pouvoir, laquelle implique une extrême activité du citoyen, qui doit être mise à l’ordre du jour politique.

Une action qui ne prend plus sens sur un fond autre qu’elle-même, une action, qui comme l’histoire elle-même, est « soustraite aux critères de sens ».

Forger une nouvelle éthique de l’équilibre et de l’intérêt général

Un  Sénégal qui émerge nécessite une voie singulière, une nouvelle écologie politique…  qui se fera avec les nouvelles dynamiques portées par une jeunesse conquérante et souverainiste.

Les jeunes fortement majoritaires sont animés par un réel intérêt pour la chose collective ; simplement, le contexte politique et social ayant changé, leurs comportements se construisent à partir d’enjeux et de critères nouveaux. Il faut s’efforcer d’interpréter le nouveau répertoire politique avec lequel ils se situent aujourd’hui.  La première tâche de l’éthique doit être d’organiser le partage du pouvoir au même échelon que l’économie. Point de posture revancharde qui débouche sur une dictature des exclus comme on prônait autrefois une dictature du prolétariat. Simplement, tout pouvoir doit être contrôlé par un autre pouvoir qui lui fait face.

La nouvelle éthique est une éthique de l’équilibre et de l’intérêt général. Qu’elle débouche sur un projet politique n’est pas une dérive, mais une preuve de réalisme.

La démocratie est un acte de foi dans l’Homme et dans sa capacité à s’informer. C’est aussi une conviction que collectivement les citoyens peuvent avoir une prise sur leur destin.

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Khady Gadiaga est une communicante de profession. Elle a capitalisé 25 ans d'expérience professionnelle dans différentes entreprises où elle a respectivement occupé les postes de Product Manager, Directrice Commerciale et Marketing, notamment dans les secteurs de l'industrie médicale et textile en Europe et en Afrique. Ancienne directrice du marketing du Festival Mondial des Arts Nègres (FESMAN) de 2005 à 2010, elle a coordonné et orchestré le volet communication et marketing de ce grand rendez-vous culturel. Khady est passionnée de culture, des grandes idées et des mots, elle met sa plume au service des causes justes, parmi lesquelles, la paix et la concorde et la liberté. À ce titre, elle a été directrice de la rédaction, à Debbo Sénégal. Cette ancienne étudiante en Langues étrangères Appliquées à l'économie et au droit à University of Nice Sophia Antipolis, est aujourd'hui Directrice générale à Osmose (Agence de communication Globale) et depuis 2011, met en pratique sa riche expérience en qualité de Consultant expert Sénior en accompagnant les organisations du secteur privé, public et institutionnel en terme de conseils, de coaching et de suivi-évaluation de projets et programmes. Les chroniques de cette dame de aux centres d'intérêts éclectiques, sont désormais sur Kirinapost.

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