Sony Labou Tansi: « J’écris pour qu’il fasse peur en moi »

De son vrai nom Marcel Ntsoni, Sony Labou Tansi est né à Kimwenza (actuelle République démocratique du Congo) le 5 juillet 1947 et mort le 14 juin 1995. Ancien professeur d’anglais au Collège Tchicaya-Pierre à Pointe-Noire, il s’est à partir de 1979 progressivement imposé comme l’un des leaders d’une nouvelle génération d’auteurs francophones d’Afrique Noire, par ses romans et par son théâtre.

Sony Labou Tansi est né de père congolais (RDC) et d’une mère congolaise (RC). Il est écrivain congolais des deux Congo. Aîné de sept enfants, Marcel Sony apprend le français à l’école, puis étudie à l’École Normale Supérieure d’Afrique Centrale (ENSAC).

Romancier, dramaturge et poète

À la publication de son premier roman, en France en 1979, il choisit pour pseudonyme Sony Labou Tansi, en hommage à Tchicaya U Tam’si. Satire féroce de la politique fondée sur la torture, le meurtre et le culte de la personnalité, dénonciation de la dictature, La Vie et demie se déroule dans un pays imaginaire, la Katamalanasie.

Ce roman est salué par la critique internationale, notamment française, au point que le roman fait figure d’œuvre majeure pour toute l’Afrique, selon les propos de l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou  : « S’il y a trois romans qui reviennent sans cesse comme importants dans la littérature d’Afrique noire, ce sont ceux de Yambo Ouologuem (Le Devoir de violence), d’Ahmadou Kourouma (Les Soleils des indépendances) et de Sony Labou Tansi (La Vie et demie).Au sujet de ce dernier, la critique française fut laudative. On parla d’une écriture rabelaisienne. On fit le parallèle avec l’univers latino-américain, en particulier celui de Gabriel García Marquez. »

Mais au-delà, comme il l’écrit lui-même dans l’Avertissement à ce premier roman : « J’écris pour qu’il fasse peur en moi» ; mais il disait aussi : « J’écris (ou je crie) pour qu’il fasse homme en moi ».

Dramaturge, fortement soutenu par le festival des francophonies en Limousin, ses pièces de théâtre sont jouées en France, en Allemagne, en Italie et aux États-Unis. Il a dirigé la troupe du Rocado Zulu Théâtre à Brazzaville.

La reconnaissance internationale vient en 1973, lorsqu’il reçoit pour la première fois le premier prix du Concours de théâtre interafricain organisé par RFI (pour Je soussigné cardiaque), performance qu’il réitérera à trois reprises (notamment La Parenthèse de sang en 1975). Six ans plus tard, il est primé au festival de la Francophonie de Nice, avant de recevoir en 1983 le Grand prix de l’Afrique noire, puis, en 1988, le prix Ibsen.

Combat politique et mort

Il a toujours vécu au Congo-Brazzaville et s’est rapproché, à la fin de sa vie, du leader Bernard Kolélas. En 1992, il est élu député de Makélékélé, ce qui le conduit à de nouvelles prises de position, selon la journaliste Sophie Joubert : « C’est d’abord en poète, voyant rimbaldien plutôt que visionnaire, puis en homme politique qu’il interpelle François Mitterrand et Jacques Chirac sur le nécessaire respect de la tradition humaniste de la France, le devoir d’ingérence, l’échec de l’aide au développement et la tolérance coupable envers les dictatures africaines. »

Une grande part de son œuvre est une réflexion sur le pouvoir post-colonial qui consiste à « dénoncer la bêtise et ses conséquences souvent cruelles partout où elle sévit, exalter la condition humaine », à travers « des farces ubuesques » qui narguent « les tyrans dérisoires, dont les modèles sont parfois très proches de lui ».

Auteur d’une œuvre dont la révolte résonne au-delà du seul continent africain, Sony Labou Tansi est un écorché vif qui dit la « mocherie » du monde, et comme le rappelle Kidi Bebey, sa « carte de visite » énonçait son projet de vie : « Métier : Homme. Fonction : Révolté». Mais sa foi en l’homme reste inébranlable : « Si je gueule, si je rage, c’est parce que j’ai plein d’espoir à communiquer. »

En 1994, Il est radié de la fonction publique et son passeport lui est retiré à la suite de son opposition politique au président Pascal Lissouba.

Ayant contracté le virus du sida mais incapable d’obtenir le traitement adéquat en l’absence d’un passeport et donc d’une autorisation de sortie du pays, il meurt à l’âge de 47 ans, le 14 juin 1995, quatorze jours après son épouse Pierrette, morte de la même maladie le 31 mai 1995.

Postérité

Nicolas Martin-Granel, chercheur au CNRS, à l’Institut des Textes et Manuscrits Modernes (ITEM) pour l’Afrique francophone, s’est longuement intéressé à l’œuvre de Sony Labou Tansi, regrettant un oubli injuste de l’écrivain au lendemain de sa mort : « Après sa mort, il y a eu un petit purgatoire. Dix ans après sa mort, il n’y avait pas énormément de choses sur Sony. Et puis, peu à peu, sa notoriété s’est élargie au-delà du public habituel de la littérature africaine. Aujourd’hui, il apparaît comme un grand écrivain qui dépasse de loin les frontières du Congo et de l’Afrique, ce qui correspond à sa volonté de s’adresser au monde entier. Il disait qu’il voulait coincer la terre entre deux mots. » En 2015 il dirige avec Julie Peghini la publication d’un ouvrage collectif, La Chair et l’Idée (Les Solitaires Intempestifs).

©:africanexponent.com

Share

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *