Du 7 avril au 17 juillet 1994 au Rwanda, il y a donc 28 ans, s’est déroulé un des épisodes les plus sombres de l’histoire du continent africain au XXeme siècle. Que s’est-il passé au Rwanda en 1994 ? Cette question était au coeur de la conférence organisée jeudi dernier à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis en commémoration du génocide des tutsis par les hutu. Le romancier Boubacar Boris Diop et le dramaturge tchadien Koulsy Lamko, conférenciers du jour, ont tenu en haleine le nombreux public. Parmi eux, l’instituteur Kaaw Dieng…
La conférence a démarré par une procession et un recueillement en la mémoire des victimes du terrible génocide. Ensuite, un documentaire d’une rescapée a été projeté. Suffisant pour plonger, le public dans l’ambiance de la conférence et le rendre plus que concerné raconte Kaaw Dieng.
Auteur de La Phalène des collines (2000) sur le génocide des Tutsis au Rwanda, Koulsy Lamko est largement revenu sur les péripéties historiques ayant conduit aux tueries en masses des tutsis par les hutus.
Comme dans son livre, Koulsy Lamko évoque le génocide des Tutsis au Rwanda sous la forme d’un conte allégorique. Dans La Phalène des collines l’histoire est racontée par l’esprit d’une Reine qui revient hanter le monde des vivants sous la forme d’un papillon, après avoir été violée et assassinée par un prêtre pendant le génocide rwandais de 1994. Avec le viol de la Reine, c’est le viol et la destruction de tout un pays que le dramaturge tchadien évoque.
Sous le regard de son excellence Jean Pierre Karabaranga ambassadeur du Rwanda au Sénégal, le professeur Dieng représentant du recteur et l’association de la communauté rwandaise au Sénégal, Koulsy Lamko a soutenu qu’ il faut « se souvenir pour exorciser ses fantômes et parvenir ensuite au pardon » !
Il s’agit pour lui de rester fidèle à l’histoire du pays et de raconter la vraie histoire du génocide. C’est un peu ce qu’il dit dans son ouvrage aussi.
« Le champ de la mémoire des morts, il faut le débroussailler, tondre les pousses mensongères pour laisser fleurir la vérité. » (p.144)
De son coté, l’écrivain Boubacar Boris Diop est revenu sur le soubassement politico-social du génocide. L’auteur de Murambi, le livre des ossements, une enquête, sorte de roman-reportage sur le génocide des Tutsi, connait très bien le Rwanda pour avoir enquêté sur place.
« Le Rwanda en 1994, avec son million de morts en 100 jours, soit 10.000 meurtres quotidiens, est l’exemple parfait, non pas de la haine de l’autre mais de la haine de soi. Tutsi et Hutu sont un seul et même peuple, ils parlent la même langue, adorent le même Dieu, Imana, et vivent sur les mêmes territoires où des coutumes identiques régissent leur vie quotidienne. On ne peut donc pas parler de haine inter-ethnique, bien au contraire je tue le tutsi non pas parce qu’il est différent de moi mais parce qu’il est identique à moi, il est le miroir qui me renvoie ma propre image que je ne supporte pas, qui doit être détruite. Ce génocide avait en réalité les allures d’un suicide collectif » a expliqué le penseur dont le roman lui a valu de remporter le Neustadt International Prize for Literature. Le prix sera remis en octobre prochain.
Pour Boubacar Boris Diop, « la France de Mitterrand a soutenu les partisans de la « Solution finale » au Rwanda, parce qu’à ses yeux Habyarimana était le président d’un bastion francophone envahi en octobre 1990 par une guérilla anglophone, le Front Patriotique Rwandais (FPR) de Fred Rigwiema et Paul Kagamé. Pour Paris, il fallait leur casser les reins car l’influence de la France en Afrique, le rayonnement de sa langue étaient mis en péril. »
Selon lui, presque tous les historiens, y compris Gérard Prunier que l’on peut difficilement suspecter de sympathie pour Kagamé, posent ce débat de la langue. La question de la langue française ainsi posée est lourde de son poids de sang au Rwanda.
La conférence s’est terminée avec les questions, témoignages et contributions du public. Des moments d’échanges pleins d’enseignements renseigne encore Kaaw Dieng.
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