Quand nos savoirs culinaires réenchantent le 10e art

Si la cuisine est une technique nourricière, elle est aussi, au-delà de la seule satisfaction d’un besoin physiologique auquel on ne saurait la réduire, un art appliqué à la physiologie.

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L’emblematique plat du Sénégal

‎ La cuisine est encore un art, pris au sens de «manières et inventions dont on se sert pour déguiser les choses, ou pour les embellir», un artifice. Et, par l’émotion et le plaisir qu’elle procure dans sa pratique la plus élaborée, elle est enfin «une manière de se nourrir», une conduite, et, à ce titre peut-être, « un grand art » ainsi que l’on désignait au 18e siècle l’art de vivre (et celui de mourir). C’est cette considération qu’exprimait probablement Talleyrand en déclarant que l’art culinaire faisait partie de l’art de vivre.

‎‎Dans son livre emblématique pour décrypter la pensée humaine, «Le Cru et le Cuit», Levistrauss utilise l’opposition culinaire entre le cru et le cuit comme un code universel symbolisant le passage de la nature à la culture, du chaos à l’ordre social, et explorant comment la cuisson (feu) crée un monde civilisé distinct des extrêmes de la pourriture (froid) ou de la conflagration (chaleur excessive). Il révèle comment cette opposition binaire se manifeste dans le langage et les structures mentales pour organiser le monde, montrant que le cru (naturel) et le cuit (culturel) sont nécessaires pour comprendre l’humanité.

La cuisine serait-elle ainsi un «art» au sens esthétique du terme ?

‎Dans la mesure où la préparation des aliments par le feu sert de métaphore centrale pour comprendre comment l’homme transforme le monde naturel en un monde culturel et ordonné, passant de l’état brut à des formes complexes et symboliques, la question peut paraître insignifiante mais le fait qu’elle demeure récurrente justifie qu’on la pose.

‎Sans même lui accorder ce statut, la cuisine, et plus particulièrement notre cuisine nationale, continue pourtant à se revendiquer comme un art esthétique, même s’il lui reste à se faire pleinement reconnaître par les institutions culturelles et devenir l’objet de politiques publiques. Un art qui se manifeste au quotidien, savamment entretenu par toutes ces femmes au foyer qui devraient tout du moins, être reconnues comme des artistes à la réputation mondiale, et dont la cote internationale devrait se mesurer sur les marchés financiers de la restauration.

‎‎Au-delà des considérations esthétiques, se jouent des enjeux de gouvernance, de souveraineté alimentaire et de valorisation culturelle, impliquant de renforcer les filières locales (lait, céréales comme le mil et le fonio), d’intégrer les produits locaux dans la gastronomie moderne (jeunes chefs), et de mettre en place des stratégies (campagnes de sensibilisation, labels, partenariats État-privé-ONG) pour dépasser la dépendance aux importations (blé) et soutenir les producteurs, tout en préservant le patrimoine et l’environnement.

‎‎En résumé, revisiter les savoir-faire culinaires sénégalais est un projet de société qui nécessite une approche intégrée : soutien aux producteurs, innovation culinaire, implication des consommateurs et cadres politiques favorables pour transformer le slogan « consommer local » en une réalité productive et une soft power durable et bénéfique pour le Sénégal.

‎‎Le ceebu jën, plat emblématique national du Sénégal inscrit au Patrimoine Immatériel de l’UNESCO a donné le la.

La cuisine sénégalaise, riche de ses traditions, de ses saveurs variées et de plats emblématiques reconnus internationalement comme le tieb (riz au poisson) ou le yassa, possède tous les attributs d’un art culinaire majeur méritant une reconnaissance académique et critique approfondie. Pour explorer ou redécouvrir cette richesse, de nombreuses ressources existent déjà, qu’il s’agisse de livres de recettes spécialisés ou de critiques gastronomiques en ligne.

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« Ceebu jën », plat national du Sénégal, a été inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco le 14 décembre 2021 grâce à l’engagement, entre autres de Fatima Fall ancienne Directrice du Centre de Recherche et de Documentation (CRDS)

Vivement que la demande du public ne cesse de croître et que les collectionneurs de signatures culinaires qui parcourent le monde s’intéressent à notre patrimoine culinaire vaste et divers. La cuisine sénégalaise mérite aussi son Dictionnaire Larousse, ses critiques dédiés et ses amateurs éclairés qui font d’elle aussi un «art majeur». Tout comme ses librairies spécialisées, ses expositions culturelles, sa critique, ses écoles de formation, ses reconnaissances intellectuelles et académiques, ses masters et ses doctorats.

 

 

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Khady Gadiaga est une communicante de profession. Elle a capitalisé 25 ans d'expérience professionnelle dans différentes entreprises où elle a respectivement occupé les postes de Product Manager, Directrice Commerciale et Marketing, notamment dans les secteurs de l'industrie médicale et textile en Europe et en Afrique. Ancienne directrice du marketing du Festival Mondial des Arts Nègres (FESMAN) de 2005 à 2010, elle a coordonné et orchestré le volet communication et marketing de ce grand rendez-vous culturel. Khady est passionnée de culture, des grandes idées et des mots, elle met sa plume au service des causes justes, parmi lesquelles, la paix et la concorde et la liberté. À ce titre, elle a été directrice de la rédaction, à Debbo Sénégal. Cette ancienne étudiante en Langues étrangères Appliquées à l'économie et au droit à University of Nice Sophia Antipolis, est aujourd'hui Directrice générale à Osmose (Agence de communication Globale) et depuis 2011, met en pratique sa riche expérience en qualité de Consultant expert Sénior en accompagnant les organisations du secteur privé, public et institutionnel en terme de conseils, de coaching et de suivi-évaluation de projets et programmes. Les chroniques de cette dame de aux centres d'intérêts éclectiques, sont désormais sur Kirinapost.

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