La sagesse des nations semble couramment tenir le devoir comme l’ombre du droit, et son pénible, quoique inévitable, envers.
On répète donc souvent que, toute chose ayant son prix, il n’est point de privilège qui n’implique des responsabilités. Aussi nous faut-il payer à la licence le prix de la nécessité, ou plus trivialement mesurer nos plaisirs à l’aune de nos contraintes. Les libertés et les crédits que paraît offrir le droit sont donc toujours comme repris et rattrapés par les jalouses exigences du devoir : notre existence morale est marquée du sceau de cette invariable nécessité, et qui l’ignore récoltera seulement ce qu’il a semé.
Le sage n’oublie jamais sa condition de vulnérabilité. Cela l’amène à réfléchir sur la nécessité de considérer autrui et la nature comme dignes de soins… Le premier pas de la sagesse est donc l’empathie et la compassion.
Les anciens Présidents Diouf et Wade en ont- ils fait preuve à l’égard du peuple sénégalais infantilisé et martyrisé par une caste de gouvernants davantage mus par leurs intérêts individuels que par le bien commun?
Ont-ils une seule fois condamné la nature gabegique et répressive de la Gouvernance de Macky Sall?
Si Wade l’a fait, c’est plus pour défendre les intérêts de son rejeton, à l’origine de tout le désordre institutionnel qui règne sous nos cieux.
On se rappelle allègrement du jusqu’au-boutiste Abdoulaye Wade qui, faute d’avoir pu imposer la candidature de son fils en 2019, avait appelé au boycott de la dernière présidentielle après avoir fait miroiter son soutien à Ousmane SONKO. Ses actes versatiles continuent de susciter le trouble au point de déstabiliser son propre camp en perte de vitesse. Et pourtant Wade aurait dû tirer des leçons du sort qui lui a été réservé, quand il avait voulu en 2011 s’agripper au pouvoir par un forcing d’une 3ème candidature qui pourtant était illégale, à en croire à lui-même qui attestait avoir verrouillé la constitution à deux mandats.
Quant à Diouf, il s’est toujours emmuré dans un silence assourdissant face aux dérives liberticides de son fils spirituel Macky Sall. Droit de réserve ou confortable lâcheté ? Jusqu’au dernier moment, j’ai espéré qu’il se lève pour dire son refus. Pour affirmer qu’en conscience, il ne pouvait cautionner cette mascarade. Qu’il était de son devoir de se dissocier d’un événement qui par son extravagance politique et morale, son je-m’en-foutisme écologique, son traitement de la personne humaine, sa pratique systématique de la corruption, son dévoiement même vers une politique de caniveau, heurtait son sens des responsabilités.
Il semble que nenni. Au lieu de réaffirmer leur refus de toute compromission, ils ont cosigné une adresse publique qui légitime l’abominable déréliction constitutionnelle fomentée par l’alliance contre-nature libéralo-yakaariste.
Ils nous ont servi une leçon de morale comme si de rien n’était. Comme si tout était normal.
Et cette nonchalance, cette indifférence, ce renoncement aux valeurs démocratiques les plus élémentaires, cette monstrueuse absence de courage, ce délitement par le bas, signent leur défaite morale.
Ils prouvent à suffisance que leur statut d’anciens pères de la nation ne fait pas d’eux des piliers solides, prévisibles et rassurants, des ancres auxquelles, on peut s’accrocher par gros temps, qui animent la vie sociale et ont l’étoffe de contraindre les décisions politiques, si les acquis démocratiques et le vivre-ensemble deviennent menacés.
En cautionnant la forfaiture du Président Macky Sall, ils ont montré qu’ils sont loin d’être des sages qui ne dérivent point et se laissent emporter par d’invisibles courants sous-marins cachés au fond d’abysses noirs. Des sages qui à l’opposé du dirigeant qui mise sur la force, se sont affranchis de la force, et qui tiennent leur conscience éveillée. Des piliers qui n’ont pas cédé à l’instar d’une certaine élite intellectuelle attentiste et de la caste des dignitaires coutumiers et religieux, plus courtisans qu’acteurs de solidarité.
Des références comme feu Abdou Aziz Sy Dabakh et son discours d’apaisement vibrant, rassénérant et opératoire, qui proposent des valeurs d’intégration, donc des valeurs qui se construisent dans la recherche de la vérité et de la justice, dans le dialogue intérieur, dans le dialogue avec les autres et dans l’expérience concrète.
La force de la déclaration réside en effet dans la volonté qu’elle exprime de considérer avec elle la politique d’après l’idée la plus élevée de l’homme, d’après la promesse de maturité qu’il porte en lui, et non d’après l’étalage d’enfantillages qui servent toujours à asseoir de bonnes raisons en onction au gouvernement des maîtres.
L’idée de devoir de sagesse, ainsi coupée du régime mondain et bavard de l’inique et l’arbitraire, apparaît dès lors comme à la fois plus large et plus étroite que dans l’acception du sens commun. Plus large parce que le devoir de sagesse ainsi compris enveloppe tous les devoirs qu’on peut imaginer.
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