Quand Moustapha Saitque rencontre Mamadou Dia le réalisateur du film Demba à Lausane

Dans le cadre du Festival cinémas d´Afrique de Lausanne qui s’est déroulé du 15 18 aout 2024, le réalisateur sénégalais Mamadou Dia était venu défendre son film « Demba » au programme de cette 18e édition. Son collègue, le documentariste Moustapha Saitque, sur place aussi, l’a rencontré pour Kirinapost. Entretien ou dialogue entre deux cinéastes…

 

Quand Moustapha Saitque rencontre Mamadou Dia le réalisateur du film Demba à Lausane, Information Afrique Kirinapost

« Pour moi un film doit nous faire poser encore plus de questions avoir l’avoir regardé. » Mamadou Dia

Kirinapost : Comment te présenter ?

Mamadou Dia: Je suis scénariste, réalisateur sénégalais, je suis ici á Lausanne pour présenter mon film « Demba ».

Kirinapost : Peux tu nous parler un peu de ton film?

Mamadou Dia  : « Demba » est l’histoire d’un personnage qui a le même nom, elle se passe á Matam. Demba le personnage principal n’arrive pas à être normal après la mort de sa femme. Le film pose surtout la question « Comment guérir d’une maladie de santé mentale – la dépression – dont on a pas le nom dans nos sociétés?

Kirinapost : Le pékaan comme genre poétique et littéraire est emblématique du Fouta, mais dans le film il y a aussi un personnage qui s’appelle Pékaan.

Mamadou Dia : Le « pékaan » est un genre de musique des pêcheurs (Cuballo), d’ailleurs Mame Woury Thioub a fait un très beau documentaire sur les « Cuballo ». Donc le « pékaan » est une musique des pêcheurs pour aller à la chasse aux crocodiles. Le « pékaan » est une musique du film parce que la musique est une manière de communiquer dans le film. Pékaan le personnage passe son temps à chanter le « pékaan« , et tout ce qu’il veut avoir en retour c’est quelqu’un qui le lui chante à son tour. Demba est le seul á comprendre cela, parce que Demba sa seule hantise reste de ne pas devenir fou comme Pékaan. Ce qui les lie donc va être le « pékaan », cette musique de guerrier, d’incantation, de protection.

Kirinapost : Qu’est ce qui te lie personnellement avec le pékaan?

Mamadou Dia : Je suis Alpulaar, peul du Fouta, j’ai grandi à Matam, l’une des plus anciennes villes du Sénégal avec son petit port. J’ai grandi en écoutant le « pékaan » á la radio, j’ai grandi en allant á des soirées de pékaan. Á l’époque on avait des stars comme Samba Diop Lélé,  le défunt Samba Amath Gadio. Le « pékaan » dit-on est une musique qui a la capacité de protéger,  de porter bonheur. Beaucoup parmi les personnages du film sont des « Cuballo », comme « pékaan » lui même qui s’appelle Mamadou Baylo Sarr. Le « pékaan » est chanté dans le film comme une manière thérapeutique de santé mentale.

Kirinapost : On peut noter également que Baba Maal qu’on considère comme la voix de la culture Alpulaar est absent du film, là où on a pu entendre celles d’autres figures emblématiques de la culture wolof et de la musique moderne sénégalaise que sont Papa Serigne Seck Dagana et Abdoulaye Ndiaye « Thiossane ».Très présents finalement dans le film.

Mamadou Dia : « Yaye » le mythique morceau salsa de Pape Seck est la musique que dansait Demba et sa défunte épouse. Bàjjo le fils lui écoute du rap notamment la musique de Advise un rappeur sénégalo-mauritanien. La musique pour moi elle est importante dans ce qu’elle nous fait ressentir. Abdoulaye Ndiaye « Thhiossane« de Thiés une icône de la musique et de la peinture faisait des affiches de film. On voulait lui confiait l’affiche du film, malheureusement, il est décédé avant entre-temps. Donc, la plus belle manière de lui rendre hommage était finalement de mettre une de ses chansons dans le film.

Kirinapost : Est ce que tu seras d’accord avec moi, si je te dis que la photographie du film est extrêmement audacieuse.

Mamadou Dia : Si tu le dis je te crois compte tenu de ton expérience. En tout cas le film nous l’avons voulu dés le départ très beau. Et la beauté des images est relativement facile à obtenir dans nos pays, parce qu’on a des régions très belles, des gens beaux, de beaux costumes, une belle lumière du soleil pendant douze heures par jour. Et puis j’avais la chance d’avoir une équipe magnifique. Le chef opérateur Sheldon Chau j’ai fait tous mes films avec lui. On s’était dit que nous allions nous donner tous les moyens pour arriver á faire un beau film, bien qu’il traite de la dépression. Nous avions une caméra mini Alexa. Visuellement aussi nous n’avons pas voulu suivre des règles gros plan, plan large etc. Mais nous avions plutôt voulu adapter la caméra aux attitudes des acteurs et des situations. Ceci nous l’avions commencé  dés les répétitions où au lieu de dire aux acteurs la caméra va se placer ici, vous vous allez la-bas, c’est plutôt nous qui cherchions à nous mettre à la bonne place pour capter les meilleurs moments dans les plus brefs délais.

Kirinapost : C’est ça donc qui fait que dans tes films, la directions des acteurs est toujours top?

Mamadou Dia : Merci c’est gentil, mais il y a aussi et surtout le talent des artistes. En plus Demba l’acteur principal est un ami. Nos défuntes mères aussi étaient des amies, donc nous avons tous les deux vécus cette période de deuil, ce traumatismes d’avoir perdu une mère. Les personnages du scénario se rapprochent plus des personnes vraies et pas le contraire. Je connais personnellement chacun et chacune des personnes qui joue dans ce film. Quand la caméra tourne j’essaie de les amener á évoluer avec le minimum de jeu, á être eux même le plus possible. Aussi nous nous donnons le maximum de temps avant le tournage, pour les répétitions, pour les discussions, pour les traductions, pour les lectures et la compréhension du texte.

Kirinapost : Mais aussi on peut constater que tu t’attaques beaucoup aux tares de nos sociétés, mais jamais de manière frontale, toujours avec tact et subtilité. Est-ce que ces choses tu les dénonces á titre personnel, parce que tu les a particulièrement vécu, ou est-ce une volonté de faire réfléchir la société et  la faire progresser?

Mamadou Dia : Le cinéma a plusieurs rôles. Hier, nous avons vu le film de Ousmane William Mbaye «Ndar Saga Waalo ». (NDLR). Il fait un cinéma d’histoire, de questionnement et de témoignage. Pour moi un film doit nous faire poser encore plus de questions avoir l’avoir regardé. Je n’ai pas de réponses je n’ai que des questions. Le cinéma me permet de partager mes expériences personnelles. Le Fouta de mon enfance n’existe plus, j’ai envie de le recréer et de le mixer avec le Fouta d’aujourd’hui qui est fait de choses qui sont très locales et d’autres comme ce qui se passent partout dans le monde.Ce que je propose est toujours tirée de la complexité et des contradictions de l’être humain et de sa société.

Kirinapost: Par rapport á la distribution?

Mamadou Dia : On va commencer par Matam, pour faire la première nationale. Nous sommes entrain aussi de négocier une sortie en salle au Sénégal et en France. Probablement Canal qui est un partenaire va le montrer sur toutes ses chaines francophones. Il faut souligner que Canal a été généreux lors de mon dernier film « Baamun Nafi ». Il ne l’avait pas doublé, il l’avait laisser passer avec sa langue originale et l’avait juste sous-titré. Ce qui est très important parce que la langue fait partie de ce que les gens sont vraiment. Mais sont aussi le pular est parlé par soixante millions de personnes à travers l´Afrique et le monde.

Kirinapost : Belle transition. Je vais juste dire Martin Scorsese et New York, et Mamadou Dia et le Fouta.

Mamadou Dia . Lá tu m’épates !. J’ai un lien particulier avec le Fouta parce que c’est là-bas où je suis né et où j’ai grandi. C’est là-bas aussi ou sont encrés mes plus beaux et mes plus durs souvenirs et beaucoup de mes films viennent de mes expériences personnelles. Et croyez moi il y a beaucoup de choses á dire au Fouta, beaucoup d’histoires à raconter, mais également économiquement c’est plus intéressant d’un point de vu de la production. Mais ça dépend aussi des sujets que je dois traiter. Si je serai amené un jour à faire un film sur un apprenti carapide, je serai obligé d’aller á Dakar.

Kirinapost : Je suis très tenté de faire un autre parallèle, entre Baaba Maal et toi. Baaba Maal quand il se déplace c’est littéralement le Fouta en miniature qu’il met sur toutes les scènes du monde, mais toi dans ce film c’est l’universel que vous convoquez dans votre contrée á travers l’histoire de Demba. Hier dans la salle á la fin de la projection pendant les débats beaucoup de gens venus de différents horizons ont ramené le cas de Demba à leur propre situation ou á la situation d’un proche.

Mamadou Dia : Effectivement. L’universalité c’est juste le lien qui existe entre les personnes. Demba a fait de son mieux pour être le meilleurs des pères. Bàjjo a fait de son mieux pour être le meilleur des fils. Pour revenir à Baaba Maal, avec son défunt ami Mansour Seck, il faisait des hirdé qui consistait à aller de village à village pour faire de concerts avec leurs voix et une guitare sèche et j’ai grandi avec cette musique. Je suis issu d’une famille religieuse, mon père était Imam, il n’y avait pas de la musique á la maison, sauf quand Baaba Maal ou Thione Seck (paix á son âme) passaient à la radio. Eux étaient tolérés. Par ailleurs, Baaba Maal est un artiste très généreux, ça je le dis á l’intention de tous les jeunes cinéastes qui veulent utiliser sa musique. N’hésitez pas, allez vers lui, faites lui la demande avec respect et considération et c’est sûr vous obtiendrez ce que vous lui demandez. Pour revenir á l’universalité Baaba Maal et moi nous nous inscrivons dans l’universalité simplement parce que nous parlons des liens humains. De ce point de vue l’histoire de Demba bien que se passant dans un hameau devient universel.

Kirinapost : À propos d’ universel, comment trouves-tu ce festival ?

Mamadou Dia : j’apprécie beaucoup de festival qui est à taille humaine, tout le monde peut se rencontrer, et se parler, ça me donne hâte de revenir…

Propos recueillis par Moustapha Saitque

 

 

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Mamadou Sekk est un passionné de culture et de musique africaine. Il est l'initiateur du Berger Des Arts (Gaynaako Ñeeñal) The Shepherd Of Arts et Festival Blues D'Afrique / Assoc. Le Berger Des Arts est dédié à la collecte, la conservation, la mise en valeur et l'interprétation des musiques du monde, sous-estimées ou en péril, qui ont contribué à la naissance du Blues afin d'éviter leur disparition.

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