Propagande sur Gaza : les grands médias répètent en boucle la ligne du gouvernement américain

Lorsqu’il s’agit d’Israël et de Gaza, nos grands médias se comportent comme la propagande d’un régime autoritaire. Voici six des pires exemples. Source: les-crises,  Liza Featherstone, Jacobin

Pendant la guerre froide, l’exemple type de média autoritaire était la Pravda, le journal soviétique, dont le nom signifie « vérité » en russe. Il était courant de dire que les médias soviétiques répétaient la ligne du gouvernement sur tout, sans présenter d’autre point de vue. Les titres sur les purges de l’époque de Joseph Staline comprenaient des titres comme « Écrasez les reptiles » ou « Pour les chiens : la mort d’un chien ». Après la signature par Staline du pacte de non-agression avec Adolf Hitler, la Pravda n’a plus utilisé le mot « fasciste » pour décrire le régime nazi.

Lorsque les médias américains couvrent ce type de médias d’État dans d’autres pays (l’Union soviétique, la Chine, l’Iran), c’est toujours avec une certaine suffisance : cela ne pourrait jamais arriver ici. Peut-être ne devrions-nous pas être aussi suffisants.

La couverture par les grands médias américains des récentes manifestations sur les campus contre le génocide à Gaza a souvent été pratiquement impossible à distinguer des médias d’État d’un régime non démocratique. Le discours de la Maison Blanche est recyclé tous les soirs et sans relâche, en particulier dans la presse écrite d’élite et dans les émissions libérales ou centristes, d’une manière qui ne semble pas très différente de celle des sociétés autoritaires.

Est-ce que j’exagère ? Jetez un coup d’œil à certains des exemples récents les plus flagrants et décidez par vous-même.

Police des langues

Selon une note de service divulguée à The Intercept, le New York Times a interdit à ses journalistes d’utiliser les mots « génocide » ou « nettoyage ethnique » pour décrire le génocide et le nettoyage ethnique qui se déroulent à Gaza. Les rédacteurs du Times sont également censés éviter d’utiliser les termes « territoire occupé » ou « Palestine ». La note met également en garde contre d’autres mots qui, pour toute personne sensible ou même simplement soucieuse d’exactitude, caractérisent à juste titre ce que les Israéliens ont fait aux Palestiniens, notamment « boucherie », « massacre » et « carnage », en avertissant que ce langage transmet « plus d’émotion que d’information ».

C’est orwellien. Comment qualifier autrement le massacre de 112 habitants de Gaza qui tentaient d’aller chercher de la farine en mars ? Comment le meurtre de plus de quinze mille enfants en sept mois pourrait-il être autre chose qu’un « carnage » ? Le journal de référence aseptise l’une des guerres les plus sanglantes et les plus unilatéralement brutales du XXIe siècle jusqu’à présent.

Joe le détraqué

L’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton a fait l’objet de nombreuses critiques pour ses commentaires condescendants et prévisibles sur le manque supposé de connaissances historiques des étudiants protestataires lors de sa récente apparition dans l’émission Morning Joe de la chaîne MSNBC. Mais les commentaires de l’animateur qui ont précédé ceux de Mme Clinton ont reçu moins d’attention, alors qu’ils étaient bien pires.

Dans la longue conclusion de sa question à Mme Clinton (l’une de ces divagations complaisantes auxquelles se livrent les journalistes pendant les interviews et qui nous font totalement oublier qu’il y avait une question) Joe Scarborough, ancien membre républicain du Congrès, avait l’air d’une sorte de maccarthyste de droite fou des années 1950.

Il a dénoncé le fait que « les étudiants ordinaires se radicalisent sous l’influence de leurs professeurs ou de la propagande communiste chinoise sur TikTok ». Il n’arrivait pas à croire que les étudiants qualifiaient le président de « Joe le génocidaire » et les Clinton de criminels de guerre. Il s’est dit choqué que des professeurs participent aux manifestations ; choqué comme une personne normale pourrait l’être de voir des enfants mourir à cause des actions d’un président pour lequel elle a voté.

La diatribe s’est ensuite transformée en une sorte d’indignation généralisée face à la colère populaire à l’égard d’autres crimes impériaux américains : Scarborough a également été profondément consterné par le fait que certains étudiants quelque part ne veulent pas qu’un bâtiment universitaire porte le nom de Madeleine Albright. Comment osent-ils la qualifier de criminelle de guerre, s’insurge-t-il : elle a été la première femme à occuper le poste de secrétaire d’État.

« Les étudiants des grandes écoles ont cette vision radicalisée », déplore-t-il, qualifiant la situation de « désolante ». Il ne faut pas qu’ils apprennent, insiste-t-il, que les dirigeants américains sont des criminels de guerre. »

Nous ne pouvons pas accepter cela ! (Même si, comme je l’ai écrit, Albright était effectivement une tueuse.) Alors que MSNBC est heureuse de s’insurger contre les républicains qui ne veulent pas que les enfants apprennent l’histoire de l’oppression raciale à l’école, il y a clairement une limite stricte lorsqu’il s’agit de la politique étrangère américaine, et aucune limite au type de pleurnicherie embarrassante et déséquilibrée que Joe Scarborough est prêt à prononcer à la télévision nationale pour défendre la guerre des États-Unis à l’étranger.

Assimiler les étudiants protestataires pacifiques à des nazis

L’accusation absurde selon laquelle les manifestations d’étudiants seraient antisémites est un sujet de discussion récurrent de la Maison Blanche et du gouvernement israélien. En fait, de nombreux leaders des manifestations étudiantes sont juifs, une réalité qui a été délibérément ignorée par la plupart des médias d’élite. De plus, de nombreux incidents antisémites signalés ont été démentis (voici un exemple) ou reposent sur le postulat erroné que toute critique d’Israël est antisémite, un postulat largement rejeté par les Israéliens et les Juifs progressistes.

Dans le même ordre d’idées, l’animatrice de CNN Dana Bash a déclaré devant la caméra, sans contexte ni mise en garde, que « faire en sorte que les étudiants juifs ne se sentent pas en sécurité dans leurs propres écoles est inacceptable. Et cela se produit beaucoup trop souvent en ce moment ».

En évoquant les manifestations sur le campus de l’UCLA, elle s’est exclamée : « En 2024 Los Angeles rappelle les années 1930 en Europe, et je ne dis pas cela à la légère. » Tout en disant cela, elle a malhonnêtement montré un clip dans lequel des femmes portant des keffiehs empêchent d’autres étudiants d’entrer dans un bâtiment. La voix off de Mme Bash accompagnant cette séquence laissait entendre (à tort) que les femmes excluaient les étudiants juifs, alors qu’il n’y avait aucune preuve visuelle à l’appui.

Dana Bash sera l’une des modératrices du débat présidentiel ; il est tentant de dire qu’en attisant cette panique morale sanctionnée par l’État au sujet de « l’antisémitisme sur les campus », elle s’est disqualifiée pour un tel rôle. Mais aux yeux des puissants médias, c’est peut-être le contraire qui est vrai.

Une autre abominable ordure

Un autre modérateur de débat présidentiel : Jake Tapper. Il a toujours fait en sorte de justifier le massacre des Palestiniens par Israël.

Lors d’une occasion particulièrement effroyable, il a parlé du tollé mondial suscité par le génocide vu du côté Israélien, en faisant un éditorial relatant que les Israéliens « entendent tous les appels au cessez-le-feu. Ce qu’ils n’entendent pas, ce sont les propositions de la communauté internationale pour récupérer les 240 otages que le Hamas a enlevés ». Ils « n’entendent personne proposer un moyen d’écarter le Hamas de la direction de Gaza ».

Comme l’a souligné Belén Fernández sur Al Jazeera, cette « analyse » de Tapper a été saluée par Brit Hume de Fox News. « Alors que Tapper continue d’auditionner pour le rôle de porte-parole de l’armée israélienne, un cessez-le-feu immédiat doit être décrété concernant le journalisme sanguinaire. »

Il est clair que Dana Bash et Jake Tapper ont été choisis pour animer le débat pour une seule raison : leur impossibilité absolue à l’un comme à l’autre de poser à Joe Biden ou à Donald Trump des questions gênantes concernant Israël ou le rôle des États-Unis dans ce massacre. Lire La Suite ICI

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