Ouattara et les autres: Le « droit » de se présenter

Aujourd’hui Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire se déclare candidat pour un 4ème mandat présidentiel, à l’âge de 83 ans. Il paraît que… « le problème ce n’est pas qu’il a le droit de se présenter…Le vrai problème, c’est que pendant que lui se présente, les autres sont empêchés !

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Ado veut un 4ème mandat…

Gbagbo radié, Thiam bloqué, Soro exilé, la marche interdite… et bizarrement, c’est lui seul qui parle à la télé. » Et pourtant…..

Considérant que la forme de la déclaration en question peut grandement varier en matière d’élégance, le résultat final sur le terrain est toujours le même.

En effet, certains se présentent en costume-cravate et sourire colgate dans les médias nationaux, après avoir éliminé les candidats gênant de la course par différents stratagèmes affinés depuis l’avènement des conférences nationales des années 1990.

D’autres ne disent pas grand chose, voire rien du tout, et le processus pré-électoral suit son cours bon gré malgré, zigzaguant entre les soubresauts médiatiques, les discours d’opposants qui pour la plupart connaissent leur destin immédiat, et les manifestations de colère calmées par le moulinage de menaces et intimidations ponctué d’apparitions sporadiques de la soldatesque locale déguisée en tontons-macoutes.

« Le droit de se présenter »? 

Une notion devenue éminemment volatile en Afrique subsaharienne au fur des décennies. Car entre « droit » et « droit », la plus subtile des confusions. Droit ou droit? That is the question!

A défaut d’une définition qui tiendrait universellement la route sous les cocotiers du Gondwana, la notion de légitimité est tout autant volatile par les temps qui courent. Car celle-ci dépend du bruit des arguments en circulation qui virevoltent entre ceux de la sphère officielle incarnée par le régime du moment, en bataille plus ou moins rangée face à la sphère populaire des populations toutes tendances confondues.

Dans une analyse somme toute assez sommaire, puisque la fin des moyens est l’essentiel dans la conclusion des faits, quand le « droit » est daccordisé par l’Occident, tout va bien pour le candidat du régime, pressenti par les moins naïfs.

Ce dernier peut rester au pouvoir même 43 ans, ou même 58 ans dans le cas dune dynastie familiale.

Si daccordisé par l’Occident, les mandats en accordéon accordés par le fait accompli, sont de facto légitimes. Si le « droit de se presenter » n’est pas daccordisé par les gurus de la politique africaine du monde libre, le candidat en question devient le bras droit de Satan.

Entretemps, l’avis et les intérêts des populations locales, le plus souvent enfermées dans le carcan médiatique international de l’indignité naturelle, n’ont pas la moindre importance dans l’équation. La répression qui s’abat sur les plus courageux lors de leur expression très légitime de leur « désaprobation » au long cours, celle-ci se transforme en « émeutes de la faim » aux yeux du monde.

La démocratie au Gondwana des cocotiers? Le butin de l’Occident. 

La Côte d’Ivoire n’est pas seule. Mais elle va encore un peu bien par rapport à d’autres fiefs aux mandats silencieusement consécutifs. Mais après tout de quoi a-t-on peur en Côte d’Ivoire pour devoir jouer au Monopoly avec la volonté populaire? La démocratie, panacée du monde. En Afrique subsaharienne?

La République, vitrine du leurre institutionnalisé depuis 1960, qui, toujours lustrée, garnit les tombes de l’interdiction de développer le pouvoir de chaque citoyen sur sa propre destinée. Les prisons moisies de l’époque coloniale, des mouroirs surpeuplés au milieu des villes leur rappellent au quotidien que pour un avenir meilleur ils doivent baisser la tête et se sacrifier. Une vie à l’ombre de l’anéantissement répressif de chaque tête qui pense, qui parle et qui fait autrement que ce que dicte le « droit » de la version officielle.

 

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D’origine britannique, Rebecca Tickle est d’abord une passionnée de l’histoire et du destin de l’Afrique. Elle baigne dans l’esprit du continent dès sa petite enfance à travers son père journaliste, qui sillonne l'Afrique dans le contexte de la Guerre froide. A l'issue d'une carrière d'infirmière diplômée bien remplie et l’achèvement d’une licence en sciences sociale et politiques, Rebecca Tickle travaille dans le domaine de la résolution de conflit et de la gestion de projet de médiation humanitaire. Elle s’engage ensuite comme chargée de communication puis comme secrétaire générale dès 2009 à la Fondation Moumié basée à Genève, structure œuvrant pour la réhabilitation de la mémoire coloniale tardive et postcoloniale de la résistance nationaliste au Cameroun et au-delà. Elle s'intéresse particulièrement aux maux qui rongent l'Afrique centrale et alimente sa réflexion à travers les dénominateurs communs caractérisant le continent. Portant une attention particulière aux rapports de pouvoir et d'influence depuis les indépendances, à travers entre autre la société civile et les médias, Rebecca Tickle se plonge dès qu’elle en a l’occasion dans cet univers qui lui tient tant à coeur, à travers la littérature, le cinéma africain et la condition humaine sur le continent. Une curiosité insatiable et une veille assidue des actualités depuis près de trois décennies, complétées par un Master en études africaines terminé en 2024 à l’Université de Genève, lui permettent de faire des analyses fortes et de participer sous diverses formes aux débats autour des questions brûlantes qui animent l'Afrique. Rebecca Tickle collabore avec la rédaction de Kirinapost depuis son lancement en 2016.

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