On ne pourra pas régler le problème de l’érosion côtière sans le soutien du secteur privé (Simeon Ehui)

Simeon Ehui. Regional Director for Sustainable Development for Africa

Je suis né et j’ai grandi en Côte d’Ivoire, un pays au littoral majestueux, mais vulnérable. Je ne sais que trop bien à quel point les moyens de subsistance et les populations côtières ont été mis à rude épreuve par des crues violentes, des infrastructures de piètre qualité, une pollution due aux déchets non traités et bien d’autres facteurs qui pourraient être encore aggravés par le changement climatique.

Les récentes inondations qui menacent la ville de Grand-Bassam, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO et berceau de mon grand-père, ont une résonance particulière pour moi. En septembre dernier, la montée des eaux de la Comoé, le plus grand fleuve du pays, a provoqué une crue d’une ampleur extrême dans la ville. Les habitants ont dû être évacués, laissant derrière eux des maisons inondées, des possessions dévastées et des commerces désertés.

L’année 2019 restera dans les mémoires comme une année de crises climatiques extrêmes sans précédent en Afrique orientale et australe. Rien qu’entre octobre et novembre, des précipitations supérieures de 300 % à la moyenne ont provoqué des inondations massives et des glissements de terrain qui ont affecté 2,8 millions de personnes. Au Mozambique, les dommages et les pertes causés par deux cyclones consécutifs se sont élevés à 3 milliards de dollars, tandis que 3,4 milliards de dollars seront nécessaires pour le redressement et la reconstruction.

La situation est tout aussi critique en Afrique de l’Ouest, comme le montre notre récente analyse économique : pour la seule année 2017, la dégradation des côtes, les inondations et la pollution ont coûté 3,8 milliards de dollars au Bénin, à la Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Togo, soit 5,3 % du produit intérieur brut de ces quatre pays réunis. Et au-delà de son coût économique, la dégradation du littoral a entraîné le décès de 13 000 personnes cette année.

C’est une tragédie. Les zones côtières d’Afrique de l’Ouest abritent environ un tiers de la population de la région et génèrent 56 % de son PIB. Notre littoral doit rester en bon état et productif pour créer des opportunités économiques, ancrer des communautés résilientes et transformer les moyens de subsistance.

La lutte contre les inondations et l’érosion côtière nécessitera toute une palette d’interventions. Par conséquent, les professionnels de l’agriculture, de la gestion des risques de catastrophe, de l’environnement et de l’eau doivent unir leurs forces pour réduire les risques, protéger les écosystèmes et améliorer les infrastructures afin de renforcer la résilience des moyens d’existence.

Autre défi de taille : il est indispensable de mobiliser les financements et l’expertise nécessaires pour aider les pays à se préparer aux aléas climatiques et aux tensions qui s’exercent sur les côtes.

Aminata Dieng a dû quitter sa maison de Saint Louis du Sénégal détruite par l'érosion côtière et vit désormais dans le camp pour déplacés internes liés au changement climatique, de Khar Yallah au Sénégal.
Aminata Dieng a dû quitter sa maison de Saint Louis du Sénégal détruite par l’érosion côtière et vit désormais dans le camp pour déplacés internes liés au changement climatique, de Khar Yallah au Sénégal.©: Vincent Tremeau/Banque mondiale

 

Je reviens d’Abidjan, où le Programme de gestion du littoral ouest-africain (WACA) a organisé son premier Marketplace, qui réunit pays concernés, bailleurs et entreprises du secteur privé pour trouver ensemble des solutions aux problèmes de l’érosion côtière. À cette occasion, j’ai été réconforté d’observer l’attention avec laquelle le secteur privé et les acteurs financiers ont écouté les pays présenter des projets sur la résilience du littoral et manifesté leur volonté d’y contribuer. Ce type d’événement est une démarche novatrice qui pourrait devenir la voie à suivre pour accélérer les choses, car c’est un moyen relativement simple de transformer les concepts en projets prêts à être financés et correspondant aux intérêts du secteur public comme du secteur privé.

Lors de cette toute première édition du Marketplace, les pays soutenus par le programme WACA — financé par la Banque mondiale — ont recensé les investissements prioritaires pour la résilience côtière et entamé un dialogue avec des partenaires financiers et techniques qui permettra d’accélérer le passage à l’action.

Le programme WACA offre des solutions techniques et financières pour relever ces défis. Cependant, la tâche est encore plus colossale en raison de la pression accrue causée par la croissance de la population côtière et par l’exploitation impitoyable des ressources naturelles dont tant de personnes dépendent pour leur subsistance. Face à cette situation, le Marketplace a encouragé les investissements dans la résilience du littoral, au moyen de financements innovants et de partenariats public-privé.

La Banque mondiale est partie prenante du programme WACA, car nous sommes convaincus que la résilience est un impératif. Il est de la responsabilité de tous les secteurs de faire en sorte de préserver les moyens de subsistance et la prospérité économique des régions côtières. Prenons quelques exemples : à Cotonou, le réseau de drainage urbain pour prévenir les inondations est en phase d’extension ; à Abidjan et dans d’autres villes, les paysages côtiers sont restaurés pour lutter contre l’érosion ; nous travaillons avec les ports pour améliorer les infrastructures et la gestion environnementale ; le démantèlement approprié des plateformes pétrolières d’Afrique de l’Ouest est un enjeu crucial. Tout cela serait impossible sans une volonté de maintenance, de gouvernance et de transparence partagée par tous les secteurs.

L’action locale et l’apprentissage des stratégies de résilience et d’adaptation sont tout aussi nécessaires. C’est pourquoi nous avons encouragé de jeunes blogueurs à promouvoir la résilience côtière, consulté des groupes de la société civile et, ensemble, nous avons préparé une feuille de route pour l’action locale et la participation communautaire, afin de garantir que les voix des bénéficiaires soient entendues et prises en compte.

Nous avons également besoin des connaissances, des recherches et de l’expertise du milieu universitaire pour conceptualiser des interventions transformatrices. Le Centre d’excellence africain pour la résilience côtière (a), soutenu par la Banque mondiale, est au cœur du renforcement des connaissances régionales. Il va préparer un « compendium des solutions pour la résilience côtière » en collaboration avec l’Institut français de recherche pour le développement.

À Grand-Bassam comme dans d’autres villes africaines, la prospérité passe par des solutions techniquement solides et mises en œuvre à grande échelle, mais elle exige aussi des pays qu’ils prennent l’initiative de la coordination régionale.

Je suis enthousiaste à l’idée de voir le secteur privé prêt à jouer son rôle et à soutenir une Afrique durable et prospère.

Source: Banque Mondiale

©:Vincent Tremeau/Banque mondiale

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