« Nous faisons la distinction entre les collaborateurs et nos frères » (Par Rami Abou Jamous)

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter en octobre 2023 son appartement de Gaza-ville avec sa femme Sabah, les enfants de celle-ci, et leur fils Walid, trois ans, sous la menace de l’armée israélienne. Réfugiée depuis à Rafah, la famille a dû ensuite se déplacer vers Deir El-Balah et plus tard à Nusseirat, coincés comme tant de familles dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Un mois et demi après l’annonce du cessez-le-feu, Rami est enfin de retour chez lui avec sa femme, Walid et le nouveau-né Ramzi. Pour ce journal de bord, Rami a reçu le prix de la presse écrite et le prix Ouest-France au Prix Bayeux pour les correspondants de guerre. Cet espace lui est dédié depuis le 28 février 2024.

« Nous faisons la distinction entre les collaborateurs et nos frères » (Par Rami Abou Jamous), Information Afrique Kirinapost

Bande de Gaza, 20 mai 2025. Yasser Abu Shabab, le chef de la milice des Popular forces (Les Forces populaires) tenant une arme tandis qu’un convoi des Nations unies passe derrière. Sur son gilet est cousu un patch representant le logo de son organisation.
Image publiée sur la page Facebook des Forces populaires et le compte Facebook personnel de Yaser Abu Shabab

Samedi 6 juin 2025

L’ancien ministre de la défense israélien Avigdor Lieberman a « révélé » jeudi sur la radio Kan Reshet qu’Israël « transfère des armes à un groupe de criminels et délinquants qui s’identifient à Daech1, sur instruction du Premier ministre ». L’opération a été menée « avec l’approbation de Nétanyahou » mais « sans passer par le Conseil des ministres ». Toujours selon l’ancien ministre, « le chef du Shin Bet [les services de renseignement intérieur] était au courant, mais j’ignore dans quelle mesure le chef d’état-major était informé ».

Nétanyahou n’a pas démenti ces accusations. Son bureau a répondu : « Israël agit pour vaincre le Hamas par différents moyens, sur recommandation de tous les chefs des services de sécurité. »

Ce prétendu secret d’État est un secret de polichinelle, comme disent les Français. Oubliez Daech, qui fait partie du folklore de la propagande israélienne. Il n’y a pas d’État islamique à Gaza. Il s’agit de clans mafieux qui s’emparaient des camions de l’aide humanitaire internationale, avant le blocus, avec la complicité de l’armée israélienne. J’ai parlé de ces bandes organisées depuis longtemps, dans ce Journal de bord. Mais comme d’habitude, la parole d’un journaliste palestinien est suspecte. En revanche, la parole israélienne est considérée comme authentique, même si elle raconte n’importe quoi. Cela fait partie de la guerre médiatique que nous subissons, en plus de la guerre tout court. Aujourd’hui, la manipulation de ces bandes par Israël est validée par le Premier ministre lui-même.

Une « milice anti-Hamas »

Au même moment, la principale de ces organisations tente de se donner une légitimité en se présentant comme un mouvement armé de « protection de la population ». C’est ce qu’explique la page Facebook intitulée, en anglais, « Yasser Abu Shabab — Popular Forces ». La photo de bannière représente un homme d’une quarantaine d’années fixant l’objectif, vêtu d’un gilet pare-balles et tenant un fusil d’assaut, sur fond d’incendies et flanqué d’un aigle en vol.

Cet homme, c’est le dénommé Yasser Abou Shabab, qui est loin d’être un inconnu (voir photo de Une). Condamné et incarcéré pour trafic de drogue par la justice de Gaza, il est membre d’un important clan bédouin. Il s’était évadé au début de la guerre, à la faveur d’un bombardement de sa prison par les Israéliens, avant d’entamer une carrière de pillard de convois d’aide humanitaire. Avec toujours le même scénario : les Israéliens obligent les camions à passer par des routes interdites à la population gazaouie, sauf aux hommes d’Abou Shahab, qui les attendent, souvent avec des armes flambant neuves, ce qui laissait déjà soupçonner qu’elles étaient fournies par les Israéliens. Les objectifs d’Israël étaient évidents : semer le chaos, démontrer que l’ONU ne pouvait pas protéger ses convois et accuser le Hamas, alors que les drones israéliens tiraient systématiquement sur ses militants qui tentaient de protéger les camions sur le chemin des entrepôts.

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