Le chanteur Mustafa Naham sort ce samedi « Taara » issu de l’album « Tounga Live Sessions ». « Tounga Live Sessions » est une continuité du riche projet musical « Tounga » paru en février de l’année dernière. Quelle idée géniale de plonger le public dans l’univers des albums live !
Mustafa Naham a toujours été animé pa une envie de sortir un album qui parle de son passé de jeune étudiant, matérialisé par une musique aérée, assaisonnée d’une « sauce à la vinaigrette sénégalaise ». Il a trouvé un aboutissement à sa quête avec l’album TOUNGA, chef d’œuvre acclamé par les mélomanes de tous horizons, paru le 11 février 2023.
Pour Mustafa, qui promène sa voix harmonieuse depuis une dizaine d’années entre Paris et son fief Dagana, « Tounga » a été conçu dans un esprit de retour aux sources. Lors de ses spectacles avec ses acolytes, cet esprit Tounga a fini par teinter les autres chansons de son répertoire. C’est pour cela Mustafa et son équipe ont eu l’idée de proposer un « Tounga Bis ». Il s’agira de « Tounga Live Sessions ».
Une explication peut être nécessaire pour les profanes à propos d’un « album live » qui n’est pas toujours issu d’un concert. Il peut également s’agir d’une captation dans les conditions du live, avec une seule prise réunissant tous les musiciens. D’ailleurs, il est arrivé, dans certains cas, que des morceaux enregistrés dans ces conditions, éclipsent les originaux, au point de devenir à leur tour aussi des « bijoux ».
Ce fut le cas du single « Africa Remembers » de Youssou Ndour et du Super Etoile de Dakar, qui apparait dans le disque « Eyes Open » paru en 1992 ; ou encore de certains albums tels que « Direct From Dakar » de Omar Pene et du Super Diamono enregistré en 1995 avec le Label Real World du célèbre artiste-producteur Peter Gabriel.
Un bon musicien ou un grand groupe de musique se reconnait à l’aune de sa qualité scénique. La production scénique reste un des points faibles de bon nombre de chanteurs qui font recours aux technologies comme « vocoder » ou « autotune ». C’est un réel risque d’afficher une perte d’authenticité et d’émotion de la voix lors d’un show. Le nombre de clics sur les plateformes, la popularité, le nombre de likes peuvent être un atout commercial, mais ne garantissent pas une bonne qualité d’une œuvre ou d’un album. Un disque, qui est par essence l’accomplissement d’une expression artistique singulière, est réussi par la manière dont le contenu est interprété sur scène. C’est un indicateur légitime de réussite.
L’expérience live, c’est d’abord permettre à l’artiste d’interpréter d’une autre manière une chanson. C’est un moment unique pour un orchestre. C’est immersif et authentique. Avec une production live, on peut avoir une idée sur les réelles capacités vocales d’un artiste, sa facilité d’improvisation, l’originalité et la maîtrise de la composition musicale par le groupe. C’est à travers ce concept qu’est né « Tounga Live Sessions » enregistré par le célèbre ingénieur de son Phillipe Brun.
Le premier titre de cet album live s’intitule « Taara ».
« Taara » est un hommage au grand érudit de l’Islam et résistant africain Cheikh Omar Futiyu Tall. El Hadji Omar naquit vers 1797 à Halwar dans le Fouta Toro (ancien royaume situé dans la vallée du Fleuve Sénégal) et a disparu mystérieusement en 1864 dans les Falaises de Bandiagara. Il est l’une des plus importantes figures historiques de l’Afrique de l’Ouest, où il a propagé la confrérie Tijaniyya (confrérie soufie fondée par Cheikh Ahmed Tijani).
Cette chanson, devenue très populaire, a été composée par les griots mandingues en l’honneur du fondateur de l’empire toucouleur, El Hadji Omar, selon le Berger des Arts Mamadou Seck. « Taara » (« partir » » en malinké) va silloner toute l’Afrique de l’Ouest pour devenir une œuvre classique reprise par les griots et les chanteurs, dont l’un des plus célèbres n’est autre que Baaba Maal.
Mustafa Naham, accompagné par Moustapha Gaye (guitare acoustique), Pa Assane Samb (percussions), Samba Laobé Ndiaye (basse) et Jean-Philippe Rykiel, reprend magnifiquement « Taara » en « Puular », langue parlée par ses aïeux. Il y étale toute sa technicité et sa puissance vocales. Il se fraye un chemin dans un contexte où la musique subit une domination technologique. Une chanson est un vaste monde avec ses univers et ses codes titubant entre l’art et l’essai. Mustafa, quant à lui, avec son style de sonorité « bio », nous convainc que son orientation musicale est la voie à penser et à suivre pour la musique sénégalaise. En attendant, restez connectés. La sortie de l’une des meilleures versions de « Taara » est imminente.
Bravo Djibril pour ce bel article et bravo aussi à Mustafa Naham, quel talent.