L’année 1989 voit les « Vents d’Est » de la Pérestroïka souffler sur l’Occident. Puis c’est la chute de l’infâme et liberticide Mur de Berlin, à la fois symbole et alibi de la Guerre froide entre le Monde Libre et la sphère soviétique.
Cameroun, 1990.
Après les vingt-deux ans de règne dès 1960 d’Ahmadou Ahidjo, le pays est régi depuis 1982 par Paul Biya, Président national du Rassemblement démocratique du peuple camerounais – RDPC – parti-Etat.
Dès cette année-là, les revendications pour une vie meilleure fusent de partout, les Camerounais en ont assez du Parti Unique et réclament le multipartisme. Dès fin 1990, entre le « Je vous ai compris » déclaré par Paul Biya et ses promesses de libertés, les premiers partis d’opposition voient le jour dès 1991 accompagnés d’un lot de consolation de législations nouvelles.
Mais le processus démocratique meurt à la naissance dans le contexte enflammé des « années de braises », période caractérisée au Cameroun par d’importants troubles socio-politiques. Et c’est ainsi que la jeunesse camerounaise héritent de la résistance des Villes mortes, qui ont fait d’avril à octobre 1991 plus de mille victimes de la répression par l’armée et la police. Personnifiant le courage et la persévérance lors de ces démonstrations populaires contre un régime oublieux de ses promesses, Mboua Massok est là. Souvent surnommé « père des Villes Mortes », il a su insuffler un vent d’espoir au sein d’une jeunesse camerounaise assoiffée d’émancipation politique et d’ajustements socio-économiques.
Une page de résistance qui en suis d’autres, et qui n’a fait que préparer les pages suivantes de l’Histoire postcoloniale du Cameroun. Un parcours qui jusqu’à ce jour se caractérise par un brutalisme multiforme rare.
Mboua Massok, tout un symbole
Arrêté et emprisonné d’innombrables fois depuis les années ’90 pour actes de résistance globalement pacifiques, tout le monde au Cameroun connait Mboua Massok. L’action la plus guerrière de son militantisme à probablement été l’aspersion de peinture contre la statue du Général Leclerc, héros colonial français, qui trône sur une place publique du quartier des affaires à Douala. Devenu légendaire, le combat inlassable de Mboua Massok contre une oppression où l’intolérable est devenu la norme, ainsi que ses prises de position sans ambages et sa force mentale, s’accompagnent jusqu’aujourd’hui d’une Pensée empreinte d’un bon-sens profondément humaniste et de spiritualité.
Mystique pour les uns, fou pour les autres, il connaît mieux que quiconque les moqueries visant à présenter son combat comme inutile, et les tentatives d’instrumentalisation politique. En effet, les coquilles vides opportunistes se sont servi de sa célébrité pour tenter de valoriser des projets éphémères d’opposants volatiles. Ces derniers se sont depuis évanouis, soit dans le bling bling d’opérations coup-de-poing, soit dans les bras lucratifs du régime.
La force de Mboua Massok a notamnent résidé dans une volonté d’acier de rester droit dans ses bottes, incorruptible et satisfait de sa vie de Spartiate. C’est entre autre en ces termes que sa stature politique, qui ne se limite pas à des actions résistantes dans la sphère publique, ne peut jamais être considérée comme inutile. En effet, si Mboua Massok n’est pas un simple combattant, il est d’abord une conscience éveillée, une voix qui rappelle aux Camerounais et aux Africains la nécessité de retrouver une essence perdue.
Nourri de mémoire ancestrale et de traditions du terroir, sa représentation de la lutte politique relève d’une quête qui dépasse la simple recherche d’un pouvoir populaire comme une fin en soi. Mboua Massok reste convaincu que le Cameroun – et l’Afrique – ne peut se libérer qu’en s’appuyant sur sa vérité intérieure et sa dignité spirituelle, enfouis sous le poids de la colonisation, de l’oubli et d’une compromission à tout va.
Pour ceux qui connaissent Mboua Massok ou qui ont la liberté d’esprit de comprendre le sens de sa Pensée, ses propos vont au-delà des mots. Les symboles et les images transportés par ses paroles, transcendent le simple discours politique. Il parle de sa terre et de l’Afrique comme on parle d’une mère blessée qu’il faut soigner par la fidélité, le courage et la vérité. Au-delà du politique résistant, son train de vie ascétique, simple et imperméable à la corruption est le témoignage de ce qui est possible. Les honneurs, la richesse et l’opportunisme n’ont pour lui aucune valeur de progression. Comme ses actes l’ont toujours démontrés, à l’instar de sa fréquentation des taxis-moto – souvent considérés comme la lie de la société -, il préfère la compagnie de ceux, qui ayant perdu leurs illusions, cherchent à se retrouver dans une spiritualité invisibles pour les yeux, l’humilité et la persévérance.
C’est à travers cette attitude empreinte d’une sagesse toute particulière, que Mboua Massok inspire le respect même auprès de ses adversaires. Sa conviction que la vraie libération ne se trouve pas dans les institutions et les lois, mais plutôt dans une renaissance spirituelle et le respect de ses racines, font de lui à la fois une personnalité atypique, et aussi incomprise par bon nombre de ceux qui choisissent de s’enfermer dans une vision où seul le matériel et le profit comptent. Chacun a en fin de compte la capacité de choisir sa manière de percevoir la stature de Mboua Massok et sa vision du combat à mener. Pour ceux qui optent pour ne pas toujours casser ce que fait leur prochain, Mboua Massok garde entière sa qualité de pensée alternative. Pour ceux qui savent profiter de leur liberté de penser, il peut rester un sage mystique, capable d’inspirer ceux qui veulent trouver la justice, la liberté et la vérité du terroir.
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À Mboua Massok,
gardien des mémoires enfouies, fils des ancêtres qui veillent, ta voix résonne comme un tambour sacré dans le silence des consciences endormies.
Tu n’as pas cherché la gloire, tu n’as pas couru après l’or ni les trônes.Tu as choisi la route étroite, le chemin des veilleurs, où chaque pas porte la lumière de la vérité.
Ton souffle à toujours été prophétique, tes paroles, des flammes qui éclairent l’Afrique blessée.
Tu rappelles à chacun que la liberté n’est pas une conquête extérieure, mais une renaissance intérieure, une fidélité à la mère Afrique, aux ancêtres, à la vérité qui ne meurt pas.
Toi l’incorruptible, humble et debout, tu restes un phare au milieu des tempêtes. Même dans l’ombre, ton esprit continue de guider les fils et filles d’Afrique vers la dignité retrouvée.
Nous t’invoquons comme un sage mystique,un frère des ancêtres, un témoin éternel. Ton nom demeure, comme une graine de lumière semée dans la terre d’Afrique et promise à l’éveil des générations.
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