Mali, Niger, Gabon : la mort de la Françafrique

Pendant des décennies, la France a maintenu le contrôle sur ses anciennes colonies africaines en soutenant les hommes forts locaux. Les récents coups d’État au Niger et au Gabon contre des gouvernements accusés d’être alignés à Paris montrent que l’empire français informel se délite. Source: Les Crises 

Le lundi, le général Brice Oligui Ngeuma a été déclaré président par intérim du Gabon. Son investiture, qui était supposée promettre une « transition » démocratique à terme, a eu lieu après la réélection bidon du dirigeant de longue durée Ali Bongo, et son arrestation par les militaires. Bongo, partenaire de la France, a pris les rênes du pouvoir en 2009 après le décès de son père, qui a été le président à vie de ce pays d’Afrique centrale depuis 1967, soit une très grande partie de la période après que le Gabon ait obtenu son indépendance de Paris.

Le huitième coup d’Etat dans les anciennes colonies françaises depuis 2020, les évènements au Gabon ont été plus que tout conduit par un épuisement populaire vis-à-vis de la dynastie Bongo. Mais il y a aussi à voir avec le déclin de l’influence française. Le jour même où Ngeuma a été destitué, la ministre française des Affaires Etrangères a déclaré au Monde: « La Françafrique est morte depuis longtemps. » En ces termes, elle faisait référence aux liens commerciaux et militaires étroits que la France a maintenus pendant des décennies avec son ancien empire après la décolonisation officielle.

Les évènements partout au Sahel montrent, encore plus clairement, à quel point le sentiment anti-français rompt ces liens ainsi que les gouvernements qui y sont liés. Prenons le cas du Niger. Fin Juillet, dans la capitale Niamey, des officiers militaires ont mis dehors le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum, allié des français. La junte au pouvoir a depuis défié les menaces d’intervention militaire de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), encouragées par Paris et menée par des pays comme le Nigéria ou le Sénégal.

En réalité, si certains à Paris qui continuent de parler de la « politique africaine », il s’agit aujourd’hui d’un projet à la dérive tant les hypothèses persistantes de prérogative nationale sont éclipsées par le déclin de l’influence et des capacités françaises. Les anciennes colonies au Sahel et en Afrique sub-saharienne ont leur propres luttes internes pour le pouvoir. Néanmoins, le ressentiment envers les gouvernements perçus comme subordonnés à Paris, exprime également un mécontentement profond face à la présence militaire française, son incapacité à gagner une « guerre contre le terrorisme» mal conçue, et de la tendance de Paris à soutenir des autocrates locaux complaisants.

Le paternalisme français

Dans le cadre d’un rituel de longue date, les dirigeants français sont rapides à affirmer que le pays a tourné la page du paternalisme post-colonial. Le président français Emmanuel Macron n’en a pas dit moins au début de sa présidence en 2017, annonçant la fin de la « politique africaine » française, devant des étudiants de la capitale du Burkina Faso Ouagadougou.

Mais cela a mis du temps à se traduire par une sérieuse remise en question. À l’abri du débat public en France et de plus en plus éloignée de tout intérêt matériel mesurable, la présence de la France dans la région est marquée par l’habitude et l’inertie, ce qui a alimenté une vague d’opinion anti-française, en partie aidée par les campagnes de désinformation russes.

Depuis le début des années 2010, la France s’est engagée dans une opération de contre-insurrection prolongée à travers le Sahel, cherchant à soutenir le ruban d’états enclavés du Mali, du Burkina Faso et du Tchad. (Ironiquement, une grande partie de l’instabilité initiale que les forces françaises cherchaient à contenir a été exacerbée par l’opération soutenue par Nicolas Sarkozy, visant à renverser le dirigeant libyen Muammar Kadhafi en 2011.

Le Mali et le Burkina Faso ont été le théâtre de putschs réussis, respectivement, en 2020 et 2022, après quoi les nouvelles juntes ont expulsé les forces militaires françaises et le personnel diplomatique. Ces forces, ainsi que le contingent militaire français en République centrafricaine, ont été transférés au Niger, qui est aujourd’hui le théâtre d’une impasse, la junte ayant exigé que Paris retire ses 1 500 soldats restants et rappelle son ambassadeur, Sylvain Itté. La Suite Lire ICI

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