Les défis des BRICS et la crise des institutions financières internationales (par Jacques Sapir)

Une étude de cas sur la Nouvelle Banque de Développement des BRICS

Il est désormais largement admis que les institutions de l’économie mondiale sont, à un degré ou à un autre, en crise. A différents niveaux, qu’il s’agisse du FMI, de la Banque mondiale ou de l’OMC, ces institutions ont des difficultés croissantes à s’adapter à un monde en évolution rapide et à une situation géopolitique instable. L’une des principales raisons de cette situation est l’émergence d’un groupe important de pays qui remettent désormais en question le modèle de gouvernance mondiale et les équilibres établis à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Source: Les Crises

L’émergence des BRICS, et depuis janvier 2024 des BRICS+, est le résultat cumulé d’une longue histoire d’insatisfaction à l’égard du fonctionnement de ces institutions de l’économie mondiale. Les BRICS+ pourraient-ils développer de nouvelles institutions capables de défier ou de remplacer les institutions mondiales issues du cadre de Bretton Woods ? Il s’agit d’une question importante découlant de l’importance croissante des BRICS.

Le rôle croissant des BRICS en tant que groupe visant à établir des règles de gouvernance régionale voire mondiale marque un changement substantiel dans notre compréhension du système international[1]. Deux possibilités clairement divergentes existent. La première voit les BRICS+ œuvrer pour une redistribution du pouvoir au sein de la gouvernance mondiale, sans changement majeur dans les règles du jeu. Dans ce cas, nous pourrions voir les BRICS soutenir simplement les valeurs et les normes occidentales, mais chercher à exercer une influence croissante dans leur mise en œuvre. La seconde voit les BRICS+ remettre clairement en question les valeurs et les normes occidentales et tenter de faire dominer leur propre ensemble de valeurs et de normes. Le passage de la première à la seconde attitude pourrait bien être le fait déterminant de ces dernières années.

Il y a depuis plus de dix ans un débat dans le monde académique qui porte soit sur le rôle des BRICS+ dans la transformation de la hiérarchie de l’ordre mondial mais dans une logique où ces pays jouent le jeu établi, soit qui se concentre sur les sources nationales de formation des préférences des nations qui forment BRICS, ce qui implique une analyse de la position des différents États dans ce jeu global et leur possibilité d’en modifier son contenu et sa forme.

Le présent texte se concentrera sur le pouvoir structurel, qu’il soit potentiel ou réel, des BRICS+ à « changer les règles du jeu ». Il examinera spécifiquement comment la Nouvelle Banque de Développement (NBD) créée par les BRICS, jusqu’à présent la principale tentative des BRICS en matière de renforcement institutionnel, pourrait remettre en question, ou de compléter, les institutions mondiales existantes, à titre d’étude de cas. Il s’organisera en une première partie, examinant la crise – latente ou ouverte – des institutions économiques internationales (FMI, Banque Mondiale et OMC), puis, dans une deuxième partie, on examinera la montée en puissance des BRICS et leur transformation en BRICS+.

Une troisième partie mobilisera alors les théories du pouvoir structurel de Susan Strange et de l’articulation entre les logiques de « voix » et de « sortie » (ou défection) de Hirschman, et s’intéressera à leur pertinence quant à notre objet. Enfin, la quatrième partie examinera en quoi la création de la NBD constitue à la fois une application de la logique de « sortie » et peut aussi s’analyser dans les termes du pouvoir structurel, et en quoi cette NBD est différente, et peut-être représente une alternative, aux institutions financières internationales existantes.Lire La Suite ICI

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