Les accusations de “sportswashing” sont une nouvelle forme de colonialisme.Ils expriment une supériorité morale sans fondement réel. By *Philip Hilven un passionné de cyclisme et de sport.
Au lieu de magnifier cette première sur le continent, les médias occidentaux ont commencé à décrire l’organisation comme un exercice de « sportswashing ».
Philip Hilven • Lorsque le Rwanda s’est vu attribuer l’honneur d’accueillir les Championnats du monde de cyclisme sur route UCI 2025, cet événement a été célébré dans toute l’Afrique comme une première historique. Pour la première fois, l’événement phare du cyclisme mondial allait se dérouler sur le sol africain.
Une supériorité morale sans fondement réel
Accueillir le cyclisme mondial aurait dû être l’occasion de souligner la popularité croissante de ce sport sur le continent et mettre en évidence la place que le Rwanda entend occuper sur la scène internationale. Surtout de faire remarquer la capacité d’un si petit pays à relever Les défis organisationnels les plus grands.
Et pourtant, presque immédiatement, la plupart des médias occidentaux ont repris le même scénario éculé. Au lieu de reconnaître cette réussite, les titres ont commencé à décrire l’organisation de l’événement par Kigali comme un exercice de « sportswashing », accusant le Rwanda d’utiliser le sport mondial pour redorer son blason, détourner l’attention de ses défauts et projeter une fausse image au reste du monde.
Cette accusation semble accablante. Mais elle mérite d’être examinée de près. En effet, derrière cette critique à la mode se cache une posture de supériorité morale rarement appliquée de manière cohérente, qui fait écho à des habitudes de pensée coloniales plus anciennes.
L’incohérence de l’indignation
Pour le comprendre, il suffit de regarder où cette accusation n’est pas appliquée. Israël participe librement à des événements sportifs et culturels internationaux, malgré les condamnations mondiales de ses politiques. Les clubs de football européens signent des contrats de sponsoring d’un milliard de dollars dans le Golfe et les stars du ballon rond affluent en Arabie saoudite, un pays où les femmes sont encore privées de libertés fondamentales. Les Jeux olympiques sont organisés par la Chine et la Russie, les Coupes du monde par le Qatar, les circuits de Formule 1 par Bahreïn, et pourtant, ces événements sont largement acceptés, voire célébrés, dans le calendrier sportif mondial.
Où est l’indignation dans ce cas ? Pourquoi Kigali est-il le seul endroit à ne pas franchir ?
Kigali a été la hauteur de l’événement
Le double standard est frappant. Lorsque le sport mondial se déroule en Europe ou dans le Golfe, il est décrit comme une opportunité, un investissement ou une forme de mondialisation. Lorsqu’il s’agit du Rwanda, cela devient soudainement de la manipulation. La logique n’a rien à voir avec les droits humains ou la gouvernance. Il s’agit de pouvoir.
Un faux fondement moral
Les sources de ces allégations ont souvent leurs propres agendas. Des rapports circulent, émanant d’ONG, de groupes de réflexion ou de groupes militants ayant des positions de longue date sur le Rwanda, et les journalistes occidentaux les relaient sans trop se poser de questions. Cela ne signifie pas pour autant que le Rwanda est irréprochable. Aucun pays ne l’est. Mais le cadre supposé présuppose que la perfection est possible — et que seule l’Afrique doit passer ce test impossible avant d’être autorisée à rejoindre la scène sportive mondiale.
Après tout, où sont les pays parfaits ? Les États-Unis, avec leur passé d’injustice raciale et de guerres étrangères ? La France, avec son héritage colonial et ses inégalités persistantes ? Ou le Royaume-Uni, qui continue de lutter contre les répercussions du Brexit et les divisions sociales ?
Même sur le plan institutionnel, le Rwanda tient la comparaison. Il est régulièrement classé comme le pays le moins corrompu d’Afrique. Dans l’indice de Transparency International, il obtient de meilleurs résultats que plusieurs États membres de l’Union européenne, comme la Pologne, la République tchèque, l’Italie, la Grèce, l’Espagne, la Slovaquie et la Hongrie. Il se classe également devant le Maroc. Il ne s’agit pas là d’acteurs mineurs, mais de membres à part entière de l’Union européenne, cette communauté qui se pose souvent en arbitre moral du monde.
Et pourtant, c’est le Rwanda qui est condamné dans les gros titres mondiaux. Pourquoi ? Parce qu’il est petit. Parce qu’il est jeune. Parce qu’il n’a pas le poids nécessaire dans les affaires internationales pour riposter. Le Rwanda est une cible facile. Il n’y a guère de coût pour les médias occidentaux à critiquer Kigali : aucun risque de véritable réaction politique et aucune perte de partenariats lucratifs.
Le Rwanda grâce à ses infrastructures modernes accueille de grands événements
Le colonialisme sous de nouveaux atours
C’est pourquoi les accusations de « sportswashing » doivent être considérées pour ce qu’elles sont : la perpétuation d’attitudes coloniales sous de nouveaux noms. Au XIXe siècle, les puissances coloniales justifiaient leur présence en Afrique par une « mission civilisatrice ». Aujourd’hui, les puissances occidentales justifient leur domination dans le discours mondial en prétendant protéger les normes morales. Dans les deux cas, l’effet est le même : l’Afrique est constamment sous le coup de la suspicion, ses réalisations sont rejetées comme étant inauthentiques et son pouvoir d’action est nié.
Le terme « sportswashing » lui-même reflète cette vision. Il sous-entend que le sport international n’est jamais authentique en Afrique et que sa seule signification possible est de servir de couverture à autre chose. Un championnat du monde en Europe est pris au pied de la lettre : comme un événement sportif, touristique, un investissement ou une célébration. Un championnat du monde à Kigali est interprété comme de la propagande.
Cette accusation n’est pas neutre. Elle perpétue une hiérarchie dans laquelle l’Afrique est toujours l’objet de soupçons et les observateurs occidentaux sont toujours les juges. C’est pourquoi il est juste de qualifier cela de nouvelle forme de colonialisme. Il s’agit de maintenir le contrôle du discours et de veiller à ce que les pays du Sud restent un sujet dont on parle plutôt qu’un acteur à part entière.
La fragilité des petits États
Il y a une autre dimension à cela. La vulnérabilité du Rwanda n’est pas unique. Les petits États du monde entier sont confrontés au même défi : ils sont souvent jugés plus sévèrement parce qu’ils n’ont pas le poids géopolitique nécessaire pour résister. Lorsque l’Arabie saoudite achète des clubs de football, les gouvernements occidentaux font preuve de prudence, car les richesses pétrolières et les intérêts sécuritaires sont en jeu. En revanche, lorsque le Rwanda accueille un championnat de cyclisme, les critiques sont plus faciles, car il n’y a pas de prix à payer.
Cette asymétrie crée une carte morale faussée. Elle suggère que le droit d’accueillir des événements sportifs internationaux ne dépend pas de la gouvernance ou du mérite, mais de la taille et de l’influence. En d’autres termes, plus vous êtes grand et riche, plus vous pouvez vous permettre de tout faire. Plus vous êtes petit, moins vous avez le droit de faire.
Les progrès réalisés par le Rwanda depuis le génocide de 1994 sont remarquables à tous égards. Le pays a mis en place des institutions efficaces, sorti des millions de personnes de la pauvreté, réduit la corruption et est devenu l’un des pays les plus sûrs d’Afrique. Ces réalisations sont bien réelles. Et pourtant, au lieu d’être reconnues, elles sont rejetées comme de la gestion d’image.
La véritable signification de Rwanda 2025
Pour la première fois, l’instance dirigeante du cyclisme montre que ce sport n’appartient pas à un seul continent.
Les Championnats du monde 2025 à Kigali ne visent pas à cacher le passé. Ils visent à embrasser l’avenir. Pour la première fois, les routes africaines accueilleront les plus grands cyclistes du monde. Pour la première fois, les fans africains verront le peloton passer dans leurs propres villes, et pas seulement à la télévision. Pour la première fois, l’instance dirigeante du cyclisme montre que ce sport n’appartient pas à un seul continent.
Il ne s’agit pas de « sportswashing », mais d’histoire du sport.
La signification de Rwanda 2025 réside dans sa symbolique : l’Afrique n’est pas seulement un décor pour le sport mondial, mais un acteur à part entière. Les petits pays peuvent accueillir des événements majeurs, et pas seulement les grandes puissances riches. Le monde du cyclisme est en pleine expansion, tout comme l’idée que tout le monde a sa place sur la scène mondiale.
Nier cela reviendrait à nier l’action du Rwanda. Qualifier cela de manipulation revient à dépouiller une nation de sa fierté et un continent de son enthousiasme. C’est là le véritable danger de l’étiquette « sportwashing » : elle réduit au silence les voix africaines pour préserver la supériorité occidentale.
Un appel à la cohérence
Si le monde prend au sérieux les droits humains et la responsabilité morale dans le sport, alors les normes doivent être appliquées de manière cohérente. Si l’organisation d’un championnat du monde à Kigali est du « sportswashing », alors il en va de même pour les Jeux olympiques à Pékin, les courses de Formule 1 à Bahreïn, la Coupe du monde au Qatar et les contrats saoudiens dans le football européen. Mais si ces événements peuvent être décrits en termes d’opportunité, de mondialisation ou d’investissement, alors il en va de même pour le Rwanda en 2025. Agir autrement n’est pas de la moralité. C’est de l’hypocrisie.
Les accusations de « sportswashing » sont présentées comme une défense de l’éthique. En réalité, elles servent souvent à défendre des privilèges. Elles permettent aux médias occidentaux de conserver un sentiment de supériorité morale sans reconnaître leurs propres contradictions. Elles renforcent le vieux réflexe colonial qui consiste à juger, sermonner et contenir l’Afrique plutôt que de célébrer ses progrès.
Le Rwanda n’est pas parfait mais réduit la corruption, renforce ses institutions et s’ouvre au monde.
Le Rwanda n’est pas parfait. Mais aucun autre pays ne l’est non plus. C’est une nation qui a travaillé sans relâche pour se reconstruire, réduire la corruption, renforcer ses institutions et s’ouvrir au monde. L’organisation des Championnats du monde de cyclisme sur route UCI 2025 en est la preuve. Réduire cela à du “sports washing” n’est pas seulement inexact. C’est une insulte — et une nouvelle forme de colonialisme.
* Cet article a été initialement rédigé en néerlandais par Philip Hilven un passionné de sport, en réaction aux commentaires négatifs de la presse européenne concernant les Championnats du monde UCI 2025, organisés pour la première fois en Afrique, au Rwanda.
Cest vrai, le double standard est affligeant. Quand les Européens ou les Saoudiens organisent des événements, cest investissement ou mondialisation. Mais dès quun petit pays comme le Rwanda le fait, cest immédiatement sportswashing et manipulation. On critique Kigali sans se demander si ces événements sont bons pour son développement. On oublie les progrès spectaculaires du pays depuis 1994. Cette attente de perfection et cette suspicion envers lAfrique sont trops coloniales. Rwanda 2025, cest une chance pour lAfrique de montrer quelle a sa place sur la scène sportive. Et arrêtons de nous moquer, les critiques viennent souvent de ceux qui nont pas à en payer les conséquences. Cest inacceptable.speed stars unlock