L’iconique cinéaste Djibril Diop Mambéty aurait eu 80 ans ce 23 ans janvier 2025.
En 1945 dans le quartier de Colobane à Dakar naissait Djibril Diop Mamebety, une des légendes du cinéma africain.
Réalisateur de plusieurs films cultes, Mambety a un parcours atypique car il n’a aucune formation lorsqu’il commence à faire du cinéma. Bien sûr, il fréquente tôt le cinéma de son quartier Colobane et est fasciné par les Western….Billy Kongoma, le roi du Assiko, le fait monter pour la première fois sur une planche comme le raconte l’avocat et réalisateur Bara Diokhané dans son article un billet pour Djibril.
Il étudie un peu l’histoire de l’art et le théâtre, joue dans quelques productions et pièces, se fait expulser de Daniel-Sorano et commence à faire du cinéma.
Mambety tourne, « Contras City » en 1968 puis une première version de « Badou Boy » en noir et blanc et une seconde en couleurs en 1970. Il a déjà du succès et est sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes.
Son long métrage »Touki Bouki » paru en 1973, même s’il est sélectionné à son tour à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes et obtient à Moscou le Prix de la Critique Internationale, ne le consacrera, que bien plus tard, parmi les cinéastes qui comptent notamment en France où le film sort qu’en 1986. « Touki Bouki » qui met en avant le désir d’Europe d’un jeune couple et les limites des independances, sera cité parmi les classiques du cinéma africain. Lui, disait avoir eu la volonté de faire œuvre utile.
«Il est question dans ce film des Africains malades de l’Europe (…). Le film, c’est un peu l’histoire de beaucoup de jeunes, le dégoût aussi que m’inspire cette image qu’on s’acharne à donner de l’Europe avec un tel sens du merveilleux que vous n’avez plus qu’une envie : y aller, et que vous commencez à vous sentir étranger dans votre propre pays. C’est contre cela (…) que je me suis rebellé dans ce film. En dehors de la recherche artistique, j’ai voulu vraiment faire œuvre utile » avait-il déclaré.
Engagé et trainant avec Joe Ouakam et le mouvement Agit’Art qui a vu passer de sacrés personnages comme Mame Less Dia, Omar Blondin Diop, il s’attaque à la colonisation, aux ratages des premières années d’indépendance, mais aussi aux problèmes sociaux, à la corruption ect…
En 1992, il sera question de corruption dans son film « Hyènes ». Le film sera projeté en compétition officielle à Cannes la même année .Ça sera son dernier long métrage puisqu’il décide de réaliser une trilogie de moyen-métrage sur la vie des petites gens. Malheureusement, il ne fera que les deux premiers : « Le Franc » en 1994 et « La Petite vendeuse de Soleil » (son frère Wasis finit le montage) qui sortira en 1999, quelques mois après son décès le 23 juillet 1998 à Paris.
Les petites gens, les marginaux, les laissés- pour-compte, Djibril Diop Mamebety veillait sur eux. La gloriole, la Jet-Set, le bling-bling, il s’en eloignait. Son avoir, il le redistrubait. Son savoir, il le partageait.C’est pourquoi, il créa à la fin des années 80, l’association Yaadikoone, du nom de ce Robin des bois bien sénégalais, qui volait les riches pour nourrir les pauvres et qui ouvrait les salles de cinéma aux enfants. Ce personnage l’avait inspiré et il dédia son association aux jeunes gens et aux déshérités. Mambety qui, enfant, allait au cinéma ABC de son quartier voir des fictions comme « Le Train sifflera 3 fois », souhaitait initier les plus jeunes au théâtre et au 7eme art en leur offrant des formations et des séances de projection de film par le biais de Yaadikoone.
Realisateur, comédien, musicien, dessinateur, poète, conteur, philosophe, visionnaire, philantrope, Djibril Diop Mambéty aura coché toutes ces cases au cours de sa vie comme s’il voulait remplir un vide. Il aimait souligner que c’est le cinéma qui l’avait choisi et pas le contraire. «Toute ma vie je voulais toujours et toujours refaire « Le train sifflera trois fois ».
Djibril Diop se retrouvait dans le western de son enfance, les grands espaces, la nature, l’aventure, la solitude du cow-boy.
« C’est la solitude qui caractérise ma vie. Malgré moi. Dans « Touki Bouki », ce sont des hommes seuls. « Badou Boy », ce sont des gamins seuls. « Contras’ City », c’est une ville seule. « Hyènes », c’est un homme seul, qui meurt en respiration, la cigarette au bec» avait-il expliqué.
Solitude, sensibilité, générosité, Mambety a toujours porté en bandoulière ces traits de caractère. Frédéric Maire journaliste cinématographique et réalisateur suisse qui fut en particulier directeur du Festival de Locarno et actuel directeur de la Cinémathèque suisse, raconte dans Passion Cinéma comment le film « Hyènes » vient à l’esprit de Mambety et le personnage de Ramatou qu’il retrouve dans le film de Bernhard Wicki, « Rancune », tiré de « La visite de la vieille dame ».
« Mambéty décide alors à adapter au Sénégal la pièce de Dürrenmatt.ll se décide alors à adapter au Sénégal la pièce de Dürrenmatt. Pour obtenir l’autorisation du grand écrivain, Djibril Diop Mambéty se rend donc à Neuchâtel, à son domicile du Pertuis-du-Sault. Conquis par le projet, l’écrivain lui accorde le droit d’adapter sa pièce — hélas, il ne verra jamais le film terminé. Lors de la première du film, à Cannes en 1992, Diop a laissé un fauteuil vide à côté de lui » écrit l’homme de cinéma suisse.
27 ans après sa disparition, Mambety inspire toujours les cinéastes africains.Après lui, Bouna Medoune Seye et d’autres filmeront aussi cette Afrique urbaine.Son oeuvre colossale est désormais étudiée dans les universités du monde. Sa sensibilité, sa modernité, son génie, son engagement en faveur de son continent, font de lui une icône absolue du 7eme art. « C’est très simple, à chaque fois que vous voulez voir la lumière, il faut fermer les yeux » Djibril Diop Mambéty.
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