On a dans le dogmatisme de nos croyances tendance à penser que la vérité n’a pas besoin d’approbation. Si la justice vous offense, le problème n’est pas la justice, c’est votre attachement au mensonge. Le bien est le bien, même si vous êtes seul. Le mal est le mal, même si le monde entier le soutient.
Y aurait-t-il une parole humaine qui dise l’absolu, sans du même coup le détruire par sa prétention même à le dire ? Comment porter et surmonter cette contradiction : dire sans pourtant dire et par là même dire en vérité ?
La vérité dont je me risque à parler n’est pas marginale, elle ne relève pas d’une axiomatique particulière. Elle est, si l’on peut dire, absolument absolue. Elle mérite la majuscule. Elle est du côté de ces grands principes ou de ces assertions premières qui commandent tout, qu’il faut reconnaître ou accepter, sous peine de… De quoi, au fait ?
De franchir la limite, de faire mourir l’ordre, de passer dans l’irrécupérable et l’impensable. C’est hors langage. C’est la mort de la parole. C’est l’inhumain.
Vient cette pensée que le moyen concret, pour la parole, de se défaire de la prétention désastreuse, c’est d’accepter d’être plurielle. La relativité devient relationnelle. Ce n’est plus la prétention du sujet unique à rendre toute opinion relative, c’est l’acceptation, pour chacun, que sa parole n’est parlante que s’il écoute et s’il est écouté ; c’est par là que se tient la référence à l’absolu que nul ne possède : quand plusieurs osent parler, entre eux, de ce qui touche à l’extrême, et que demeure entre eux cet insaisissable qui est à la fois leur lien et ce qui les empêche à jamais de se solidifier en un groupe qui se croirait maître de la vérité.
Dans un monde en mutation accélérée, dans l’espace des nouveaux paradigmes où nous entrons, les vieilles répartitions vont souffrir, les querelles installées, et les violences exacerbées où demeurent les critiques. Tout va trembler mais la portée va bien au-delà des affaires de la cité. L’ordre ancien des choses porteuses de déréliction et de chaos peut s’effondrer, si l’ordre nouveau vient nous sauver.
C’est pourquoi l’ordre nouveau devrait être discuté pour ne pas porter en ses flancs l’exclusion et la destruction.
Si les malheurs que nous avions expérimentés dans la gouvernance de la cité nous donnent à songer, c’est pour songer à nous-mêmes et donc, c’est l’occasion de déconstruire toute une littérature de la déréliction, toutes sortes de fictions de l’en bas, qui annoncent, parfois ingénument, que le fond de l’homme n’est que pourriture et misère.
La vérité à laquelle nous aspirons s’affirme dans le refus même de glisser dans l’en bas. Fort bien. Mais pour dire quoi ?
Dire qu’il faut acter la révolution des désirs et des imaginaires en pensant collectivement les transitions et les médiations pour passer d’un modèle social à un autre.
Il est clair qu’il faut tout repenser du système politique qui encadre nos mœurs et pratiques de vie. Réfléchir sur les nouveaux contours des institutions de la République et la nécessité de renforcer la confiance entre l’État et les citoyens.
Car si l’idée du fait qu’il y a un lieu de l’absolu pour les humains se répand, c’est quand ils reconnaissent cette relation réciproque qui rend chacun relatif aux autres, dans sa présence et sa pensée. Ça dépasse les « droits de l’Homme », c’est beaucoup plus fort.
Ce dialogue national, initiative du Président de la République, Bassirou Diomaye Faye qui rassemble les différentes composantes de la société sénégalaise sur la réforme du système politique au Sénégal prévu du 28 mai au 4 juin prochain est une exigence civique et un aveu du pluriel impliquant le dialogue ouvert entre les parties pour la découverte de la vérité qui fonde la nation.
Un dialogue pluriel et contradictoire mais non batailleur ou agressif, à même de favoriser la participation des personnes au débat plutôt que les guerres de pouvoirs.
L’absolu, c’est la relation. Et la vérité absolue, c’est cette vérité de la relation qui nous échappe toujours, que nous pouvons du moins rechercher et servir.
Alors faisons vivre le dialogue autour des questions de l’heure et de l’idéal de vie qui fondent notre commune volonté de vivre ensemble.
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