Le Rwanda et le reste du monde commémore depuis le 7 avril pour la 30ème fois le génocide perpétré contre les Tutsi en 1994. S’est ouvert ainsi la semaine du deuil national et des 100 jours d’activités commémoratives. À Kigali, des anciens et actuels chefs d’État et de gouvernement, des leaders mondiaux et des chefs de délégations internationales, autour du président Paul Kagamé, ont déposé des gerbes au Mémorial du génocide de Kigali pour honorer les victimes du génocide perpétrés contre les Tutsi. Au Sénégal, « Kwibuka30 », s’est tenu à l’hôtel King Fahd dans une grande solennité et une profonde émotion.
« Notre voyage a été long » président Paul Kagamé à la cérémonie de commémoration le 7 avril à Kigali
Le génocide contre les Tutsis au Rwanda a fait plus d’un million de morts. C’est le dernier génocide du XX siècle. Du 7 avril au 17 juillet 1994, de façon méthodique et planifiée, des massacres de masses sont opérées par les extrémistes Hutus contre la minorité Tutsi, suite à l’assassinat du président rwandais Juvénal Habyarimana, le 6 avril. L’assassinat est perpétré par le tir d’un missile, au-dessus de l’aéroport de Kigali contre le Falcon 50 présidentiel qui transportait Habyarimana et son collègue Burundais Cyprien Ntaryamira.
« Notre voyage a été long et difficile. Le Rwanda a été complètement touché par l’ampleur de notre perte, et les leçons que nous avons apprises sont gravées dans le sang » a déclaré le président Paul Kagamé dans son allocution lors de l’ouverture des activités commémoratives du triste événement.
Dénommé « Kwibuka », qui signifie se souvenir, ces commémorations sont une période annuelle de réflexion solennelle, durant laquelle les rwandais se rassemblent pour honorer les victimes du génocide contre les tutsis, comme l’a si bien dit dit Jean Pierre Karabaranga ambassadeur du Rwanda au Sénégal :« nous unir dans notre douleur collective et renouveler notre engagement à bâtir un avenir meilleur pour tous les Rwandais. »
Le diplomate a, au cours de la cérémonie de commémoration tenue le 8 avril à Dakar, rappelé que la tragédie n’a pu se dérouler que parce que le monde a regardé faire sans lever le plus petit doigt.
« Ce « crime des crimes » s’est déroulé en plein jour, ouvertement, publiquement, au vu et au su de tout le monde. La communauté internationale qui avait été avisée et alertée des risques de génocide à travers les sonnettes d’alarme tirées par les observateurs et les experts des nations-unies, est restée indifférente à cette violence horrible. Personne n’est venu en aide au Rwanda pour stopper ce crime des crimes » a soutenu le diplomate devant un public venu nombreux.
Des témoignages poignants pour transmettre aux générations actuelle et futures diffusés au cours de Kwibuka 30
Il est établi aujourd’hui que la communauté internationale porte une large responsabilité sur le déclenchement et la poursuite en 1994 des tueries. Elle avait les moyens de prévenir, de stopper et d’épargner au monde de vivre cette atrocité.
La veille, le président Kagamé était aussi revenu sur ces pays qui avait soutenu le Rwanda dans cette période tout en pointant du doigt la responsabilité de la communauté internationale.
« De nombreux pays représentés ici aujourd’hui ont également envoyé leurs fils et leurs filles servir comme soldats de la paix au Rwanda. Ces soldats n’ont pas laissé tomber le Rwanda ; c’est la communauté internationale qui nous a tous laissé tomber, que ce soit par mépris ou par lâcheté » avait martelé le chef de l’éxécutif rwandais devant les autorités du Kenya, du Burundi, de la Tanzanie ou encore de la République démocratique du Congo autant de pays qui ont, non seulement, accueilli un grand nombre de réfugiés rwandais mais leur ont offert également un foyer.
Dans le lot des hommages, le président Kagamé a réservé une mention spéciale au capitaine Mbaye Diagne, cet officier sénégalais, observateur militaire de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda, qui sauva à lui seul plusieurs centaines de personnes du génocide des Tutsis au péril de sa propre vie le 31 mai 1994.
C’est dommage que le Sénégal n’ait pas pu être représenté à un haut niveau au Kwibuka 30 à Kigali. Même si cela coïncidait avec la période de transition dub pouvoir après l’élection du président Bassirou Diomaye Faye, Dakar aurait pu envoyer les présidents Abdou Diouf ou Macky Sall ou pourquoi pas le président de l’assemblée nationale actuel.
A Dakar non plus, les passations de service se déroulant au même moment, le Sénégal ne fut pas représenté à un haut niveau. Souhaitons que les nouvelles autorités rectifient le tir en prenant part aux commémorations du Mbaye Diagne Day le 31 mai prochain. Rappelons que le monument capitaine Mbaye Diagne a été inauguré par le président Macky Sall peu de temps avant son départ du pouvoir.
Naturellement, au cours de la Kwibuka 30 à Dakar, le nom de Mbaye Diagne est revenu à plusieurs reprises, mais également la nécessité de combattre le négationnisme comme l’a fait remarquer docteur Philonilla Thiam dans une vidéo diffusée au cours de la cérémonie.
Il est important de combattre le négationnisme dira aussiYves Rwogera Munana, président d’Ibuka-Sénégal. En effet, un tel événement ne doit pas être nié ni revisé. L’humanité a besoin de raconter cette histoire, de la transmettre aux générations futures pour qu’on se souvienne comme le souligne l’écrivain Boubacar Boris Diop dans Murambi le livre des ossements que l’homme est capable de toutes les horreurs. La tragédie ultime qui fait que des gens, non seulement perpètrent des massacres de masse, mais tuent des voisins, des amis des collègues.
« Les experts ont parlé de génocide de proximité. Des amis contre des amis, des professeurs contre des collègues, des élèves contre leurs enseignants » comme regrettera son excellence Jean Pierre Karabaranga.
Ce bond en avant du Rwanda, le président Kagamé l’a expliqué au cours de son discours:
» Les énormes progrès de notre pays sont évidents et ils sont le résultat des choix que nous avons faits ensemble pour ressusciter notre nation. Le fondement de tout est l’unité. C’était le premier choix : croire en l’idée d’un Rwanda réunifié et vivre en conséquence. Le deuxième choix était d’inverser la flèche de la responsabilité, qui pointait vers l’extérieur, au-delà de nos frontières.Aujourd’hui, nous sommes avant tout responsables les uns envers les autres. Plus important encore, nous avons choisi de penser au-delà de l’horizon de la tragédie et de devenir un peuple avec un avenir.
Dakar à l’heure du Kwibuka 30
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