Guinée en 1970 (Conakry) / Ibrahima Sory Kouyaté a.k.a. Kouyaté Sory Kandia. Du Fouta Djallon découle la vie d’une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest, puisque c’est là que les majestueux fleuves Niger et Sénégal prennent leur source, avant de se promener dans la sous-région (Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Mauritanie..). Du Fouta Djallon vient aussi l’une des plus grandes voix que la Guinée ait jamais eues, en l’occurrence le chanteur à la voix d’or Kouyaté Sory Kandia, un descendant direct de Balla Fasséké, le griot attitré de l’empereur Soundiata Keita.
À l’instar de ses compatriotes Aboubacar Demba Camara, Kadé Diawara et Binta Laly, Kouyaté Sory Kandia fait partie du quatuor des plus grandes voix de la Guinée mais aussi du cercle restreint des meilleurs chanteurs africains de tous les temps.
Le célèbre journaliste et animateur guinéen Justin Morel Junior nous raconte un peu son ses voyages à travers ses succès.
« Après les succès de Mamou, le triomphe de Conakry et un bref séjour à Manta, Kandia va se fixer pour un temps à Labé en plein Foutah Djallon. Au cours d’une soirée organisée en 1951, à l’occasion d’une tournée du Président Sékou Touré, Kandia anime avec virtuosité la cérémonie. Sékou Touré touché, l’invite personnellement à le rejoindre à Conakry » raconte Justin Morel Junior.
Pour le journaliste, le début de la consécration arrive à Conackry lorsque son micro lâche en plein spectacle sur scène.
« Arrivé à Conakry, Kandia commence à donner des spectacles. Un jour, son micro lâche sur scène. Le chanteur le dépose et chante à gorge déployée, de la manière la plus naturelle. Stupéfaction générale ! Kandia brave le micro et sa voix dans son jaillisement naturel enveloppe l’auditoire et l’étonne. Ce coup de maître, l’élève ne l’avait appris de personne. » relate Morel Junior.
La voix – un mezzosoprano long, ample et vertigineux – perçait les carapaces les plus impénétrables, infiltrait le coeur et l’âme des puissants, endurcis par des années de lutte anticolonialiste ou pour la conservation d’un pouvoir chèrement acquis. En écoutant cette voix, ces hommes durs aux yeux froids, aux mains peut-être tachées de sang, perdaient morgue et contenance et redevenaient eux-mêmes.
Il y avait aussi les mots dont seul un locuteur de langue mandingue peut savourer la subtilité mais qui, pour beaucoup, faisaient de Sory Kandia Kouyaté un maître des louanges. Sa science du verbe était telle qu’il pouvait dans une chanson comparer l’un de ses bienfaiteurs à Alexandre le Grand sans passer pour un vil flatteur, et recevoir une récompense proportionnelle tant à l’audace de l’éloge qu’à l’exceptionnelle qualité de sa formulation.
Cette trajectoire unique fut brisée en décembre 1977. À 44 ans disparut celui qui fut un peu l’équivalent africain d’un Sam Cooke pour l’identité musicale double et le dandysme assumé, et d’un Otis Redding pour la dimension spectaculaire de la voix. L’Afrique de l’Ouest toute entière le pleura. Quant à Sékou Touré, rapporte Francis Dordor des Inrockuptibles, « ne trouva consolation à la perte de son griot chéri qu’avec la montée en puissance d’une autre étoile mandingue : Salif Keita. »
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