UBUNTU, c’est le Collectif humain solidaire. Mais cette solidarité structurelle et quasi immanente ne saurait prévaloir sur les pulsions égoïstes de l’être humain que si ce dernier est perçu par chaque culture comme une entité, une espèce singulière, dotée de droits exclusifs et chargée de devoirs incontournables.
Le « je » et le « nous » sont inextricablement noués et ne peuvent s’épanouir que dans un échange dialectique qui garantit la paix. Un philosophe scolastique du Moyen Age Thomas d’Aquin définissait la paix comme « la tranquillité de l’Ordre. » Mais quel Ordre ? Pour le profit de qui ? Dans tous les cas cette formule a l’avantage de faire référence à un équilibre positif, multidimensionnel et donc systémique. Mais dans cet ordonnancement, comme l’a affirmé solennellement le philosophe allemand Emmanuel Kant, « Il faut faire un sorte que l’être humain soit toujours considéré comme une fin et jamais comme un moyen. »
L’essentiel donc pour l’exercice auquel nous sommes invités, c’est de porter au sommet de l’agenda et des luttes sociales planétaires aujourd’hui, le concept, la question, la cause, le paradigme d’UBUNTU comme antidote axial et spécifique de la mercantilisation de tout l’homme et de tous les hommes, par le néo-libéralisme partisan de la société de marché.
UBUNTU peut être l’outil le plus performant de cette tâche primordiale ; mais surtout il doit constituer le but et le sens de la paix. Il ne s’agit pas ici de verser dans un culturalisme anthropologique ; mais face au rouleau compresseur de la pensée unique, il est urgent de désamorcer les conflits dont la violence structurelle du statu quo porte la charge. Tâche éminemment pratique. La paix n’est pas un bien extérieur à nous-mêmes, que nous porterions en bandoulière comme un trophée cynégétique.
La paix, est ce qu’il y a de plus intime à l’être humain. C’est comme l’équilibre global de la santé qui touche au métabolisme de base dans les cellules les plus reculées de l’organisme. La paix comme la santé est constituante et constitutive. Comme la santé, c’est le bien des biens, le bien qui permet de jouir de tous les autres biens. La paix est gouvernée par un faisceau de normes auto-générées et auto-gérées. Parmi ces normes et les instances ou valeurs qui les édictent, il faut citer la conscience et la responsabilité.
Dans la violence paroxystique de la guerre, il y a toujours quelque part même dans les luttes armées de libération, la preuve d’un échec lié à des conduites et des politiques d’irresponsabilité, c’est-à-dire à une négation de la conscience. C’est ce qui justifie le dicton africain : « S’il y avait quelque chose de valable et bénéfique dans le conflit ou la bagarre, les chiens l’auraient trouvé ». Les chiens ne l’ont pas trouvé ; les hommes non plus.
Extrait des Actes du Colloque organisé du 25 au 27 avril 2003 à Genève par AfrikaViva
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