j’ai étudié dans une école catholique, je m’appelle Marie, musulmane et voilée

Nous étions dans des salles de classe ornés de croix d’un christ crucifié. À l’heure de la prière l’interphone, pendant que les mots résonnaient « je vous salue Marie… », nous récitions notre Fatiha. Sans honte sans haine, murmurant sous la prière chrétienne. Dans un meli – Melo … divin …

Ndeye Marie Aïda Ndieguène est une ingénieure sénégalaise spécialisée en génie civil. Elle est la fondatrice et la PDG de Eco Builders MS spécialisée dans la création de solutions écologiques à base de matériaux recyclés et naturels pour le secteur de la construction. Touche à tout, Ndeye Marie est aussi écrivaine et a publié « Un lion en cage » (2016) qui a reçu le grand prix de la Première Dame du Sénégal pour la promotion de la littérature féminine. Elle est lauréate également des prix « La Paroles aux étudiants » et « Certamen de literario ».Gemini (2017) est son second roman. Musulmane, voilée et ayant fait ses humanités dans les collèges privés catholiques, elle a pris sa plume pour alerter et témoigner…

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« Si j’ai envie de mettre un voile ou même un sombrero sur ma tête. Est-ce à un conseil d’hommes d’en décider ? » Marie Ndieguène

Ndéye Marie Aïda Ndieguene Nous étions assis au chemin de croix accompagnant nos meilleurs amis chrétiens, après une pause bien animée mais si courte car ils devaient remplir leurs obligations …les débats sur le jeun musulman et celui chrétien, autour d’un « fondé » brûlant que nous mangions tour à tour .

Le gardien entrait faire ses ablutions, nous parlions de Dieu de religion, nous étions amis. Nous étions frères et sœurs. ? Nous étions inséparables. Nous étions les meilleurs amis du monde. Apprenant les uns des autres les préceptes de nos religions, mais aussi de nos cultures si diverses.

Nos professeurs, chrétiens, nous aimaient, nous accompagnaient. Je n’oublierai jamais les larmes de l’un d’eux après les résultats du bac, me souhaitant bon vent.

Je n’oublierai jamais les larmes que nous avons versées, au décès de l’un d’entre eux dans un tragique accident. Je n’oublierai jamais les 19/20 en philosophie et les débats idéologiques que j’attendais avec impatience .

Mes professeurs ne voyaient pas en moi, ni en aucun d’entre nous, un élève musulman ou un élève chrétien . Bien évidemment que mes idées étaient colorées de ma foi. Mais et alors ? Ils voyaient des élèves tout simplement. Seul l’excellence primait.

Je suis moi, Marie, musulmane, celle qui prononça le discours de la promotion sous les yeux embués d’une salle remplie de croix et de voiles, de cheveux ébouriffés, de foulards savamment attachés, de regards émus. C’est sœur Carmen, qui la première en classe de 5ème m’avait demandé d’écrire « non pas pour toi Marie, mais pour être compris des autres »…de simplifier mes mots et mes expressions.

Que vous avez changé ma vision du partage…Sœur Carmen. Quelques années plus tard, reçu par le Frère Directeur, voile sur la tête mais fierté dans le cœur, je revenais avec mes livres. Il me reçut avec une telle bienveillance, une telle humilité qui leur est si caractéristique.

Il m’invita à animer une conférence dans mon école, oui mon école, privée et catholique, un voile sur la tête et des livres à la Bibliothèque…tout cela pour la prospérité…devant un amphithéâtre de plus de 300 élèves et professeurs. Voyait-il un voile ou un écrivain ? un écrivain tout simplement. Je ne connais pas la haine, car elle n’est ni caractéristique de ma religion ni de mon vécu. Elle n’est ni caractéristique de mon pays, ni de mes expériences de vie.

Je me suis toujours targuée devant le monde que je rencontrais à chaque voyage, que je venais d’un pays où je peux m’appeler Marie porter un voile sur la tête, étudier dans une école catholique et être musulmane.

J’ai rencontré des gens qui venaient de pays où la seule évocation de la religion de l’autre était synonyme de … mort …où on s’entretuait pour un voile, où on ne priait plus en public par peur du jugement, où la foi avait disparu des cœurs et des esprits. Or Dieu doit être omniprésent dans nos vies.

Car comme le disait le controversé Mahatma Gandhi « Un homme sans foi est comme un bateau sans gouvernail ». Je ne souhaite pas que nous partions tous ensemble à la dérive. Je ne crois pas qu’un voile devrait faire peur. Comme une croix autour du cou ne me dérange pas.

Je ne crois pas que l’expression de la foi des autres soit un obstacle à l’expression de ma propre foi. Je ne crois pas à la primauté des règlements intérieurs sur notre humanité. Car je crois avant tout que chacune de nos décisions doit être emprunte de cette humanité.

Je vous avoue que j’ai constamment un pincement au cœur quand je vois une personne d’une confession ou d’une autre s’emportait sur des questions de foi ou de culture. Je vous avoue que certains communiqués me plongent dans des tourments .Car , avec ou sans voile , je n’ai pas l’habitude de tendre la main à un homme , tout comme je fuis les regards des hommes comme des femmes par …timidité.

Je crois que toute femme a le droit de décider qui elle salue ou pas. Et si elle se sent mal à l’aise et si elle n’en a simplement pas envie ?Si une jeune fille qui porte le voile ne souhaite pas s’assoir à côté d’un homme. Est-ce que c’est en raison de son voile ou cela peut être interprété comme le comportement normal d’une jeune fille de son âge qui souhaiterait rester à côté de ses amies ? Et si je ne portais pas un voile et que j’avais aucune envie de m’assoir à côté d’un garçon ? Serait-ce aussi l’expression d’une sorte d’extrémisme…féminin ?

Pourquoi chacun de mes actes devrait être interprété simplement sous le prisme de ce voile ? Lorsqu’ils sont individuels ou particuliers. D’ailleurs …qui a constaté ces actes si aucun voile n’est permis dans l’établissement ? Comment avez-vous fait pour observer le comportement de femmes voilées si elles ne sont pas admises ? Excusez-moi mais sans aucune distinction de foi, je hais l’affabulation.

Si lorsque je porte ma tenue de sport et que je fais de la gymnastique, j’ai toutes les fesses en l’air , je devrai avoir le droit de mettre un collant (d’ailleurs nous, toutes confessions confondues on le faisait ). Ce n’est pas une question de foi mais de pudeur .

Et cela avait été même recommandé par notre Professeur à l’époque, parce que certaines n’arrivaient plus à suivre à force de tirer leur short et leur tee-shirt. Proposez des pantalons de sport .Ce n’est pas une question de foi. Personne ne veut avoir la raie des fesses dehors à chaque mouvement. Ce débat, mené par des hommes, renvoie à celui du corps de la femme et du droit d’en disposer à sa guise .

Ce que je trouve le plus révoltant, c’est que l’on décide de mes valeurs, de mes principes, de mes interactions avec les hommes, de ce que devrait être  une femme dans notre société. Si j’ai envie de mettre un voile ou même un sombrero sur ma tête. Est-ce à un conseil d’hommes d’en décider ?

Je suis persuadée que si ce débat était mené par des femmes de diverses confessions, Sœur Carmen comprendrait que certains hommes me mettent mal à l’aise, que je préfère m’assoir avec mes copines, que je n’ai pas envie d’avoir les fesses en l’air à la gym , et que si j’ai envie de mettre un greffage cheveux naturels, un voile, un chapeau, des basquettes ect cela devrait me regarder en tant que femme .

Pourquoi devrait -on constamment décider à ma place !

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