Chansons d’illustration: WARA (Guidelam) et DANNIIBE, deux « outtakes » (chansons non retenues) de la réédition de 1989 du mythique album DJAM LEELII (1983 / 1984).DJAM LEELII est l’un des plus beaux disques de musique acoustique africaine moderne (c’est juste mon avis).
Nous sommes tout au début des années 80, Baaba Maal part à l’aventure et séjourne en France suite à l’invitation de quelques amis étudiants dont un certain El Hadj Amadou Kane Diallo (ancien directeur du COSEC). Il s’installe en France d’où il anime des soirées traditionnelles dans la communauté Haalpulaar (Peul) immigrée. II jouera ainsi très souvent dans les foyers et dans un restaurant près du New Morning avec son groupe folklorique, « YELLITAARÉ ».
Il sera accompagné lors de ces soirées par Cheikh Tibou Sam (Hoddu) et quelques amis étudiants tels que Cheikh Tidiane Gadio (ex-ministre des affaires étrangères, Sénégal), comme présentateur, Aziz Dieng (guitariste, ex-président de l’AMS – ex-PCA du BSDA (SODAV – Studio Midi Music), qui habitait, à l’époque, à la rue Alfred-de-Vigny à Paris. Mais il manquait un élément très important dans ce projet, en l’occurence, Mansour Seck, qui est une des pièces maîtresses du groupe « YELLITAARÉ ». Baaba, Mansour et Mbassou Niang étaient trois musiciens inséparables qui, au fil des années avaient tissé une complicité et une affinité particulière au service de la musique Pulaar. De ce fait, Baaba ne pouvait pas laisser Mansour en rade et lui envoya donc une invitation.
C’est dans ce contexte que Baaba Maal, Mansour Seck et leurs amis musiciens feront la connaissance, en 1982, d’un jeune ingénieur du son, qui tombera sous le charme de leur musique et leur proposera de venir enregistrer dans son studio. De ces soirées traditionnelles dans les foyers de travailleurs migrants, dans les restaurants et des ateliers de studio, naîtra « LA FRESQUE HISTORIQUE MUSICALE DU FOUTA TOORO » qui est l’un des meilleurs et plus célèbres albums de Baaba Maal, en l’occurence le mythique « DJAM LEELII », qui a d’ailleurs servi de déclic à la carrière du porte-étendard de la musique Pulaar.
Les sessions d’enregistrement de ce mythique album se feront en deux phases: Les chansons de la première session sortiront en 1983 sur le volume DAANDE LEÑOL en format cassette. Et puis en 1984, les morceaux de la deuxième session apparaîtront sur le volume DJAM LEELII, toujours en format cassette. La promotion et la vente de ces deux cassettes seront assurées au niveau du Sénégal et plus particulièrement dans la communauté Haalpulaar (Peul) par un des amis et acolytes de Baaba Maal, Mbassou Niang, futur manager de Baaba Maal et le Daande Leñol.
En novembre 1988, Baaba Maal et son groupe séjourne à Londres dans le cadre d’une mini-tournée. Et à ce moment-là, les mixages originaux de « DJAM LEELII » étaient presque perdus depuis longtemps, mais les bandes multipistes de la plupart des chansons ont été fort heureusement, in extremis, retrouvées à Dakar. C’est pour ainsi dire que « DJAM LEELII » est un classique de la musique acoustique sénégalaise moderne et originale qui était presque perdue.
C’est dans ce contexte – c’est à dire après le succès triomphal de Baaba Maal et son groupe à Londres – que les deux cassettes, réunies dans un seul album, vont connaitre un nouveau souffle en 1989 – suite à la réédition en format K7 et CD effectuée par le label Rogue Records – et être découvert par le grand public. Ce petit label anglais va remasteriser et rééditer 8 morceaux des 14 titres issus des sessions originales de 1982 et 1983.
Ainsi par une ironie de l’histoire, une copie de la cassette originale retrouvée en Gambie par un anglais conquis par le charme de ce mythique album va atterrir dans les mains de Chris Blackwell, le patron d’Island Records. La suite, tout le monde la connaît !
En 1998, « DJAM LEELII » va connaitre de nouveau deux nouvelles rééditions – avec deux illustrations différentes – produites par les labels Mango (Island Records) et Palm Pictures. Et cette nouvelle réédition est une version « expanded edition » de la réédition de 1989 car on y retrouve – en plus des 8 morceaux de la première réédition – 4 autres chansons.
C’est juste pour ainsi dire que « DJAM LEELII » a fait, jusqu’ici, l’objet de 3 rééditions mais les producteurs ont toujours laissé de côté des pépites musicales – pour ne pas dire des chefs-d’oeuvre – telles que DANNIIBE, WARA (GUIDELAM), JAALO WAALI, SALMINANAM (la version originale), qui n’ont, jusqu’à présent, pas été remasteriées ni rééditées.
Mais il ne faut surtout pas en vouloir aux producteurs pour ces pépites musicales qui n’ont pas été retenues lors des rééditions car toutes les chansons des sessions d’enregistrements de 1982 et 1983 sont géniales. Dans ce mythique album, il n’y a rien à jeter, tout est sublime.
Mais pour autant la maison de disques Island Records pouvait en faire un double album ou une édition Deluxe lors de la réédition de 1998 afin d’y inclure tous les 14 titres des cassettes originales sorties respectivement en 1983 et 1984. Je trouve que ce serait génial d’avoir l’édition intégrale remasterisée de « DJAM LEELII ». « Seul un voyage « incognito » en Afrique, à la redécouverte du continent et de ses « sensations » pourrait me permettre de réaliser un album à la dimension de « Djam Leelii », pense Baaba Maal
Bon ! Maintenant, en attendant la réédition officielle des ces OUTTAKES (chansons non retenues), je vous laisse vous contenter de ma remasterisation et réédition officieuse (Bootleg) de deux de ces outtakes: les sublimes WARA ET DANNIIBE. Ces deux pépites musicales font partie des chansons – des sessions originales de 1983 de Djam Leelii – qui n’ont pas été retenues lors des 3 rééditions de l’album.
WARA (Guidelam) est une sublime chanson qui est une ode à l’amour. L’air est emprunté à la chanson « WARA » qui est un classique Mandingue très populaire à travers la sous-région ouest-africaine. C’est l’une des plus belles chansons d’amour de Baaba Maal.
DANNIIBE est un morceau que l’on pourrait qualifier de classique du Fouta Tooro puisque qu’il a été chanté partout au Fouta lors des théâtres nocturnes des étudiants Foutanké pendant les grandes vacances scolaires. C’est une chanson à 3 thèmes. La première partie du morceau est une ode à l’amour, alors que la deuxième partie est un bel hommage aux émigrants Foutanké loin de chez eux. La troisième partie traite de l’oppression coloniale. C’est un hommage à El Had Omar Tall, et à l’irréductible et l’illustre LAMINE SENGHOR qui est un ancien tirailleur (surnommé « GAYNDE SIIN ») qui lutta farouchement contre l’impérialisme et pour l’amélioration significative des conditions de vie des ouvriers africains dans l’État colonial. Il est mort dans une prison française.
Ci-desoous, la traduction du dernier couplet de la chanson DANNIIBE:
« […] Quand je pense à El Hadj Omar Tall, je prends conscience que Lamine Senghor, le lion du Sine, n’a jamais accepté d’être bafoué.
Lamine Senghor, certes, tu a eu une courte vie mais sache que tes nobles actions ne disparaîtront jamais.
Tu es comme le feu de brousse qui brûle, brûle jusqu’à réduire en cendres la domination coloniale.
Rappelle-toi, comme les jours d’antan étaient beaux, contrairement à ceux de notre époque où les gens sont divisés.
Certains acceptent la domination et d’autres la refusent.
Ne sais-tu pas que si nous refusons de nous séparer, l’ennemi n’aura jamais gain de cause. L’unité est la force d’un peuple.
Alors, viens mon ami, tu es un fils du pays. Aide-moi à lutter contre l’exploitation des travailleurs, la prolétarisation… », chante BAABA MAAL dans Danniibe.
Line-up:
Baaba Maal – Lead-vocal et guitare acoustique
Mansour Seck – Vocal, guitare acoustique
Aziz Dieng – Guitare électrique
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