Histoire d’historiens et devenir de l’école historique de Dakar ( Entre « friches » et « ventres mous »)

« Les temps les plus incertains sont les plus sârs, parce qu’on sait à quoi s’en tenir sur le monde. » Donoso Cortès

Le 02 mai 2017, il y a donc 8 ans, je partageais ces réflexions qui suivent dans le but de faire un diagnostic sans complaisance de nos insuffisannces au niveau du département d’histoire afin de proposer des remèdes susceptibles de relever les défis à venir. Ces réflexions me semble-t-il, sont encore d’actualité ! 

Comme vous tous, j’ai suivi passionnément nos échanges. Deux d’entre eux méritent attention pour le message explicite qu’ils laissent apparaître en filigrane. Ce dernier ne peut pas rester, juste confiné, dans domaine de l’inintelligibilité, mais susciter plutôt en nous des réactions réfléchies, et à même de prendre totalement en compte toutes les profondes réalités de cette situation que, nous tous, déplorons sans pour autant pouvoir exprimer nettement ce qui se passe réellement dans le Département.

Si jamais, il nous reste encore une fibre d’historiens et d’intellectuels, tout court, soucieux de parfaire les mécanismes d’expression de notre métier, afin d’en transmettre les vertus à ceux qui seront chargés d’ici un proche demain, de sceller notre histoire avec la leur, nous devons nous arrêter sur nos pratiques avant de pouvoir valablement statuer.

Dès lors, un langage « vrai » s’impose. Il ne s’agit pas de dire la vérité, mais plutôt dire ce qui se voit, se constate, se vit et qui a tendance à scléroser nos pensées et maintenir des distances inutiles entre nous, et pire, entre quelques-uns d’entre nous et les étudiants. Situation souvent très cocasse, souvent très infantile et finalement inquiétante. Je n’exagère point ! C’est mon constat. Faux ou vrai, il est déjà là sous nos yeux.

Petite histoire subjective 

Les termes sont empruntés au professeur Ousseynou Faye. IIs désignent des sites « vierges » de toute investigation et qui méritent donc d’être mieux identifiés, d’en faire une archéologie serrée afin d’ouvrir sur de nouvelles problématiques en articulation avec ce que nous souhaitons problématiser.

Nous avons tous, individuellement, comme collectivement, concouru, d’une manière ou d’une autre, à cette situation à laquelle nous nous retrouvons confrontés. Aucun d’entre nous n’est coupable, mais nous tous sommes responsables d’avoir accepté le processus qui a conduit directement à 1la médiocrité et à ses conséquences les plus dramatiques pour toute une communauté sérieuse, et dont l’objectif est de parfaire le transmis.

Nous sommes des historiens et je crois savoir que la maîtrise du cours de 1’Histoire c’est-à-dire de l’initiative historique – est au cœur de tous les combats de l’être humain.

Les progrès scientifiques et surtout les conquêtes des Droits humains les plus fondamentaux ne peuvent se comprendre que dans la grammaire de production d’un récit historique articulé aux réalités qui lui sont contemporaines. Nous avons besoin d’un langage qui nous permet de distinguer, c’est-à-dire de faire la différence entre la modalité d’une « histoire vraie » et une autre cette fois plus « réelle », comme nous le suggère le philosophe Mamoussé Diagne dans sa Critique de la raison orale.

Toute réforme pédagogique qui touche au contenu, en ciblant la qualité – la réforme LMD est réfléchie comme telle doit, me semble-t-il, être accompagnée d’une profonde réflexion sur non seulement les pratiques des « disciplines », mais aussi sur le profil de ses « cliniciens ». Parce que 1’histoire peut bien prendre la figure étrange d’un « ventre mou » (point faible). Et dans ce cas-ci, il faut nécessairement que ses praticiens soient outillés non seulement intellectuellement, mais aussi philosophiquement.

Dans notre cas, il s’agit de provoquer des discussions autour de l’importante question qui est la suivante : «Qu’est-ce qu’être un historien moderne, contemporain, global et/ou post colonial, en Afrique, en temps de globalisation et de tentatives d’unifornmisation des discours liturgiques du monde? »

Réalités propres et exigences des nouveaux modes communautaires 

Un questionnement sur la pratique de la discipline et ses approches afin d’en mieux appréhender aussi bien les problématiques que les dynamiques qui les sous-tendent en les articulant à nos réalités propres et aux exigences des nouveaux modes communautaires en émergence.

Quand on parle de changements dans le monde, on désigne, sans le nommer explicitement, un processus historique en cours d’élaboration. Nous sommes forcément concernés par les lois de la géopolitique mondiale et des discours qui l’articulent, et nous ne pouvons point comprendre notre propre histoire en l’isolant de ce qui se passe tout autour d’elle.

De nouveaux thèmes apparaissent et méritent donc notre attention vigilante, c’est-à-dire nos capacités prospectives. Beaucoup de sujets proposés épousent les contours de cette préoccupation légitime, et constituent de véritables « friches ». Il faut donc pouvoir les déchiffrer en innovant et non en répétant, ou pire en coupant ici et là, et en collant par-ci et par-là. Je crois que la notion de « friche » est centrale et intéressante dans le champ historique. Parce que la friche peut être définie comme un site inactif, improductif et donc ne pouvant pas être mis en valeur (« friches urbaines », « friches industrielles »…).

Pour la valoriser., il faut prendre des décisions radicales: l’abandonner (dans le cas d’un terrain de culture), la démolir (s’il s’agit d’habitations…) ou la requalifier (comme pour les « friches industrielles »..). Ce qui signifie en clair trois démarches : abandon, démolition ou requalification. J’opte pour la requalification parce qu’elle permet de mieux appréhender et finalement d’arriver à diagnostiquer le « ventre mou >», c’est-à-dire le point faible en sa jointure, la faille dans « cette histoire ».

Intelligence créatrice et mutation générationnelle 

Un encadreur ne peut survivre après avoir « tenté » de lire – en liant et reliant – et surtout de comprendre un « copier-coller », rendu sous le format d’un puzzle de paradigmes redondants. Et qui coupe aujourd’ hui, recollera nécessairement demain.. Nous ne voulons point de cette épistémè mécaniciste (un clic ), car cela conduit à la roublardise et aux interminables waxaale. Toutes opérations qui usent et abusent de la ruse, tout en disqualifiant la pensée spéculative, c’est-à-dire notre intelligence créatrice.

Et pourtant cette dernière est régulièrement alimnentée par l’arrivée d’une nouvelle génération d’historiens. Ce mouvement de fond se poursuit depuis bientôt plus d’une décennie. Mais cette mutation générationnelle n’a jamais suscité un débat autour de la pertinence de la théorie du métier et/ou autour des thèmes de recherches ou de la valeur ajoutée scientifique qu’ils peuvent représenter pour le Département. Ce manque de recul est lié certainement au fait que nous appréhendons mal ce nouveau sang vivificateur. Parce qu’il ne s’agit pas seulement d’une volonté de combler des « places vacantes », mais plutôt de profiter de l’expérience, de « l’expertise » et des relations extra-académiques que ces nouveaux enseignants-chercheurs apportent avec eux.

Au même moment d’autres poursuivent leur « ascension », en consolidant leurs acquis et d’autres, «les maîtres » (initiateurs de l’École de Dakar) et leurs héritiers directs ont fini de faire valoir leur droit à la retraite. II y a donc là quelque chose que nous n’avons jamais interrogé et qui mérite pourtant des rencontres afin non seulement de nous familiariser les uns avec les autres, mais aussi de nous enquérir de nos problématiques de recherches et des difficultés que nous rencontrons en encadrant. Ce sont ces échanges nécessaires tant humainement qu’intellectuellement qui nous font défaut. C’est comme si nos objectifs devenaient subitement contradictoires et irréductibles en nous projetant hors du cercle sans lequel notre propre valeur intellectuelle n’a aucun sens logique.

S’il est compréhensible que chacun puisse se consacrer à sa propre carrière, il est nécessaire de mesurer la centralité des autres dans la consolidation de cette même carrière. Chaque grade ou échelon gagné, chaque article ou ouvrage publié n’ont de sens que parce que les autres existent. IIs constituent le prolongement de notre propre pensée par un retour de lecture qui nous permet de renforcer ou de réorienter le fil conducteur de nos intuitions (véritables stimulus). Toutes ces « choses » ont forcément des répercussions sur l’ensemble du corps, pris collectivement, comme individuellement.

Dès lors, il ne me semble pas exagéré en relevant, ici, un autre biais, de soutenir que nous ne nous lisons pas et nous ne nous se relisons point les uns les autres, et cela peut être à l’origine d’incompréhensions irréductibles, préjudiciables à l’animation scientifique qui peine à s’enraciner. Nous ne discutons que de manière épisodique de nos questions et problématiques de recherche. Ce manque d’échanges académiques constitue un véritable frein. Il nous empêche de créer une synergie capable de fédérer les différences épistémologiques, et du coup suspendre nos affects et les passions stériles improductives qui les alimentent.

Sortir de la subjectivité afin d’éviter l’imparfait et ainsi de suite…

Aucun chercheur ne peut prétendre réussir individuellement dans son propre domaine de prédilection, en excluant l’apport des autres collègues, voire des autres sciences connexes à celles qu’il pratique. II lui est aussi, par ailleurs, loisible de choisir les individus avec lesquels il a des accointances intellectuelles et/ou une certaine proximité, objective comme subjective. Celle qui lui permet de raffermir sa carrière d’enseignant-chercheur et surtout d’Homme. Les deux coproduisent cette singularité productive qu’il incarne, et qui lui permet de multiplier ses qualités avec celles des autres afin de consolider ensemble les acquis. Ces derniers constituent le commun que l’histoire condense pour la postérité.

Au-delà de toutes ces considérations, nous constituons un collectif soumis à un ordre pédagogique global, mais possédant chacun, individuellement, notre propre pratique de la pédagogie apprise et/ou acquise par l’expérience. Mais je ne crois point me tromper en affirmant que nous n’arrivons pas à percevoir assez bien la frontière qui sépare, en les brouillant, les deux champs pédagogiques. L’un d’essence bureaucratique et le second épistémologique. Même si par ailleurs, nous semblons nous acheminer allègrement vers un académisme bureaucratique (bureaucratie académique).

Le manque de discernement de cette frontière nous amène, très souvent, à des considérations qui donnent la part belle aux sentiments. Sentiments qui nous conduisent à croire, que quelques uns d’entre nous sacrifient de « pauvres enfantS ». Nous nous incriminons, nous-mêmes. C’est tant mieux ; n’eût été quelques échos néfastes qui nous parviennent des étudiants, qui véhiculent la même idée par rapport à certains enseignants, considérés à tort ou à raison comme des « lâcheurs d’étudiants » !Ce comportement est préjudiciable non seulement aux relations inter-individuelles mais aussi à l’atmosphère générale.

Bien que compréhensibles, les sentiments restent peu productifs parce que procédant de l’impasse et de la tactique de I’après coup, et donc négligeant le nécessaire recul afin d’inviter à une véritable réflexion sur cette question, non seulement à propos d’encadrement, mais aussi et surtout du choix des thèmes, de leur pertinence épistémologique et de leur faisabilité (disponibilité de la documentation, recherches de terrain…). Il est impossible de continuer à choisir des sujets de recherche pour leur simple caractère de thèmes « d’actualité ». Au point que les <« bornes » ne délimitent plus rien, sauf leur caractère de dates « historiques » virtuelles. Cette façon de faire relève de l’effet de mode et de la prédominance de l’expertise. Elle conduit inévitablement à la technique du couper-coller, au plagiat et autres subtiles pratiques qui tendent à se généraliser jusqu’au sommet le plus insoupçonnable.

L’encadreur participe de l’historicitế du mémoire, qu’il soit de bonne ou de mauvaise facture.

Dès lors, un encadreur qui souhaite assumer son rôle et transmettre une petite parcelle de connaissance devient un véritable archéologue afin d’arriver à mieux appréhender les travaux qui lui sont soumis. Parce que finalement le travail ainsi encadré porte son nom et prénom, son grade, et donc nécessairement sa, ou ses marques et influences. C’est historique, car l’encadreur participe de l’historicitế du mémoire, qu’il soit de bonne ou de mauvaise facture. L’exemple du mémoire de maîtrise du doyen Mamadou Mané sur le Kaabu est édifiant en la matière. Ainsi donc, l’encadrement évoque un cadre dans le sens de sa malléabilité et donc de sa réadaptation (ré-articulation permanente) en fonction des enjeux, des contextes et de la pertinence de sa validité en tant qu’outil de contrôle de la qualité du travail et de sa place dans la production globale.C’est-à-dire la place qui lui sied et qui répond aux critères de l’intelligence que nous souhaitons disséminer.

Donc encadrer n’est point faire un décompte, ni un simple dispatching ou exprimer une volonté charitable, c’est au contraire un compte à rendre pour que nous puissions appréhender nos propres pratiques du métier. C’est pourquoi, il m’a toujours semblé que nous nous focalisions trop sur le nombre de mémoires dirigés comme si finalement, il s’agissait d’une comptabilité de la matière et non d’une évaluation de la valeur ajoutée académique. Parce qu’un mémoire est d’abord de I’imnatérialité ; sa contenance prime sur son caractère de sceau d’un double cursus, en tant que diplôme pour l’apprenant, et en tant que « bénéfice » académique pour celui qui est dans le processus de renforcement de sa propre et singulière carrière (l’encadreur).

Tout encadreur doit exiger une chose : retrouver dans les projets, à lui soumis, une trace d’intelligence capable de provoquer en lui des réflexions sur la pratique de son métier: enseigner et écrire I’Histoire.

Nous ne pourrons arriver aux résultats escomptés qu’en nous encadrant mutuellement afin que chaque faille puisse être comblée et du coup consolider les acquis, pour s’ouvrir vers de nouvelles perspectives…

Reprendre contact avec la réalité afin d’operer au cœur du « ventre mou »…

Il y a deux ou trois ans, nous avions initié une démarche qui semblait très porteuse d’espoir dans le sens d’un suivi plus attentionné des choix qu’opèrent nos « encadrés ».

En effet, le fait de les rassembler tous dans une même salle, de les interroger sur leurs thématiques, d’échanger avec eux sur la faisabilité de leur sujet de recherche, de la bibliographie disponible chez les enseignants eux-mêmes, de quelques techniques de recherche, du choix ou de l’orientation vers un enseignant susceptible de répondre aux critères du sujet choisi, et toutes choses qui permettaient de rompre les masques, était d’un apport considérable pour nous et pour eux.

J’ai toujours pensé, comme tous les autres, que cette séance était importante pour plusieurs raisons. Je vais en citer deux :

D’abord elle nous permettait de nous rencontrer en dehors des réunions techniques, autour de questions académiques et de recherches à l’intention de ceux que nous formons pour un devenir historien, c’est-à-dire les héritiers de «L’École de Dakar »; Ensuite, elle nous permettait d’être en contact avec l’ensemble du groupe, les interrogeant même sur leurs terroirs d’origine pour mieux comprendre leur psychologie et quelques aspects des motivations qui les avaient conduit au choix de tel ou tel thème…

Finalement la séance ressemblait un véritable cours de méthodologie et de conscientisation. En effet, les étudiants franchissent une nouvelle étape dans leur vie d’apprenants, qui doit les engager dans la recherche et l’écriture. II faut donc prendre garde à savoir réellement ce que cela signifie.

Le manque de suivi de la part des encadreurs est lisible/visible

Je crois aussi que cette séance bien qu’intéressante révélait souvent des malaises quant aux approches, voire aux « écoles » venant de la part des enseignants eux-mêmes. Mais ce qui est le plus dommage, c’est que ce ne sont pas tous les enseignants impliqués dans l’encadrement qui assistaient à ces pertinentes séances, et qu’il faut certainement ré-instituer pour éliminer les quiproquos et toute suspicion.

J’ai toujours pensé, et continue de le croire, que c’était des moments indispensables non seulement de transmission et de discussions autour de l’avenir des « pauvres étudiants ayant payé les frais d’inscription » (5000OFcfa !), mais des moments plus chaleureux parce qu’ils nous permettaient de déceler les ambitieux, les plus audacieux d’entre nos candidats à I’encadrement.

Aussi, disons-nous la vérité; nous ne pouvons pas encadrer à propos de n’importe quel thème, et ce n’est pas parce qu’un individu a des idées sur un thème qu’il peut forcément encadrer.

L’encadrement demande un temps que beaucoup d’entre nous ne consacrent plus aux étudiants. Il ne s’agit pas d’un problème de refus d’ encadrer, mais plutôt de revoir la vocation de l’encadrement, le bénéficiaire de l’encadrement devant être l’unique souci. Privilégier l’encadré et non le contraire, c’est-à-dire éviter toute confusion entre fond et forme.

Je crois que ce biais constitue une entrave à un encadrement véritable, suivi, sérieux et rigoureux. Parce qu’il faut dire la vérité encore une fois, il est symptomatique de faire soutenir des mémoires dont la qualité laisse à désirer. Et nous le faisons chaque année depuis bien longtemps. Le manque de suivi de la part des encadreurs est lisible/visible.

Pour une communauté epistemique fondée sur une générosité désintéressée

Au-delà des aspects purement académiques, nous avons aussi l’obligation de veiller à l’assainissement des relations inter individuelles parce que les caractères les plus néfastes s’insinuent à l’intérieur de « nos bonnes volontés », détruisent la confiance, socle tout à fait indispensable, incontournable pour la solidarité académique.

Nous formons une chaîne qui n’a pas pour vocation d’entraver ceux qu’elle entoure. Chaque boucle de cette chaîne n’a de sens qu’en prolongeant l’autre, tout en se prolongeant elle même afin que sa motricité serve d’exemple pour les apprenants. Nous avons besoin d’un nouveau souffle de générosité, bâti autour d’échanges plus réels que virtuels. Même si, à un moment, la recherche nécessite de la solitude, elle a pour colonne vertébrale le collectif.

D’ailleurs nos sociétés ne se sont jamais trompées, elles qui nous enseignent « qu’un seul esprit ne suffit pas » pour penser notre « être-là », et nos rapports aux autres complémentaires ne serait-ce que par une nécessité tactique.

 

Il est symptomatique de constater que même la constitution des jurys suit une certaine logique presque illogique, mais nous laissons faire. Cette pratique aboutit à un compartimentage de la solidarité académique, vice préjudiciable à l’intelligence que nous souhaitons insuffler à nos enfants afin qu’ils dépassent le stade de « pauvres étudiants ».

Pourtant, ils sont eux-mêmes embarqués dans la classification-déclassement de certains enseignants. Ce transfert est inconséquent et nous devons certainement mettre fin à ces regards décroisés. Nous revient donc le devoir de repenser ensemble les modalités de notre existence en tant que « collectif » soucieux du devenir et de ce que le philosophe camerounais Fabien Eboussi Boulaga appelle « l’excellence humaine personnelle et collective >».

L’espace académique est une République des Idées. II ne doit pas fonctionner comme un champ politique dont la vocation est d’opposer « amis » et « ennemis ». La République des Idées a pour finalité de produire des êtres quelconques (les gens) et non quelqu’un.

Moderne, contemporaine ou post-coloniale, la discipline historique est en crise chez nous, parce qu’aucune discussion épistémologique n’est venue la secouer afin que nous puissions esquisser le profil de I’historien d’aujourd’hui en fonction des soucis de la génération actuelle et des thèmes qu’elle aborde. Nous sommes des historiens et un historien, sans être devin, réfléchit sur le devenir, au présent, en interrogeant de manière incisive l’influence du présent et du passé dans la vie des Présents.

Des historiens modernes et contemporains pris entre « friches » et « ventres mous » ont donc certainement rompu avec l’épistémologie et la réflexion sur la transmission du Savoir historique, en négligeant les vertus humaines consolidantes qui lui servent de socle.

Je crois fermement que nous avons l’obligation morale, éthique et intellectuelle de nous arrêter un moment et de réfléchir sur ce que : Que veut dire être historien moderne et contemporain en postcolonie au xxeme siècle.Sa réelle signification.

Cette grande béance, en friche » dans l’encadrement, nous conduit dans le creux d’un « ventre mou », c’est-à-dire renvoie à l’image de ce naufragé flottant, dans une bouée, au dessus de l’océan, après que la barque, qui le transportait, ait chaviré. Et c’est l’histoire « réelle » de ce naufragé qui mérite d’être contée.

Finalement, il s’agit certainement de faire revivre 1’idée qui sous-tendait « L’École de Dakar », et surtout la créativité qui en assurait la flujdité.

Dakar, Le 02 MAI 2017

NB : »Friche et ventre mou » 

Les termes sont empruntés au professeur Ousseynou Faye. IIs désignent des sites « vierges » de toute investigation et qui méritent donc d’être mieux identifiés, d’en faire une archéologie serrée afin d’ouvrir sur de nouvelles problématiques en articulation avec ce que nous souhaitons problématiser.

SUBJECTIVITÉ

Prendre, ici, la subjectivité dans son sens d’ « horizon temporel dans lequel se déploie la dialectique de l’impossibilité du possible et de la possibilité de I’impossible », Cf. Jean-Marie Brohm, L’Anthropologie de l’étrange. Enigmes, mystères, réalités insolites, Éditions Sulliver, 2010, p. 8.

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Il écrit et ne s'arrete jamais d'écrire. Il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages (essais & romans). Avec humour, philosophie, il raconte les lieux comme personne. Enseignant-Chercheur à UCAD, Abdarrahmane Ngaidé est un historien de formation.

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