Au coeur du 18e Festival Cinémas d’Afrique Lausanne, le Sénégal bien représenté

La dix-huitième édition du festival cinémas d´Afrique de Lausanne a démarré ce jeudi 15 Aout. L’édition 2024, bien que dédiée au Kenya, fait un clin d’oeil au cinéma sénégalais. Il y figure en bonne place, avec cinq film : Camp de Thiaroye de Sembène Ousmane, Demba de Mamadou Dia, Les Princes noirs de Saint-germain -des-Près (court métrage) de Ben Diogoye Bèye,Ndar, Saga Waalo de Ousmane William Mbaye et Beutset (court métrage) de Alicia Mendy. Ces films seront projetés entre le vendredi et le dimanche 18 dernier jour du festival. Last but not least avec la présence du Sénégal, le chanteur Woz Kaly sera samedi, en ciné-concert autour du film de Djibril Diop Mambety La petite vendeuse de Soleil.

Le Sénégal est bien représenté au festival cinémas d´Afrique. Pourtant, à l’ouverture, notre attention a été surtout marquée par un classique du cinéma documentaire africain : « caméras d’Afrique » du Tunisien Férid Boughédir, celui que Sembène appelait «notre script ».

Ce film qui date de 1983 et qui a été restauré en 2109 en 2k, fait la genèse du cinéma africain. Il dure 90 mn ce qui en fait une véritable fresque exposant le cinéma africain dans tous ses aspects (ou presque) pendant ces vingt premières années d’existence, de 1963 (Année du premier film de Sembène Borom Sarett,) à 1983.

Dans un grand élan où le souffle n’est jamais interrompu, Férid Boughedir, s’est lancé dans un récit dans laquelle la trame principale (s’il en existe vraiment) se juxtapose ou se superpose avec dix autres trames sans qu´en aucun moment le fil ne soit interrompu.

Férid Boughedir qui, en donnant des informations sur la naissance et l’évolution du cinéma africain de 1963 á 1983, donne « dix » autres informations non moins importantes sur la politiques, les économies, la sociologie, les libertés (d’expression et des artistes) des pays africains au sud du Sahara confrontés aux défis de leurs États nouvellement indépendants.

Par ailleurs, le film expose en filigrane comment le cinéma est éminemment une affaire politique et une affaire d’Etat. En effet, le fim montre comment les pays européens (notamment la France) qui avaient amené le cinéma parmi les instruments de leur « mission civilisatrice, » ont boycotté tous les pays africains. Surtout lorsque ces derniers décidèrent de nationaliser la distribution des films sur leur territoire. On verra comment les différents types de colonisation ont façonné la nature des rapports des anciens colonisés avec le cinéma.

Les francophones ont tout de suite ramassé (ce butin de guerre pour paraphraser Kateb Yacine à propos de la langue française) pour en faire une arme défensive et offensive contre l’ennemi que représentait à leurs yeux l’ancienne puissance coloniale. Les anglophones arriveront relativement tard. Les lusophones indépendants généralement au milieu des années 70, seront les derniers á prendre la caméra, et verseront surtout sur le documentaire.

On apprendra aussi dans la foulée que le premier film entièrement financé sur fond propre par un pays africain est Wend Kui du Burkinabé (voltaïque à l’époque) Gaston Kaboré.

Au début du film la voix off de l’auteur (autant dans le ton que dans le propos) donne l’impression qu’on est entrain de regarder un reportage ou un article rallongé d’un journal télévisé. Mais au fil des minutes, la voix s’éclaircit, se précise, s’affirme, prend partie…. tout en tentant, le maximum possible, de rester objectif. Par moment, l’auteur fait passer l’objectivation de sa pensée juste par des questions qu’il laisse en suspens. Notamment quand il se demande ( je cite de mémoire) « est ce que cette volonté qu’ont ces cinéastes africains de vouloir dire ce qu’est l’Afrique et ce qu’elle n’est pas; n’est pas juste la poursuite d’un chimère sous l’embellie d’un idéal ?».

Certaines questions, il les pose directement aux acteurs de son film, qui en l’occurence sont des réalisateurs. Ainsi, défilent sur l’écran, les icônes du cinéma pas seulement africain mais mondial aussi. Sembène Ousmane, Mouhamed Médoune Hondo, Tahar (fondateur de JCC) Chéria. Souleymane Cissé, Safi Faye, etc á l’époque tous jeunes et fougueux.

Avec éloquence et répartie, entre punchline et belles phrasées, les cinéastes livrent leur vision du cinéma, de l’Afrique et du monde. La plupart des choses qu’ils avaient dites restent d’une étonnante justesse et d’une grande acuité.

Tout au au long du film on passe de la voix off de l’auteur, qui avec recul et distance, informe et renseigne sur ce phénomène qu’on appelle cinéma africain qui, brusquement, avait fait irruption sur la scène et les écrans du monde sans aucun visa d’exploitation, à des extraits de films de cette époque (et il y a foison), des interviews, des scènes d’ambiance des villes africaines ou à des moments de rencontres cinématographiques comme le FESPACO et le festival de Cannes.

Mon regret, c’est l’absence (sinon un bref extrait de son film Koddu et l’affiche de son film Jom présent à Cannes) de Babacar Samb Makharam et de Paulin Soumanou Vieyra. Sembène a été pendant de nombreuses années l´Assistant de Paulin qui avec Tahar Chéria rrestent les auteurs des premiers écrits d’une critique cinématographiques authentiquement africaines. Depuis leur disparition le cinéma africain peine á trouver des critiques du continent ou d’ailleurs de leur étoffe.

Quant à Babacar Samb*, lui aussi aurait pu être présent dans le film. Ne serait que le fait qu’il ait été le premier secrétaire général de la Fédération Panafricaine des Cinéastes (FEPACI )(il l’est resté pendant dix ans), rendait sa voix prépondérante, sans compter sa filmographie qui reste inoxydable.

* Toutefois, après la rédaction de notre article, nous avons appris que le réalisateur avait bel et bien pensé filmer Babacar Samb. Malheureusement, il a été alité pendant cette période.

 

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