Exclusif : des documents israéliens révèlent les pressions exercées sur Washington pour orienter le discours américain sur Gaza

Alors que la guerre de Gaza fait rage, sur les campus universitaires américains, des fondations israéliennes font pression pour modifier la définition de l’antisémitisme dans la législation américaine. Source : The Guardian, Lee Fang, Jack Poulson, Les Crises 

En novembre dernier, quelques semaines seulement après le début de la guerre à Gaza, Amichai Chikli, 42 ans, impétueux ministre du Likoud au sein du gouvernement israélien, a été invité à la Knesset, le parlement israélien, pour expliquer aux législateurs ce qui pouvait être fait face à la montée des manifestations anti-guerre des jeunes aux États-Unis, en particulier dans les universités d’élite.

« Je l’ai déjà dit et je le répète, je pense que nous devrions, surtout aux États-Unis, passer à l’offensive », a déclaré Chikli.

Depuis, Chikli a mené une campagne ciblée pour contrer les critiques à l’encontre d’Israël. Le Guardian a découvert des preuves montrant comment Israël fait renaître une structure controversée dans le cadre d’une vaste campagne de relations publiques visant les campus universitaires américains afin de redéfinir l’antisémitisme dans la législation américaine.

Quelques secondes après la fin d’un signal d’alarme pendant son audition, Chikli a assuré que le budget prévoyait de nouveaux fonds destinés à une campagne de riposte, distincte des relations publiques plus traditionnelles et de la publicité financée par le gouvernement. Cette campagne compte 80 programmes déjà en cours pour des actions de sensibilisation « menées à la manière de Concert », a-t-il déclaré.

Le terme « Concert » désigne le lancement d’un programme tentaculaire controversé du gouvernement israélien, initialement connu sous le nom de Kela Shlomo, conçu pour mener ce qu’Israël appelle des « activités de sensibilisation à grande échelle » destinées principalement aux États-Unis et à l’Europe. Concert, désormais connu sous le nom de Voices of Israel [Les Voix d’Israël, NdT], collaborait auparavant avec des organismes menant campagne pour faire adopter des lois d’état dites « anti-BDS », [ BDS : boycott, désinvestissement, sanctions, NdT] destinées à pénalise les Américains participant à des boycotts ou manifestations non violentes contre d’Israël.

Son dernier épisode en date s’inscrit dans une stratégie musclée et parfois secrète du gouvernement israélien visant à contrer les manifestations d’étudiants, les organisations de défense des droits humains et d’autres voix dissidentes.

Les dernières activités de Voices ont été menées par l’intermédiaire d’organisations à but non lucratif et d’autres organismes qui, souvent, ne divulguent pas les informations relatives à leurs donateurs. D’octobre à mai, Chikli a supervisé des dépenses à hauteur d’au moins 32 millions de shekels, soit environ 8 millions d’euros, dédiés à la défense des intérêts du gouvernement afin de recadrer le débat public.

Rapidement, une victoire éclatante a été remportée par l’un des groupes de pression américains travaillant en étroite synergie avec le ministère de Chikli, l’Institute for the Study of Global Antisemitism and Policy, ou ISGAP (Institut pour l’étude de l’antisémitisme mondial et de la politique).

En décembre, lors d’une audition au Congrès, largement suivie, concernant l’antisémitisme présumé des étudiants manifestant contre la guerre, plusieurs législateurs Républicains de la Chambre des représentants ont explicitement cité les recherches de l’ISGAP dans leurs questions aux présidents d’université. L’audition s’est terminée par la confrontation devenue virale de la représentante Elise Stefanik avec la présidente de l’université de Harvard de l’époque, Claudine Gay, qui s’est ensuite retirée de ses fonctions après une avalanche médiatique négative.

Lors d’un événement organisé le 7 avril au Palm Beach Country Club, l’ISGAP, qui aurait reçu la majorité de son financement en 2018 de l’agence israélienne qui dirigeait Concert, s’est félicité de son coup d’éclat en matière de relations publiques au Congrès.

Toutes ces auditions sont le fruit de notre rapport voulant que toutes ces universités, à commencer par Harvard, reçoivent beaucoup d’argent du Qatar », a fanfaronné Natan Sharansky, un ancien membre de la Knesset israélienne (MK) qui a occupé la fonction de Chikli et qui préside aujourd’hui l’ISGAP. Sharansky a déclaré aux partisans rassemblés que les remarques de Stefanik avaient été vues par un milliard de personnes.

L’ISGAP a continué à influencer les enquêtes du Congrès sur les universités qui prétendent que les manifestations contre le bilan d’Israël en matière de droits humains sont motivées par l’antisémitisme, et l’organisation s’est fortement impliquée dans la campagne visant à faire adopter de nouvelles lois qui redéfinissent l’antisémitisme pour y inclure certaines formes de discours critiques à l’égard de la nation d’Israël.

D’autres groupes américains liés à Voices ont lancé une série d’initiatives visant à renforcer le soutien à l’État d’Israël. L’un de ces groupes, officiellement qualifié de partenaire, le National Black Empowerment Council (NBEC), a publié une lettre ouverte de politiciens Démocrates Noirs s’engageant à être solidaires d’Israël. Un autre groupe, CyberWell, un groupe pro-israélien anti-désinformation dirigé par d’anciens responsables du renseignement militaire israélien et de Voices, s’est positionné comme « partenaire de confiance » officiel auprès des plateformes TikTok et Meta, pour aider les deux plateformes sociales à filtrer et à éditer des contenus. Un récent rapport de CyberWell a demandé à Meta de supprimer le slogan en vogue « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre. »

À l’aube de la guerre à Gaza, après les attaques terroristes du 7 octobre 2023 menées par le Hamas, la firme qui avait à l’origine été créée avec le soutien du ministère des Affaires stratégiques, aujourd’hui supprimé, a été relancée pour la troisième fois. Cette réorganisation a été révélée pour la première fois dans un document budgétaire peu remarqué publié par le gouvernement israélien le 1er novembre, qui indiquait que Voices aller geler toutes ses campagnes en cours afin de se consacrer au soutien aux activités liées à « gagner la guerre relative à la version israélienne de l’histoire. »

L’organisation est désormais placée sous l’administration de Chikli, ministre israélien des Affaires de la diaspora. Lire la Suite ICI 

Photo Une: Amichai Chikli s’exprime à Cracovie, en Pologne, le 22 janvier 2024. © :Omar Marques/Getty Images

 

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