Et si on parlait du Soudan ?

Voilà presque un an que je suis abonnée au Monde diplomatique. Je lis assidûment ce mensuel et je trouve que les sujets traités sont globalement rigoureux et sérieux. En revanche, j’observe avec stupéfaction la rareté des sujets se rapportant aux affaires africaines et, plus spécifiquement, le traitement de la guerre au Soudan. En effet, il n’est déjà pas aisé de trouver, dans le champ journalistique français, des informations sérieuses et non instrumentalisées sur la géopolitique africaine, mais j’aurais pu espérer qu’il en soit autrement pour ce journal.

Le 15 avril dernier (si je me réfère aux notes trouvées sur Google), une guerre « fratricide » a éclaté au Soudan. La raison ? Tout le monde s’en fout, à en croire la couverture médiatique qui lui est réservée, même par les journaux dits de gauche. Il s’agit pourtant d’un conflit impliquant des belligérants aussi multiples que l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Iran ou encore la Russie. On pourrait alors croire à un choix malencontreux des journalistes, préférant observer et alerter sur d’autres conflits au vu de la situation internationale. Et pourtant, lorsqu’on observe l’histoire, il est effroyable de constater que la couverture médiatique des conflits africains a très souvent, voire quasi systématiquement, été ignorée. Car écrire deux ou trois articles sur un conflit ne permet pas de rendre compte des subtilités d’une guerre.

L’écrivain camerounais Mongo Beti constatait déjà en son temps l’hypocrisie des intellectuels et journalistes français concernant la dénonciation des guerres impérialistes américaines et parfois même françaises, tant que cela ne touchait pas le pré-carré africain. Car, c’est bien connu dans l’Hexagone, il est de bon ton de cultiver ce sentiment anti-américain, hérité très certainement du gaullisme.

Ajoutez à cela le racisme et le mépris dont les élites n’ont jamais su se départir, et vous obtiendrez l’une des clés de compréhension de ce silence criminel autour du conflit soudanais. Je dis bien « l’une » des clés de compréhension, en raison de la complicité tout aussi criminelle des élites africaines, cultivant elles aussi un silence de plomb et confirmant bel et bien l’adage : « toutes les vies ne se valent pas ».

Au fond, comment reprocher à l’Occident d’ignorer des conflits ignorés par les Africains eux-mêmes ?! Le journaliste dakarois préférera ainsi nourrir l’actualité sénégalaise de « news » venant le plus souvent du Nord, au détriment du Sud. Le Pikinois apprendra donc sans peine les détails des attentats du 7 octobre, mais quid du 15 avril 2023 ? La suprématie blanche a de quoi se rassurer ! Nos vies ne valent toujours pas mieux à nos propres yeux.

 

 

 

 

 

 

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