Les africains n’auront toujours pas appris la leçon des échecs de leur projet panafricain. Le développement de l’Afrique se fera ensemble et non pas dans une division pérennisée entre francophones et anglophones et peut être encore moins avec les lusophones. Part II
Le parfait pied de nez des francophones aux critères de convergence
Les quatre premiers critères actuels pour l’échéance de 2020 sont :
1).- Un déficit budgétaire n’excédant pas 3% du PIB.
2).- Un taux d’inflation annuel moyen inférieur à 10%.
3). – Le financement des déficits budgétaires par la Banque centrale ne devrait pas dépasser 10 % des recettes fiscales de l’année précédente.
4). – Des réserves extérieures brutes (réserves de change) représentant au moins trois mois d’importations doivent être disponibles.
Il a été convenu (Abuja, juin 2019) que les premiers pays à atteindre ces critères précités seront les premiers à entrer dans le cercle des pays qui doivent utiliser la nouvelle monnaie Eco. Alors nous sommes presque arrivés au terme du mois de décembre 2019, seuil de valorisation des critères d’éligibilité et voici que les Etats de l’UEMOA – une zone avec 4% de déficit public- qui sont de loin capables d’atteindre ces critères adoptent subitement par le croisement de la France la nouvelle monnaie de l’Eco. L’approche progressive voire graduée voulue par Abuja a été ainsi foulée au pied.
La surprise a été le jeu pratiqué par la France qui a été sur ce coup très perspicace et mérite des félicitations face à la préservation de ses intérêts dans ses anciennes colonies. Elle pouvait contrôler l’accès aux critères de convergence si toutefois un désir de sabotage s’en prenait à l’Elysée qui défendrait également ses intérêts en Afrique. Ce qui serait légitime. Mais que nenni. Cela n’a pas été sa stratégie.
Il faut donc, je me disais tout juste après la rencontre d’Abuja – pour ne pas que ce projet soit utopique et qu’il soit réalisable suivant un délai rationnellement mesuré – un dialogue objectif et courageux entre la France et la zone du franc CFA. La surprise est venue de la visite du président français Emmanuel Macron en Côte d’Ivoire le pays en chef de l’économie ouest africaine.
La France et la zone de l’UEMOA ont –elle respecté l’esprit des textes du sommet de Abuja (juin 2019) ?
« Selon le document issu de la réunion de mi-juin à Abidjan, le modèle de la future banque centrale devrait être fédéral et le régime de change retenu sera flexible, avec un ciblage de l’inflation globale comme cadre de politique monétaire. » Mais Alassane a exprimé son point de vue en tant que président de la première économique de la région et son leadership a eu raison de toutes les autres opinions en discussion. « Nous considérons que ce taux de change fixe vis-à-vis de l’euro a bien servi nos économies, maîtrise l’inflation, nous permet d’avoir des taux de croissance les plus élevés du continent. Il n’y a rien de pire pour les populations que l’inflation. Je suis très fier de dire que la Côte d’Ivoire depuis sept ans n’a jamais dépassé un taux d’inflation de 1 à 2% par an, et il faut que cela soit maintenu. (…) Aujourd’hui, le taux de change de l’euro par rapport au franc CFA est de 655,9. Et bien sûr, si les chefs d’État décidaient l’année prochaine de changer le franc CFA en éco parce que nous avons respecté tous les critères de convergence, ce taux ne changerait pas dans l’immédiat. » Ainsi il remarquable que la volonté du président ivoirien à triompher. Le seul bémol est jusqu’ici aucun critère de convergence n’est respecté pour ne pas dire atteint. Il était clair à mon avis que les pays qui utilisent une monnaie nationale seraient les premiers qui atteindront les critères d’éligibilité. Il s’agit des pays anglophones. Mais ils ont été court-circuités par la décision de la cote d’ivoire.
Nous partageons en revanche l’hostilité de la flexibilité du taux de change défendue par Alassane Ouattara. En effet pour nous le but ultime c’est de neutraliser le taux de change c’est-à-dire de tendre vers le niveau le plus bas possible voire nul.
Dans un point de vue social, la flexibilité va attribuer une humeur au prix international dirigé par un régime de change instable. La zone franc CFA n’a pas cette habitude de réajustement contextuel et perpétuel. Il faut donc chercher à faciliter la tâche aux populations. Il faut donc une meilleure proposition pour une alternative au change fixe.
L’urgence ou l’intérêt des solutions à proposer n’est pas dans la fixité ou la flexibilité du taux de change mais plutôt dans son maintien au plus bas voir à sa nullité. Ce qui va donc remettre sur la table la question de la performance des 15 pays concernés au départ par le projet de la nouvelle monnaie Eco ( 8 pays UEMOA et 7 ZMOA). Il y a une chose sur laquelle on ne devrait pas se tromper, c’est que la valeur d’une monnaie se mesure à la performance de l’économie pour laquelle elle est faite. La France a un rôle à jouer dans l’autonomisation de ces économies dont elle est la marraine.
A défaut de considérer ce qui est précité, la mise en place de l’Eco serait une activité d’esthéticien pour faire beau ou jolie en arborant un semblant de souveraineté qui apaise les cœurs et vanterait une certaine autonomie du continent. Ce qui serait faux.
Les décisions de Abidjan pour la mise en vigueur de l’Eco en 2020 servent-elles les objectifs des 15 retenus à Abuja ?
- 1). Aucun français ne siégera aux instances de décisions financières (la France jusque-là avait un représentant à la BCEAO, un autre à la commission bancaire, et un autre au conseil de politique monétaire).
- 2). Fin des dépôts au trésor de France : « Les réserves de change ne seront plus centralisées par la France et l’obligation de verser 50 % de ces réserves sur le fameux compte d’opération du Trésor français disparait »
- 3). L’éco conservera une parité fixe avec l’euro, laquelle pourrait évoluer avec le temps et en fonction de la volonté des autres pays de la CEDEAO lorsqu’ils voudront rejoindre l’éco.
- 4). La France garde un rôle de garant en cas de crise. Si jamais les pays de la zone éco n’ont plus de quoi payer leurs importations, la France le fera. Reste que si l’on en arrive là, Paris se réserve le droit de revenir dans une instance de décision, en l’occurrence le conseil de politique monétaire.
Les objectifs de la mise en place de la monnaie Eco :
- Renforcer « le faible niveau du taux d’intégration économique après plus de 40 ans d’existence de la CEDEAO. »
- « Doter la région d’une union monétaire en vue d’accélérer la construction d’un espace de prospérité et de solidarité. »
- Garantir « le respect des principaux critères de convergence nécessaire à la mise en place d’une union monétaire viable et crédible »À suivre…
©RFI
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