Alors que se tiendra vendredi 10 octobre 2025 à 19 heures au cinéma Pathé une séance spéciale d’Une Si Longue Lettre, je partage cette réflexion, après avoir vu le film réalisé par Angèle Diabang…
Et si l’adaptation au cinéma du roman de Mariama Bâ interrogeait plus largement sur la notion du couple dans notre société sénégalaise d’aujourd’hui ?
La projection de la séance spéciale organisée par le ministère de la Culture vendredi aura lieu en présence du Secrétaire d’État à la Culture. Un hommage à la femme !
Publié en 1979, Une Si Longue Lettre, roman à succès est une œuvre majeure qui témoigne de l’héritage intellectuel que des femmes sénégalaises illustres ont su léguer à plus de trois générations de petites filles, dont je fais partie. En sortant de la salle de cinéma, une phrase de ma mère m’est revenue en mémoire :« Ma fille, chez nous, le couple n’existe que dans l’intimité de la chambre maritale. »
Longtemps, j’ai pensé qu’elle voulait simplement parler de pudeur, d’une invitation à ne pas afficher ses sentiments. Mais devant ces images, en voyant Ramatoulaye confrontée à la trahison de Modou, j’ai compris que cette phrase portait un constat plus profond : dans nombre de nos familles, le couple, dans sa dimension tendre, complice et égalitaire, vit souvent enfermé derrière une porte close. Le reste de la vie conjugale est absorbé par les obligations sociales, les injonctions familiales et le poids des traditions.
L’intimité du couple est vécue comme un refuge : c’est là que l’on ose dire ce que l’on tait ailleurs, que l’on se confie, que l’on se console. Mais, parfois, c’est aussi le seul endroit où le couple existe vraiment. Et dans de nombreux couples , dehors, certains hommes, comme Modou, deviennent d’autres personnages, prêts à se plier volontiers aux exigences du patriarcat et de la société traditionnelle.
Pour Modou, la jeune Bintou devient une évidence socio-culturelle : un second mariage non pas fondé sur un projet de vie, mais sur l’attrait de la nouveauté et le confort de l’ego. Pendant ce temps, Ramatoulaye est laissée seule, non seulement dans sa chambre, mais dans toute la maison. Sa meilleure amie Aïssatou, elle, choisit une autre voie : partir pour préserver sa dignité. Elle refuse de se contenter d’une place réduite à l’ombre d’un nouvel amour, rappelant qu’un couple ne peut survivre sans engagement réciproque.
Pourtant, un couple solide ne devrait pas exister uniquement dans l’intimité. Il n’a pas vocation à être cantonné à la chambre : il peut s’inviter auprès des parents, de la belle-famille, dans la rue, dans la façon dont on se parle, se soutient et se consulte devant les autres.
La construction d’un couple, c’est aussi comprendre que le respect et la tendresse sont aussi visibles que l’autorité et les devoirs. L’enjeu n’est pas de rompre avec nos traditions, elles sont, pour la plupart, humaines et sociabilisantes mais il s’agit de les faire évoluer . La pudeur, la discrétion et le respect de la sphère privée restent des valeurs précieuses. Mais il est possible de bâtir un couple qui respire aussi à l’air libre, qui ne se réduit pas à un huis clos nocturne.
Vendredi, rencontrez l’équipe du film: Angèle Diabang, Amelie Mbaye (photo), Amath Niane (caméra) chef opérateur
Et si la fameuse phrase de ma mère prennait un autre sens :
« Le couple existe partout où deux êtres choisissent de s’aimer et de se respecter. »
Ce jour-là, l’espace conjugal ne sera plus une enclave cachée, mais une force tranquille, capable de faire face à l’adversité. Et surtout, la polygamie ne devra plus être une fatalité imposée à la femme, mais un choix assumé par le couple, lorsqu’il est concerté. Le choix d’accepter cette situation familiale… ou le choix de ne pas l’accepter, comme l’a fait Aïssatou Je vous invite à voir ce film ou à relire ce roman. Vous y trouverez sûrement votre propre réflexion sur cette histoires qui fait encore écho dans notre société sénégalaise d’aujourd’hui ….
Laisser un commentaire