Edgard Morin a 100ans, nous lui rendons hommage à travers un résumé de son dialogue avec Tariq Ramadan dans #Au_péril_des_idées.
À l’occasion d’un entretien à Marrakech, Edgar Morin et Tariq Ramadan débattaient des grandes questions de notre temps en 2014. Quand deux sommités en apparence contraires se rencontrent, le courant passe et tout le monde profite des lumières qui en jaillissent.
Tariq Ramadan et Edgar Morin, qui se définissent comme des “métis culturels“, illustrent bien la complexité des identités qui composent nos sociétés actuelles. Leur histoire familiale est marquée par l’exil et leur trajectoire intellectuelle s’est nourrie d’apports multiples, orientaux et occidentaux, religieux et profanes.
Le philosophe juif agnostique, descendant de marranes Edgard_Morin, et le philosophe, islamologue d’origine arabe Tariq Ramadan partagent bien plus que des références communes, Rimbaud, Bergson et Pascal entre autres. Au fil de ce dialogue, qui aborde des questions politiques et éthiques majeures, ils montrent la nécessité de décentrer des débats à la fois sclérosés et brûlants pour ouvrir des voies plus sereines à la réflexion.
Dès le premier chapitre, Tariq Ramadan explique la diabolisation dont il fait l’objet en France. Il incarne l’ancien colonisé, qui prétend s’exprimer en se situant sur le plan de l’universel, tout en revendiquant la centralité de sa référence musulmane.
C’est donc un rapport à la religion que les premiers échanges questionnent. Tariq Ramadan et Edgar Morin réaffirment un soutien indéfectible à la laïcité. Mais le théologien réformiste dénonce sa dégradation en un “laïcisme” dogmatique et intolérant qui devient “une nouvelle religion excluant toutes les autres“.
Edgar Morin, légèrement en désaccord sur ce sujet, nuance cette position en soulignant la revitalisation actuelle des religions, qui peut expliquer une certaine intransigeance, voire une crispation, dans les débats sur la laïcité.
Les deux hommes s’accordent par contre à déplorer qu’aucun gouvernement français n’ait réellement pris acte du multiculturalisme.
Cet entretien aborde parfois des points théologiques ou philosophiques pointus comme la différence entre une raison close dogmatique et une raison ouverte qui accepte que son système puisse être remis en cause par de nouveaux arguments.
Il a le grand avantage de rendre les idées plus claires sur le prof Tariq Ramadan d’abord, pour ceux qui le soupçonnaient encore de double discours, mais surtout sur des points qui cristallisent les angoisses et les tensions contemporaines. Et il rappelle cette vérité qu’on a tendance à oublier: la raison pure n’existe pas, puisqu’il n’y a que des esprits situés.
La meilleure façon de penser l’universel est donc sans doute de poser clairement ce qu’on est, ce qui nous singularise et ce qui nous relie aux autres. Avec comme conclusion que la foi est un critère de distinction réel, mais qui est loin d’empêcher l’accord sur l’essentiel.
Happy 100ans au père de la pensée complexe
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