La peur est l’un des moteurs classiques de la politique. La peur a toujours été un levier efficace pour obtenir le pouvoir et le garder. Mais le maniement de la peur est une cupidité partagée par les gouvernants et les gouvernés, car il existe de fait une connivence tacite entre ceux qui font peur et ceux qui ont peur.
Mais, soyons justes, ce ne sont pas tous les politiciens qui font de la peur un fonds de commerce, certains hommes politiques se démènent aussi pour que le pays retrouve confiance. Il serait démagogique d’affirmer que tous les responsables politiques ne cherchent qu’à nous faire peur chacun à leur façon.
La peur est utilisée pour obtenir le pouvoir mais il n’y a pas de perspective de mieux-être sans un minimum d’optimisme. C’est donc un subtil mélange de peur et de confiance qu’il faut savoir distiller pour gouverner. Une vision purement cynique de la politique favorisera la peur. Et la peur nourrit la peur…
La peur, levier efficace de conservation du pouvoir
Elle opère comme un serpent qui se mord la queue : l’exemple contemporain le plus frappant de la perversité que produit la peur dans le débat des idées nous a été offert par les néoconservateurs de l’administration Bush : l’invention des armes de destruction massive en Irak, la théorisation du choc des civilisations, puis les mensonges éhontés du département d’État et de la CIA dans l’après 11 Septembre et encore plus proche, sous nos cieux, toute la rhétorique autour des forces occultes et autres farces spéciales ont nourri, en réaction, une autre machine de peur, redoutable elle aussi: la peur de la conspiration organisée et promue à l’état de système, qu’on pourrait nommer «complotisme » !
En effet, ceux qui croient que le 11 Septembre est le fruit d’un complot de l’administration américaine ont peur et font peur. Ils combattent l’utilisation des peurs par l’auto-alimentation d’autres peurs… Et ils valident ce que Victor Hugo disait sur la peur en une phrase clé : « Je n’ai peur que de ceux qui ont peur. » Effectivement les plus dangereux en politique ne sont pas ceux qui font peur mais bien ceux qui se laissent gagner par la peur ! Parce que, comme disait le cardinal de Retz, » de toutes les passions, la peur est celle qui affaiblit le plus le jugement ».
La sécurité fait partie des droits naturels inscrits dans le préambule de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789 et tout être humain ne peut jouir de sa dignité d’homme sans sécurité. Toutefois, un fait s’impose, le monde actuel est producteur d’insécurité, de par le contexte urbain et son anonymat, de par la crise économique, le chômage galopant, la crise des valeurs, le péril climatique et la montée de l’autoritarisme…
La sécurité, un droit fondamental dans un monde producteur d’insécurité
Les hommes politiques ont beau se démener et faire des promesses, la peur est là. Elle attire les regards et parfois les intelligences, elle affole tout à la fois.
Chaque individu est appelé à faire partie d’un tout qui le protège, d’un ensemble social qui partage les mêmes peurs et les mêmes défenses, mais aussi les mêmes convictions et les mêmes obligations.
La rentabilité politique de l’idéologie sécuritaire se mesure au taux de soumission générale, pendant que les sociétés dites de sécurité apportent des dividendes juteux à leurs actionnaires. La sécurité est donc devenue un produit qui se vend bien.
La sécurité intérieure, nouvel angle de polarisation de l’État
Faute de parvenir à résoudre la crise sociale et économique qui n’en finit pas, et qui a commencé il y a belle lurette, quoi de plus simple que de se polariser sur la sécurité intérieure ?
Les notions d’ennemi (par exemple les forces obscures) et de menace (par exemple les jeunes) concourent à une gestion fortement policière de la sécurité collective.
Tandis que la peur est difficilement contrôlable, la sécurité, elle, est facilement organisable. Aussi n’estce pas un hasard si continuent de fleurir des sociétés dites de sécurité, louant leurs services ou installant toujours plus de caméras de vidéo-surveillance. Il est lamentable que ces « yeux » ne résolvent en rien les problèmes de sécurité dans l’espace public, en dehors du cas des parkings des nantis de la République…
À qui s’adresser mieux qu’à l’État pour vouloir se sentir en sécurité en période de crise?
Lui notre dénominateur commun, Lui qui s’adresse à chacun de nous avec ses impôts si divers, Lui qui dit nous protéger ! Alors, emporté par l’élan que nous lui donnons, l’État nous force à consommer son idéologie sécuritaire, et ça marche ! Et c’est ainsi que l’État, avec l’aide des médias — à l’exception de quelques-uns — sait fort bien cultiver la peur pour administrer la sécurité. Presque aucun journal télévisé ne manque à son devoir de parler d’un crime, d’un viol, d’une bagarre qui se serait mal terminée sur la place publique ou de dégradations à l’université…
Il y en a toujours eu, il y en aura malheureusement toujours, et même si effectivement leur nombre ne baisse pas, à qui profite cette façon de procéder, d’entretenir ainsi nos peurs ?
L’ennui, dans cette affaire, est que le thème de la sécurité est un des plus militaristes que notre bouillonnante histoire nous ait offert en témoigne le quasi État de siège que nous vivons dans la capitale. De plus s’y sont greffés des nervis lourdement armés servant de milices privées aux politiciens soucieux d’organiser leur propre sécurité et la chasse aux manifestants considérés comme des bandits de grand chemin, si besoin en est.
Une sécurité intérieure militarisée
Le premier argument qui a toujours servi gouvernants pour justifier leur entreprise de militarisation de l’espace public est la recherche de la sécurité. Mais (…) il n’y a pas de limites aux abus de celui qui prétend arriver à la sécurité totale. Le second argument est que toutes les tentatives de domination qui ont ensanglanté le monde, avaient pour but proclamé de faire régner à jamais l’ordre et la paix.
Sécurité, ordre et paix : le décor est planté. Effectivement, il hante tous les discours officiels contemporains. Ces mêmes valeurs qui ont servi (et servent encore) au bellicisme des nations contre leur ennemi de l’extérieur, sont donc employées aujourd’hui contre l’ennemi de l’intérieur.
De là à penser que l’État moderne part en guerre contre son peuple, il n’y a qu’un pas. Sera t-il franchi sous la présidence des républicains ? Le très proche avenir nous le dira.
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