Bataille sous la moustiquaire!

Il ne sera pas dit que ce microscopique insecte au nom plus lourd que la masse aura eu raison de moi. Moustique, tu n’auras pas ma peau.

Je vous entends rire et vous moquer, quoi, juste un moustique? Mais avez-vous déjà passé la nuit avec le bourdonnement de l’anophèle?

Les connaisseurs disent que si les femelles moustiques émettent ce bruit, c’est dans un but bien précis : signaler leur présence aux mâles et les attirer. A l’oreille des mâles, ce bzz est un son délicieusement séducteur.
Mais à mes pauvres oreilles insomniaques, c’est une déclaration de guerre en bonne et due forme et je n’entends pas la laisser impunie.

Une bataille sans témoin s’est déroulée sous ma moustiquaire contre un ennemi aussi sournois que rusé, capable d’esquiver les coups les plus massifs avec une légèreté qui a le don d’exacerber ma furie. Pourtant j’ai un don reconnu pour écraser les moustiques du premier coup.

C’était sans compter avec la malignité de celui qui s’est infiltré hier dans ma moustiquaire,  déjouant je ne sais comment ma ligne de défense que je pensais inexpugnable.

Je le soupçonne de m’avoir  étudiée la veille avant de trouver la stratégie gagnante.  Je l’imagine sautillant autour du filet de protection pour trouver la faille, un trou dans la toile que j’ai négligé.  On ne m’y reprendra plus. Je pose la tête sur mon oreiller, sonnée par une journée longue, lourde, pénible avec l’espoir que Morphée daigne avoir pitié de moi.

Non seulement le bougre se fait attendre mais j’entends la charge des anophèles obsédés par la tentation du mâle dans un vrombissement que j’interprète comme une déclaration de guerre.  Qu’à cela ne tienne ! Je suis prête.

Armée d’une torche, je me mets à la recherche des intrus. J’en repère deux. L’un ne résiste pas à ma lourde paume. Le voilà réduit en poussière avant d’avoir eu le temps de faire sa prière.Cette première victoire est galvanisante et je vais à la recherche de son congénère, la confiance en bandoulière.

Je vous épargne la vanité de ma quête. Au bout d’un temps probablement long pour le peuple des moustiques, je me résous à me couvrir la totalité du corps, y compris la tête pour échapper aux piqûres de mon bourreau. Tu ne perds rien pour attendre,  me dis-je,  survoltée. Ce sera ton dernier jour. 5 heures du matin, il faut se lever pour la prière de l’aube.

Malgré le manque de sommeil,  j’aime me lever pour la prière car j’ai l’impression d’avoir le privilège d’assister à la naissance du jour, à l’endormissement de la nuit, moment de grâce où la nature est apaisée,  où la respiration de la terre est perceptible.

Je me recouche après la prière,  cassée,  fourbue, décidée à rattraper quelques heures de sommeil réparateur.  Mon ennemi nocturne a lui, décidé de ne pas me coller la paix. Il bruisse, gronde, vrombit,  me provoque avec une insolence qui me laisse sans voix.  Je le repère de nouveau à l’aide de mon téléphone. Il est rouge, luisant, bien dodu, planqué dans un coin de la moustiquaire après avoir fait la java à mes dépens toute la nuit!

Cette fois, il faut que je sois plus stratège.  Le bougre est alourdi par une nuit de fiesta qu’il va payer cash. Je prends mon temps car je connais sa souplesse et sa légèreté.  Au moment où il s’y attend le moins,  paf! Je suis sûre de moi. Je l’ai eu.

Au bout du petit matin, (pardon Césaire), une grosse tâche de sang sur le blanc de la moustiquaire me raconte le festin du moustique à mes dépens. Je peux enfin dormir sur mes deux oreilles.  Aujourd’hui, je change de moustiquaire ou plutôt,  je le double,on n’est jamais trop prudent.
Belle journée à tous!

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Fatimata Diallo Ba est une femme de lettres. Enseignante et autrice de plusieurs ouvrages dont ‘’Rouges silences’’ qui reçut le Prix du roman décerné par le jury du Prix Cénacle national du livre. Fatimata Diallo est chroniqueuse à la tété et ses analyses sur l'Afrique, la société, la famille, la liberté et le développement sont sur Kirinpost.

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