Barnier à Matignon ou le triomphe d’une dangereuse impasse

Le présidentialisme a encore frappé. L’avantage de ce nouveau Premier ministre, c’est qu’il ne fait pas d’ombre aux potentiels candidats à la prochaine présidentielle. Marine Le Pen en tête. Source: Pablo Pillaud-Vivien pour Regards

Après près de deux mois de réflexions tactiques, à trouver toutes les arguties pour ne pas nommer cheffe du gouvernement Lucie Castets, Emmanuel Macron a tranché : ce sera l’ancien commissaire européen de 73 ans membre des LR, Michel Barnier. Le président de la République a choisi de conforter une lecture très à droite du barycentre de l’Assemblée nationale, en y intégrant le RN, qui a donné son quitus pour cette nomination.

Cette dernière a d’ailleurs quelque peu surpris puisque, lorsque le nom du Savoyard a commencé à faire son apparition, deux de ses lieutenants, les députés Jean-Philippe Tanguy et Julien Odoul, lui ont dressé un fort peu flatteur portrait, semblant exclure que leur groupe ne censure pas « l’homme qui ne pense rien et qui est le plus bête de la Ve République ». Mais les garanties que semblent avoir obtenu Marine Le Pen, notamment en matière de sécurité, d’immigration et de pouvoir d’achat, ont eu raison de ce premier réflexe.

Nommé Premier ministre avec l’imprimatur de Laurent Wauquiez, cette nomination s’inscrit dans une stratégie de remise en selle des Républicains après leurs débâcles électorales de ces dernières années. Mais pour Emmanuel Macron, il s’agit d’acter une fois pour toutes la direction prise par sa politique : du « en même temps de gauche et de droite », on est passé au « en même temps de droite et d’extrême droite ». Il ne compte plus faire semblant et la preuve ultime de cette mue sera cette double évidence : Michel Barnier poursuivra la politique menée jusqu’alors par les macronistes, sans réelle rupture – c’est pour cela qu’il a été choisi – et cette politique sera validée par l’extrême droite qui ne votera pas de motion de censure.

Nous voilà donc entrés dans une énième nouvelle phase du macronisme qui, après avoir fragilisé comme jamais nos institutions et ébranlé les fondements de notre culture démocratique en refusant les résultats des législatives, jette toute la droite libérale -m– lui compris – dans les bras de l’extrême droite. À la gauche maintenant, dans toutes ses composantes (politiques, associatives et syndicales) de construire une dynamique d’opposition susceptible de nous redonner collectivement l’envie d’avoir envie. Car attention, si la lutte n’est pensée qu’entre les murs du Palais Bourbon, il y a de fortes chances qu’on perde tout le monde.

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