« Avec ce sentiment anti-palestinien dans le monde entier, j’ai du mal à garder mon optimisme » (Rami A Jamous)

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter en octobre 2023 son appartement de Gaza-ville avec sa femme Sabah, les enfants de celle-ci, et leur fils Walid, deux ans et demi, sous la menace de l’armée israélienne. Réfugiée depuis à Rafah, la famille a dû ensuite se déplacer vers Deir El-Balah et plus tard à Nusseirat, coincés comme tant de familles dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Un mois et demi après l’annonce du cessez-le-feu, Rami est enfin de retour chez lui avec sa femme, Walid et le nouveau-né Ramzi. Pour ce journal de bord, Rami a reçu le prix de la presse écrite et le prix Ouest-France au Prix Bayeux pour les correspondants de guerre. Cet espace lui est dédié depuis le 28 février 2024.Source: Orient XXI
« Avec ce sentiment anti-palestinien dans le monde entier, j’ai du mal à garder mon optimisme » (Rami A Jamous), Information Afrique Kirinapost

Beit Lahia, le 9 mars 2025. Un Palestinien est assis près de sa tente de déplacement, en face d’une file d’attente pour des repas chauds dans une cuisine caritative avant le repas de rupture du jeûne de l’iftar pendant le mois sacré musulman du Ramadan, le 9 mars 2025. Le ministre israélien de l’énergie, Eli Cohen, a déclaré le 9 mars qu’il avait donné des instructions pour cesser de fournir de l’électricité à Gaza, une semaine après qu’Israël a bloqué toute aide dans le territoire palestinien ravagé par la guerre.
©Omar ALQATTAA / AFP

Avec l’angoisse de la quête de nourriture et de boisson, on n’arrive plus à réfléchir. Depuis le début de la fermeture des terminaux, c’est la panique. Mon téléphone n’arrête pas de sonner. Tous mes amis m’appellent. Pour eux «le grand journaliste qui sait tout», de retour à Gaza ville, saura forcément ce qu’il faut faire. Quelle est la bonne décision à prendre?Plusieurs amis, déplacés de Gaza ville à Khan Younès, au sud, ont annulé leur retour. L’un d’eux possède une parcelle de terrain au nord, sur laquelle il comptait planter sa tente. Il m’a dit :

Tant que Nétanyahou n’a pas annoncé la fin de la guerre, je préfère rester ici. En fait, je crois que la guerre ne s’arrêtera pas, et je n’ai pas envie de rentrer pour ensuite être déplacé encore une fois.

Une amie, veuve et qui vit avec ses quatre enfants sous la même tente, y compris sa fille qui est mariée, m’appelle pour me demander : «Tu crois qu’on peut revenir à Gaza? Je sais qu’il y a un camp en construction. Je peux y aller ou tu penses que je dois rester ici?» D’habitude, je préfère ne pas décider à la place des autres, de peur de me tromper. Mais cette fois j’ai répondu : «Si c’est pour vivre de toute façon sous une tente, reste où tu es, rien n’est clair pour le moment.» Elle pensait la même chose.

Ceux qui sont rentrés, eux, se demandent s’ils ne doivent pas repartir. «Alors, Rami, qu’en penses-tu? Tu crois qu’il faut anticiper un nouveau bombardement de Gaza ville et du nord? Est-ce qu’il faut retourner au sud tout de suite, pour trouver une place?» Les déplacés le savent désormais : s’il faut se réfugier au sud, mieux vaut être parmi les premiers arrivés, afin de trouver un bon emplacement. Ils se sont habitués à la vie quotidienne sous la tente; s’ils doivent partir de nouveau, ils installeront facilement leur abri. C’est cela, le changement des mentalités : les gens sont prêts à tout pour, d’abord, survivre. Ils font tout pour s’adapter à la non-vie que l’on est en train de subir. La guerre a touché tout le monde. La majorité des Gazaouis ont perdu des proches, des enfants, des amis, des voisins, leur maison, leur emploi, leur business. Ils sont sous le choc, et, surtout, ils savent très bien que le plus fort est en train de décider de notre avenir.

Tout cela parce que Nétanyahou a changé d’avis, décidant de ne pas passer à la deuxième phase de l’accord, et de prolonger la première. Et si le Hamas ne l’accepte pas, c’est lui qui «viole l’accord», selon Nétanyahou. C’est toujours ainsi, c’est la loi du plus fort. Israël peut décider ce qu’il veut, surtout avec le feu vert de Trump. Lire la Suite ICI

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