Amoonafi, film-documentaire signé Bara Diokhané sera présenté le 14 novembre prochain au cinéma Pathé de Dakar. À travers des entretiens, des images d’archives et concerts, témoins et acteurs majeurs, racontent les balbutiements d’un véritable marché de l’art au Sénégal dont Bara Diokhané est un des pionniers. Joli prétexte pour ouvrir l’épisode de la virée (20 ans tout de même) New-Yorkaise de Bara Diokhané. Il était une fois, un avocat sénégalais à New-York…
« L’avocat Bara Diokhané n’a pas choisi ses dossiers selon ce qu’il allait gagner, il a choisi ses dossiers toujours selon ses rêves. » Ces propos de Pape Mouhamadou Lô dans Amoonafi, collent parfaitement pour décrire la trajectoire de maître Bara Diokhané. Ses pérégrinations à New-York entrent dans cette logique.
L’ avocat très couru dans la place de Dakar decide un bon jour de 1996, de quitter le Sénégal et d’aller s’installer en terre américaine suivant son intuition et sa passion. Maître Bara Diokhané quitte le Sénégal pourquoi?
Tout part d’un séjour avec Youssou Ndour en Gambie. Le pouvoir à Banjul vient de changer de main. Yaya Jammeh est le nouvel homme fort. Youssou Ndour qui entretenait de bons rapports de business avec le régime précédent voulait s’assurer que les nouvelles autorités ne menaceraient pas ses intérêts professionnels et il demande à son Conseil d’être du voyage. Sur place, l’assurance fut donnée à Youssou Ndour qu’en rien ses intérêts étaient menacés.
Dans sa chambre d’hôtel à Banjul, Bara Diokhané lit le journal local et tombe sur une loterie pour acquérir l’un des 55000 titres de séjour que les USA offrait dans le monde dans le cadre du programme Diversity Visa, afin d’attirer des professionnels. L’avocat rempli le formulaire et oublie…
« Un an plus tard, je reçois l’information que j’ai gagné la loterie, et que j’avais un délai de 3 mois pour rejoindre les USA avec ma famille! »conte Bara himself.
L’histoire de Bara Diokhané avec New-York rremonte en réalité dans les années 80 alors qu’il exerçait déjà au Sénégal. Son beau-frère, Massamba Sarré, était le représentant du Sénégal à l’ONU.
C’est durant ces courts mais fréquents séjours, qu’il rencontre le génial contre-bassiste Ron Carter par l’intermédiaire de son épouse Janet Carter, amatrice d’art qui venait régulièrement à Dakar.
Il fait la connaissance aussi de Robert Mohamed Bell, alias Kool, leader de Kool and the Gang. En 1987, Bara Diokhané invitera Kool et sa clique à Dakar. Ils seront d’ailleurs reçus par le président Abdou Diouf.
En 1991, l’année où il assiste au dernier concert de Miles Davis à New-York- le trompettiste moura 3 mois plus tard- le réalisateur américain Spike Lee qui travaillera avec Youssou Ndour est en plein pré-production pour son biopic sur Malcom X. Il débarque à Dakar et est reçu par Bara.
Spike voulait filmer le pèlerinage à la Mecque, mais il ne pouvait pas car étant Chrétien. Quelqu’un lui avait suggéré d’essayer le Magal de Touba. Bara l’accompagne à Touba avec ses equipes, pour les repérages. Dans la ville sainte, ils rencontrent Serigne Mourtada Mbacké (Dieu l’agree), qui les bénis.
Le chef décorateur de Spike Lee n’était pas convaincu que Touba ferait l’affaire. Il est donc reparti, mais le réalisateur américain est resté avec Bara à Dakar, où un grand concert était prévu en l’honneur de la visite programmée de Nelson Mandela au Sénégal.
Le cinéaste et militant afrodescendant souhaite rencontrer l’icône sud-africaine devenu président de son pays. Finalement Madiba ne vint pas. Spike Lee le rencontrera quelque temps plus tard en Afrique du Sud.
Bara se rend néanmoins avec Spike Lee à la réception offerte par le président Abdou Diouf pour la fête de l’indépendance, en compagnie de Youssou Ndour, Peter Gabriel, Bobby Mc Ferrin, Ismael Lo, qui improviseront sur la scène ou jouait le magnifique Soriba Kouyaté et l’Orchestre National dirigé à l’époque par le maître-pianiste Abdoulaye Diabaté.
Au cours de la réception, Bara approche l’ambassadeur d’Arabie Saoudite, parmi les invités, et lui expose l’intérêt de permettre un tournage du film Malcom X à la Mecque. Spike Lee a finalement pu tourner à la Mecque.
Sa relation Spike Lee est solide. C’est pourquoi à son arrivée à New-York, le réalisateur lui propose des locaux.
« Dès mon arrivée Spike m’a offert un bureau dans sa société de production 40 Acres and a Mule, et 6 mois plus tard je prêtais serment devant la Cour d’Appel de New York » se rappelle Bara. Ce ne débute pas bien tout ça ?
Tout de suite, l’avocat se met au travail. D’abord en s’occupant essentiellement de questions d’immigration. Puis, deux après l’installation de son cabinet, il est recruté au siège du PNUD comme conseiller juridique, s’occupant de questions de justice interne au sein du système des Nations-Unies.
Parallèlement, il devient rapidement membre du National Convention of Artists dirigée par feu le photographe Kwame Brathwaite. Il fréquente le pianiste Randy Weston qu’il avait connu à Dakar lorsque ce dernier jouait dans les années 80 avec Doudou Ndiaye Rose. Il fréquente aussi le Chef Pierre Thiam, connu à Brooklyn.
Il parcourt les musées et galeries en tant qu’artiste- lui -même peint- ou en tant que commissaire d’exposition pour, entre autres, Mor Faye son artiste fetiche. Bara Diokhané y defendra les droits de plusieurs artistes notamment le grand sculpteur francais Jean Robert Ipousteguy.
Ce dernier qui avait des démêlés avec une puissante galerie New-Yorkaise engage maître Diokhané… on connait la suite. En récompense, le célèbre sculpteur, auteur de l’Homme aux semelles devant, lui a même offert une sculpture en bronze intitulée Petit Bara, qui a disparu au port de Dakar.
Toujours à New-York, il siege en sa qualité de membre du Barreau, au Art Law Committee qui rregroupait à l’époque une trentaine d’avocats spécialistes. Au sein de ce comité il participe à la rédaction d’un ouvrage collectif intitulé Estate Planning for Visual Artists, lequel proposait des solutions juridiques et fiscales pour l’organisation de la succession des artistes.
Tout le mois de Février de chaque année, l’Amérique célèbre le Black History Month, Mois de l’Histoire Noire, en reconnaissance de la contribution historique des Africains dans le développement du continent américain, devenu la première puissance mondiale. Bara Diokhané s’intéresse à tous ces mouvements et bouleversements. En tant qu’avocat, il produit des articles sur l’abolition de l’esclavage et le debat posé par des observateurs avertis. Le Treizième Amendement aboli-t-il réellement l’esclavage aux USA? Pour lui la question n’est point saugrenue à la relecture dudit Amendement…
Bara Diokhané participe à la vie New-Yorkaise tant dans les galeries et lieux de concerts que dans les tribunaux et hauts-lieux de la réflexion sur les devenirs Africains et afrodescendants…
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