Des affrontements d’une violence inouïe ont opposé dimanche dernier des pêcheurs de Kayar à ceux de Mboro. Le lendemain, leurs homologues de Guet Ndar saisonniers installés à Kayar ont été attaquées par les jeunes de la localité. Au cours de ses heurts, des pirogues ont été brûlées, des maisons pillées et 22 personnes blessés ont été évacués à Thiès pour des soins médicaux. On signale un mort.
Les pêcheurs de Kayar reprochent à leurs collègues de Mboro la pêche au mono-filament qu’ils pratiqueraient alors qu’elle est interdite. Il faut dire qu’entre pêcheurs de Kayar et de Mboro depuis 2005, leurs relations sont extrêmement tendues. Les pécheurs se sont donné rendez-vous en pleine mer pour solder leur compte. plus de quinze jeunes pêcheurs de Kayar ont été brûlés en haute mer par les pêcheurs de Mboro.
En toile de fond de tous ces affrontements, plane les difficultés d’un secteur spolié, maltraité, et complètement laissé en rade par les politiques publiques. Il y a ici et là, des bricolages des arrangements, mais jusqu’ici pas de réelle volonté politique. Et en attendant, la pêche industrielle tue celle dite traditionnelle qui emploie 600 000 pêcheurs, soit plus de 17% de la population active. Pour Karim Sall leader syndical dans la pêche, le responsable est tout trouvé: c’est l’Etat du Sénégal. Sans épargner les bateaux étrangers qui pillent les ressources, Karim Sall pense que les premiers responsables sont les dirigeants sénégalais.
Aujourd’hui, les acteurs de la pêche traditionnelle vivent dans leur ensemble une angoisse et une peur de perdre leur métierleur dignité. De ce climat, peut naitre toutes les violences car le gouvernement se préoccupe plus de vendre des licences de pêche aux firmes internationales que de trouver des solutions à ses pêcheurs locaux. Pourtant, le Sénégal dispose de 718 km de côtes et la ressource halieutique y est en abondance si elle bien organisée et bien gérée. Seulement, faudrait-il, que les gouvernants, élus par les populations dont les pêcheurs naturellement, s’occupent en priorité de la vie des citoyens qu’ils sont censés représenter.
Babacar Abba Mbaye, député de Saint-Louis en réaction aux événements de Kayar est monté au créneau pour rappeler la gestion hasardeuse de nos ressources halieutiques mais aussi l’effet des accords de pêche avec l’Union Européenne notamment.
« Nous interpellons le gouvernement sur la situation entre Guet Ndar et Kayar!!! Mais il ne faut pas se leurrer. Cette situation Préoccupante n’est qu’une des multiples conséquences de la crise profonde que traverse le secteur de la pêche. Le President de la République doit convoquer en toute urgence un conseil présidentiel sur le secteur avec des mesures fortes comme le gel des licences de pêche ainsi les activités des bateaux étrangers battant pavillon Senegal. La crise du secteur est sérieuse » a plaidé le député Saint-Louisien.
Les accords de pêches mal négociés par l’État du Sénégal qui favorisent les bateaux étrangers, reviennent tout le temps sur la table, mais il faut aussi noter que l’absence de repos biologique, la disparition des lieux de reproduction du poisson et la capture du petit pélagique le fameux yoss, sont autant de facteurs qui expliquent la crise actuelle.
Pour mieux comprendre l’étendue du problème, nous vous recommandons « SOS Yaboye » le documentaire réalisé par Thomas Grand, initiateur du media citoyen de la mer SOS Yaboye. Lorsque l’économie de plusieurs régions et les revenus de toute une population reposent essentiellement sur la pêche, il y a de quoi s’interroger quand un tel secteur bat de l’aile.
Ces deux dernières décennies rappelle Greenpeace, l’irruption des bateaux de pêche industriels dans les pêcheries n’a fait qu’aggraver la situation déjà chaotique. Dans un article paru dans «Le Monde» en date du 22/02/2018, il est fait état d’«une carte inédite, basée sur des données satellitaires, révèle que les navires opèrent sur 200 millions de km2, une zone quatre fois plus vaste que celle utilisée par l’agriculture ».
« C’est une nouvelle illustration de la colossale pression que l’humain exerce sur les océans. La pêche industrielle exploite au moins 55 % de la surface des mers dans le monde – soit plus de quatre fois la superficie occupée par l’agriculture sur terre. » Ce sont les conclusions d’une vaste étude, publiée dans Science vendredi 23 février, qui passe au crible, l’ampleur de la pression que subissent les stocks de poissons partout sur la planète.
Aujourd’hui, l’État a une lourde responsabilité sur la situation du secteur de la pêche. Ce sont des savoirs ancestraux et des cultures qui sont menacés. Il urge pour le gouvernement de prendre à bras le corps le problème et ne pas envisager des mesurettes.
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