Le pianiste et leader du Kora Jazz Trio Abdoulaye Diabate est décédé. C’est une triste nouvelle pour la musique et la culture.
Instrumentiste réputé, Abdoulaye Diabaté qui vient de tirer sa révérence était un des plus grands musiciens du continent.
Avec sa disparition, l’Afrique perd un artiste de haut rang. Issu d’une longue tradition de griot, Abdoulaye Diabaté, dont le père fut balafoniste de l’orchestre national de Sorano, a préféré apprendre le piano. Il s’inscrira au conservatoire et assimilera très rapidement les rouages et techniques les plus compliqués. Féru de jazz, il maria à merveille les sonorités traditionnelles tirées de son héritage familial et le jazz, le blues…il deviendra un maître incontesté de ce mélange merveilleux entre tradition et modernité.
« Je suis premier prix de conservatoire et par la suite j’ai eu la chance d’avoir une bourse de la coopération française pour mener mes études supérieures à Paris » confiait-il lors d’une interview.
Abdoulaye Diabaté a été pendant 10 ans à la tête de l’orchestre national du Sénégal au sein du Conservatoire de Dakar et y a dirigé des monstres sacrés comme feu le koriste Soriba Kouyaté…qu’il retrouvera plus lorsque qu’il créa avec Moussa Sissokho le Kora Jazz Trio.
À l’annonce de son décès, les hommages du monde de la musique se multiplient.
Le chanteur Woz Kaly avec qui il avait travaillé sur la chanson Fayda du dernier album de Kora Jazz Trio Part IV a tenu à rappeler le grand monsieur qui vient de nous quitter.
» Nous venons de perdre un grand monsieur. C’est une immense perte pour la musique. Abdoulaye Diabaté a joué sa partition de façon magistrale et généreuse. Puisse Dieu accueillir ce grand monsieur au Paradis » a réagi le chanteur à la voix de rossignol.
Pour Fodé Sylla, homme politique et acteur culturel très proche du disparu avec qui, il a cofondaté le festival international du baobab, Abdoulaye Diabaté était un Chant d’Afrique.
« Abdoulaye Diabaté nous as appris à aimer l’Afrique, à célébrer sa diversité et à ouvrir nos esprits à de nouvelles sonorités.
Ton absence n’en est pas une car ta musique continuera de résonner en nous, nous rappelant que la beauté peut naître de la fusion des cultures.
Abdoulaye Diabaté, plus qu’un musicien, était un passeur. Avec ses doigts qui dansaient sur les touches du piano, il tissait un pont entre les rythmes ancestraux de l’Afrique et les harmonies du jazz. Une alchimie unique qui nous transportait, à chaque note, sur les terres de ses ancêtres. Abdoulaye Diabaté est eternel comme le Baobab » a conclu Fodé Sylla.
Abdoulaye Diabaté était, lui aussi, un formidable ambassadeur de la culture du Mandé et un digne fils du continent. Avec Kora Jazz Trio, créé en 2002, il a amené sa musique sur tous les continents. En 20 ans, il a fait pas moins de cinq fois, le tour du monde.Pleins de projets la tête pour vulgariser le folklore Africain qu’il jugeait inépuisable, le pianiste va laisser un grand vide.
Il y a quelques années de cela à Paris, (en 2008 précisément,) j’ai fais la connaissance d’Abdoulaye Diabaté. À l’époque Part III venait de sortir. Album détonnant et magnifique. Nous faisons une interview et le courant passe très vite.Il est d’une humilité deconcertante pour son statut.
Sa volonté de mettre en valeur les instruments traditionnels comme la kora à travers le jazz est bluffante. Chacune de nos rencontres, étaient des cours sur les sonorités du monde. Il aimait disserter sur les possibles échanges entre l’Amérique du Sud et l’Afrique et sur ceux, entre le jazz et l’Afrique toujours. Lorsque Part IV sort en 2018, je l’interviewe pour Pan African Music et la meme année dans le cadre de la fête de la musique, je lui demandais comment voyait-il le monde sans musique ?
« Un monde sans musique serait un monde irréaliste, un monde dépourvu de sentiments quel qu’il en soit; la musique comme on dit est l’art de combiner les sons de manière agréable à l’oreille, mais aussi la musique et l’art en général est moyen d’expression des sentiments que ce soit le bonheur, l’amour, la peine en plus d’être un moyen d’expression directe » avait-il répondu.
Abdoulaye Diabaté était un défenseur de la culture africaine et il incitait les musiciens du continent à aller à la source. Il les invitait continuellement à s’intéresser à la recherche afin de proposer une musique de qualité. Alors qu’un jour je pontais du doigt l’absence de chanteurs prometteurs parmi la jeune génération, Abdoulaye Diabaté me coupa :
« Le pays regorge de trés bons chanteurs, détrompe-toi. Ce qui manque ,ce sont des instrumentistes avec une certaine envergure, capables d’imposer une direction musicale qui pourrait s’exporter. Le Sénégal manque d’instrumentiste-Leader, tous les bons instrumentistes vivent à ll’étranger, moi y compris. Tout le monde est complice dans le déclin de la musique Sénégalaise: les médias, les journalistes et aussi et surtout les animateurs. C’est trés facile de devenir une vedette dans un pays où il y a peu de critique musicale« plaida-t-il.
Diabaté nous quitte, après avoir été un exceptionnel instrumentiste et passeur mais malheureusement, sans avoir eu le temps de mettre sur place son école de pianiste qui lui tenait à cœur. Néanmoins, il restera dans les annales de l’histoire de la musique africaine. Repose en paix maestro.
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