Les propos d’Abdoulaye Wade choquent, indignent. C’est un fait ! Après avoir dit ça, doit-on s’arrêter là et tourner la page? Non, il ne faut surtout pas, parce qu’ils sont riches d’enseignements.
Disons d’emblée que l’ex-président n’en est pas à sa première sortie au vitriol lui permettant de capturer l’attention de tout un peuple et la UNE de toute la presse nationale. Le fait est qu’il est sincère dans sa démarche. Il n’a aucun scrupule, dès lors qu’il veut quelque chose, il s’en donne les moyens. Si en face, ceux qui veulent le combattre ne font pas montre d’une même sincérité, il les broie. Il y a une sincérité dans la démarche, même en real-politik ! N’a-t-il pas dit au moment du débat sur son monument de la Renaissance que les « chrétiens prenaient une statue pour Dieu » ou encore, à l’endroit des religieux qui désapprouvaient son projet : « El Hadj Malick Sy et Cheikh Ahmadou Bamba passaient devant la statue de Faidherbe sans s’offusquer? » Et ce n’est pas tout…
La force d’Abdoulaye Wade est qu’il arrive toujours à donner le tempo de la vie politique. À chacune de ses sorties, la presse, la classe politique, le citoyen ordinaire, tout ce beau monde se met à ses ordres. La dernière en date est à inscrire dans ce lot. Est-il aller trop loin en traitant les parents de Macky Sall d’esclaves ? Sans aucun doute. Au XXI siècle, il est inadmissible de traiter un individu, quel qu’il soit, d’ancien esclave ou d’anthropophage. Entre enfants d’un continent qui a subi 400 ans durant une telle horreur, encore moins. Mais comment peut-on rester presque une semaine à déblatérer sur des propos que l’on juge vils, sans aller au-delà ? N’y aurait-il pas là quelque chose de nauséabond qui fait sauter les bien-pensants de leurs confortables chaises ? Comme pour refuser d’analyser le mal, interroger nos moeurs et surtout, le choix de nos élites. Un mal qui est en nous. Abdoulaye Wade, avec ses propos, en est juste l’ombre portée. Ici et là, on entend des : « Wade est fou, il perd la tête ». S’il est fou, il est juste alors le porte-parole de l’inconscient des autres, pour parler comme Lacan.
Ce sont des moments pareils qui donnent tout son sens au retrait de la sphère publique d’un homme comme Serigne Cheikh Ahmet Tidiane Sy Al Maktoum, qui a dit tant de choses intéressantes. On l’écoute beaucoup mais on n’en retient que très peu. Il a dit et redit que « Deum amoul », malheureusement on ne fait qu’applaudir.
Tout cela pour dire quoi ? Pour dire qu’au lieu de pousser des cris d’orfraie, il serait temps de traiter le mal, c’est -à-dire de revenir aux vraies valeurs. Et cela n’a rien à voir avec un quelconque idéologisme. Des médias qui offrent des programmes comme « Reuk-Reuk », qui appellent Sélbé Ndom pour faire de la prospective, une société qui célèbre la réussite d’où qu’elle vienne, poussant tout le monde dans le charlatanisme et le paranormal. Une société qui ne vit que de ça, ne peut que produire des propos à la Wade.
N’aime-t-on pas rire sous cape du malheur des uns ? Médire sur les autres ? Accuser à tort ? Défendre des causes selon l’auditoire ? Ne miser notre succès que sur les paroles du marabout ? Hé bien oui, les dérapages d’Abdoulaye Wade ne sont que l’un des signes les plus aboutis d’une société ivre, qui, pour se donner bonne conscience, vocifère.
Des chroniqueurs aux politiques, nombreux sont ceux qui élèvent la voix, alors qu’hier ils acquiesçaient lorsque Karim Wade leur expliquait que ses bonus liés à son travail de banquier lui donnaient les moyens de voler en Jet Privé. Mais Bossuet a raison : « Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. » Cette phrase ne pouvait pas mieux décrire ce qu’il se passe actuellement au Sénégal.
Beaucoup des partisans de Wade, qui le taillent aujourd’hui, étaient à ses côtés pendant son règne, et ne pipaient mot sur ses nombreuses dérives. Le pouvoir perdu libère la parole on dirait. La plus éloquente des réactions nous est venue d’un non politique. En effet, Abdoulaye Mbaye Pekh, en se comportant comme il l’a fait, a rehaussé, à l’image d’un Buur Guéweul ( la série TV), le prestige dont jouissait le griot dans notre tradition.
Quant au président Macky Sall, il serait avisé de se concentrer sur son PSE et de sortir le pays de la misère. De bonnes mesures ont été prises pendant son mandat. Baisses des loyers, de l’essence et du gaz, de certaines denrées de premières nécessités ou encore lancement de la bourse familiale.
Toutefois, cela reste insuffisant parce que les emplois ne sont pas créés et surtout, les Sénégalais attendent encore le moment où la patrie passera avant le parti, voire la famille. Si le Président Macky Sall, qui semble obnubilé par un second mandat, ne s’occupe pas des véritables problèmes des populations, le temps long donnera raison tragiquement à Abdoulaye Wade. Dans nos campagnes, on croit encore malheureusement très fortement à ces balivernes sur les origines, et les adversaires n’hésiteront pas à rappeler, avec une dose de populisme sûrement, des termes comme « deuk bi dafa Macky » ou bien « nos équipes nationales ne gagnent plus depuis que Macky est là », etc. Suffisant pour que Wade ait raison. Sous ce rapport, notre cher président n’a qu’une seule carte entre les mains : être au service du peuple… avec sincérité.
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