Rallumer la parole qui nous rassemble

Il est loin, le temps où une parole publique, portée par des voix respectées, nous rappelait sans relâche les liens familiaux entre nos grandes maisons religieuses et coutumières.

Rallumer la parole qui nous rassemble, Information Afrique Kirinapost

Retrouver et préserver les valeurs du Sénégal est possible mais il faut de la rigueur et de l’exigence.

Enfants, nous avons grandi avec ces récits : la parenté entre Tivaouane et Touba.
Le Kólëre entre les Taal et les Sy.
L’amitié rare entre Ceerno Seydu Nuuru et le Cardinal Thiandoum.
Les liens séculaires, bien au-delà du simple cousinage, entre la famille de Sëriñ Abaas Sal de Louga et celle de Nguéniène à Thiès.

Et que dire des Niassène et de Ndiassane ? Leur spiritualité profonde a traversé les frontières les plus improbables, jusqu’au cœur du Fuuta !

Lors des jours de Màggal, de Gàmmu, de Siyaar et des autres célébrations, nous entendions, à la télévision nationale, tel khalife remercier publiquement les autres familles religieuses, citant leurs représentants, mentionnant même le nombre de bœufs, de tonnes de riz et autres présents envoyés.
Ces gestes n’étaient pas anodins : ils rendaient visible une fraternité concrète.

Dans le Rip, on se souvient encore de ce taalibe Laayeen, unique dans tout le département. On l’appelait affectueusement Paa Laayeen. Il n’a jamais connu la stigmatisation. Au contraire : il était porté comme une fierté, une singularité honorée.

Les témoignages du Buur Siin en faveur du Sheikhoul Khadim nous faisaient frissonner. Ils semaient en nous la conviction d’un seul peuple, uni par des valeurs communes. C’est tout ce qui importait.

J’en oublie…

Les noms de famille, autrefois, n’étaient pas des barrières. Les ethnies encore moins. Au contraire : ils servaient d’indices pour retrouver un cousinage, plus efficace que n’importe quelle formule de politesse.

Oui, une parole contraire existait déjà, en sourdine. Elle tentait de se frayer un chemin. Mais jamais elle ne parvenait à briser la dynamique de fraternité dominante.

Aujourd’hui, hélas, cette parole de division a pris de la force. Elle gagne du terrain. Elle menace.

Il est temps de lui opposer à nouveau la parole qui guérit, qui relie, qui élève.

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Auteur et Critique d'Art, Umar Sall est une figure connue du milieu culturel dakarois. Il s'intéresse à la richesse des langues traditionnelles. D'origine Pular, qu'il parle couramment, il a aussi une maitrise bluffante du walaf (À l'ecrit comme à l'orale). Umar Sall a une parfaite connaissance du fait culturel. Dés lors, ses analyses et ses reflexions sont pour le moins attendues. Retrouvez- les sur Kirinapost. À lire : Les Coquillages de la mort" Editions Broché – 2014

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