Figure emblématique de l’histoire politique du Sénégal et grand acteur de la lutte d’indépendance, Valdiodio N’Diaye, mérite toute les attentions. Puissant ministre de l’interieur et éphémère ministre de l’économie, Valdiodio Ndiaye est un des architectes de la réforme administrative du pays après les indépendances. Emprisonné après avoir été accusé à tort, en compagnie de Mamadou Dia, de tentative de coup d’État contre le président Senghor. Sa femme Claire est expulsée du pays avec leurs enfants, laissant Valdiodio derrière elle.
Malgré les conditions difficiles, la famille reste unie et luttent pour faire face à leur séparation. Amina, leur fille, entretient une relation spéciale avec son père grâce à des lettres et des objets. Alors que les preuves de l’innocence de Valdiodio émergent, Amina devenue realisterice, aspire à retrouver son père et à restaurer la justice. En 2025, elle sort Valdiodio, un long métrage de 110 minutes autour de ce personnage charismatique et au destin si tragique. Pour parler de son film, Amina N’Diaye Leclerc s’est prêtée à notre rubrique: Trois questions à…
Amina Ndiaye : «C’est une petite fille de 10 ans ( moi en l’occurence ) qui raconte les évènements qui vont provoquer un tsunami dans la famille.»
Kirinapost: Pourquoi un film sur Valdiodio N’Diaye aujourd’hui ?
Amina N’Diaye Leclerc: J’ai choisi d’écrire sur ce personnage parce que j’ai accès à de nombreux documents le concernant puisque je suis sa fille. Son parcours a été stoppé net par un emprisonnement tout à fait injuste et il fallait que je réponde à un devoir de mémoire. Aujourd’hui les Jeunes ont besoin de repères et j’ai pensé qu’une figure comme la sienne pouvait aider nombre d’entre eux à s’identifier à lui et aux valeurs qui étaient les siennes. Comment affronter l’avenir si l’on a pas connaissance de son passé ? Valdiodio a eu à surmonter de terribles épreuves, il l’a fait sans renoncer à sa dignité, en cela il est un exemple pour tous.
Kirinapost: Valdiodio a eu une vie palpitante, quelle partie de cette vie, aviez-vous envie de mettre en valeur dans le film ? Et pourquoi ?
Amina N’Diaye Leclerc: Valdiodio est celui qui reste pour bon nombre de sénégalais celui qui a affronté le Général de Gaulle le 26 août 1958, celui qui a prononcé un discours mémorable pour demander l’indépendance de son pays. Il fallait beaucoup de courage dans le contexte colonial de cette époque et lui a eu ce courage, il l’a payé très cher. Tout cela je le raconte à travers 2 documentaires, “ Valdiodio N’Diaye l’Indépendance du Sénégal ” et le second, “ Valdiodio N’Diaye un Procès pour l’Histoire ”.
Le 3ème volet c’est une fiction intitulée “ Valdiodio ” qui complète mes films précédents dans la mesure où je présente le personnage Valdiodio en interrogeant mes souvenirs d’enfance. C’est donc une fiction basée sur des faits réels, mais c’est une petite fille de 10 ans ( moi en l’occurence ) qui raconte les évènements qui vont provoquer un tsunami dans la famille. Il s’agit d’injustice mais aussi de résilience. Le public au Festival de Cannes a réagi avec beaucoup d’émotion. Je pense que le spectateur s’est rendu compte que s’agissant d’ injustice, cela peut lui arriver à lui aussi. Ce que j’ai tenu à montrer aussi c’est ce qui s’est passé en prison. Je parle de la prison dans mes documentaires, cela reste malgré tout abstrait mais la montrer provoque une prise de conscience plus forte. Un filme reste toujours en dessous de la réalité mais permet malgré tout de se projeter avec force sur un univers carcéral intolérable. Si cela pouvait pousser les gouvernants à surveiller des pratiques contraires aux droits de l’homme, j’en serais très heureuse… Un film c’est un combat pour plus de justice, plus de fraternité et plus de vérité.
Kirinapost : Après événements de 1962, le monde a su largement qu’il n’y avait jamais eu de coup d’état. Que serait devenu le Sénégal sous Mamadou Dia et Valdiodio ? Beaucoup de gens pensent qu’on aurait pas eu besoin de Jub Jubal Jubbanti aujourd’hui.
Amina N’Diaye Leclerc: Vous me posez une question à laquelle nombre de Sénégalais répondent.
Beaucoup me disent, nous aurions eu une véritable indépendance et à cette époque la confédération était possible et naturelle. N’oublions pas qu’il y avait déjà les structures AOF et AEF. Une afrique unie n’était pas une utopie, réaliser le Etats-Unis d’Afrique aurait permis aux Africains d’avoir un meilleur niveau de vie et surtout les puissances coloniales n’auraient pas pu piller leurs richesses. Au lieu de cela l’Afrique a été divisée, partagée, pillée et maintenue dans un niveau de pauvreté inacceptable. Et surtout le colon a éliminé, assassiné les leaders africains qui avaient un rêve pour maintenir au pouvoirs des tas de marionnettes, au moyens d’élections bidons. Ensuite ils ont proclamé haut et fort que l’Afrique ne s’en sortait pas à cause de ses dirigeants corrompus. À mes yeux le corrupteur est aussi coupable que le corrompu, c’est une gangrène qu’il faut éradiquer et vite. C’est la condition pour que le pays retrouve ses valeurs anciennes basées sur le djom. Valdiodio pensait que l’éducation,la connaissance et la confiance en soi étaient à la base de tout. Pour avoir confiance en soi, dès l’enfance, il ne faut pas évoluer sur un terreau pollué par des discours racistes qui alimentent la haine, comme on le voit ici en France avec le Rassemblement National que je continue à appeler le FN. Je dis aux Jeunes, prenez votre vie en main, réglez vos conflits par le dialogue, non dans la violence. Inspirez-vous de la vie d’un homme comme Valdiodio mais aussi pensez à Gandhi, pensez à Mandela. Ils se sont tous battus pour la paix, sans haine et sans violence. C’est là le message que je souhaite véhiculer à travers mon film.
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