Si vous voulez voir l´inimitable Joseph Boubacar Ndiaye, le défunt conservateur de la maison des esclaves, recevoir Youssou Ndour à Gorée, comme son hôte de marque, comme son pote, comme son propre fils, à qui il témoigne toute sa fierté, à qui il donne sa bénédiction avant de l´envoyer à la conquête du monde ; sur les traces des esclaves noirs et de la musique qu’ils ont inventée : le jazz qui d’ailleurs à part la bombe atomique et le dollar est la seule véritable invention des USA.
le film : « Youssou Ndour Retour à Gorée », du réalisateur suisse Pierre Yves Borgeaud.
Comme si « Pa Jo », disait à Youssou « va, et revient nous avec le meilleur de celles et ceux qui sont passé-e-s par cette porte sans retour et leurs descendant-e-s ont inventé de l´autre côté de l´Atlantique».
Si vous voulez voir Youssou Ndour faire révérence à Amiri Baraka comme un père, comme un chef de village. Si vous voulez voir Amiri et Amina Baraka avec toute l’incandescence de leur verve de militants engagé-e-s pour la cause de noirs, et toute la pertinence de leur verbe de révolutionnaire, accueillir Youssou Ndour chez eux comme leur propre fils.
Si vous voulez savoir quand, pourquoi, et comment Everett LeRoi Jones et Sylvia Robinson sont devenus Amiri et Amina Baraka….
Si vous voulez voir Youssou Ndour chanter son espoir pour les enfants de l’Afrique et du monde avec un groupe de gospel, dans une église, devant un public d´afro-américain-e-s complètement séduit-e-s par sa belle et unique voix.
Si vous voulez savoir comment Moncef Genaud l’un des plus grand jazzmen suisse a fortement contribué à faire de Youssou Ndour un chanteur de jazz….
Si vous voulez voir l’emblématique batteur de jazz Idriss Muhamad accueillir Youssou Ndour dans son fief à la Nouvelle Orléans comme son propre frère, mais exactement avec le même respect et la même affection qu’il a témoigné aux marchandes et marchands de poissons du marché de Soumbédioune à Dakar.
Léo Morris devenu Idriss Muhamed suite à sa conversion á l´Islam dans les années 60, avait dans ses veines du sang de noirs, de blancs et d´indiens. De chaque pore de son corps suintait une humanité qui faisait que forcément Idriss était d´une agréable compagnie. Idriss avait voué sa vie à la prière, même derrière sa batterie il priait. Idriss était un musulman accompli.
Si vous voulez voir Youssou Ndour non pas comme une star planétaire, mais juste, comme un frère (petit ou grand), comme un neveu, comme un pote, comme n´importe qui, qui éventuellement est susceptible d´être dévoré par les moustiques le soir chez lui-même. Si vous voulez voir Youssou Ndour descendre de la chaloupe de Gorée comme des dizaines de quidams chaque jour de l’année. Alors regardez le film : « Youssou Ndour Retour à Gorée », du réalisateur suisse Pierre Yves Borgeaud.
Ce road-movie musical qui montre le périple de Youssou Ndour à travers les USA, en passant par le Luxembourg, est ponctué de séances de répétitions et de préparations de concerts, de discussions et de déclamations de poèmes liées à la question de l’esclavage. Pierre Yves à travers une démarche faite de poésie et d´un souci de pragmatisme et d’efficacité a su bien résumer ce voyage qui a débuté au lieu de la porte du voyage sans retour pour se terminer au même endroit.
La réussite du film à mon sens tient du fait que Pierre Yves est parvenu à filmer Youssou Ndour non pas comme une staaar, mais juste comme un homme complètement accessible. Un homme qui marche seul dans les rues plutôt délabrées de la Nouvelles orléans. Un homme qui arrive à l´aéroport sans être accueilli, sinon que par ses amis. Un homme qui offre avec une certaine sollicitude son épaule á Moncef Genoud (handicapé visuel) pour le guider d´un endroit á un autre. Un homme habillé en survêtement sportif, et assis à même la moquette sans aucun souci de son « Image ».
Heureusement que Pierre Yves a eu cette intelligence. Autrement qui peut être (fusse-t-il Youssou Ndour), une star devant Joseph Ndiaye qui (toujours égal à lui-même) a vu défiler devant lui à la maison des esclaves Georges W Bush, le Pape Jean Paul II, Barack Obama, Bill Clinton, Nelson Mandela, etc… Comment être une start devant Amiri et Amina Baraka, qui jusqu´á leur dernier souffle ont combattu pour un monde plus juste et plus équilibré, en particulier pour des afro-américains ? Comment être une star devant Idriss Muhamed ce digne fils spirituel de l´impérissable Art Blakey ? Idriss qui a accompagné les plus grands jazzmen de son époque Ahmad Jamal, Randy Weston, Pharoah Sanders, Jonnhy Griffin, etc. Pourtant dans le film on voit Idriss qui marche dans les rues de Dakar dans un total anonymat, avec une attitude qui faisait que n’importe qui pouvait l’interpeller et avoir un moment d´échanges avec lui.
Dakar, New-Orléans, Gorée, Jazz
Presque vingt ans après sa sortie (2027), le film n´a pris aucun ride. Nous l´avons vu hier samedi 15 Mars au cinéma city-club de Pully à Lausanne où la culture sénégalaise fut à l´honneur. La projection était suivie d´un concert du groupe Jëf Jël de Thiès qui a livré au public une prestation époustouflante.
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