Amadou Moustapha Dieng: « Lorsque j’ai amené l’ouvrage sur Serigne Saliou à Serigne Mountakha, j’ai parlé à un homme épris de sciences »

Les auditeurs de Sud FM reconnaissent sa voix entrainante. Il est avec, le doyen Baba Diop, le monsieur culture de la 98.5. Amadou Moustapha Dieng, journaliste et doctorant en sociologue distille l’information des arts et de la culture avec élégance et subtilité. Pris très tôt dans le filet de la littérature alors qu’il est au lycée Blaise Diagne, l’enfant de Grand Yoff fréquente dès son adolescence la bibliothèque de l’Institut Français de Dakar. Plus tard, il deviendra journaliste mais aussi sociologue précisément chercheur en philanthropie religieuse. Tout ce parcours le conduit naturellement vers l’écriture. Son recueil de poèmes : ”Serigne Saliou, le regard de la miséricorde” son quatrième ouvrage est sorti en juin dernier. Il est consacré au cinquième khalife général des mourides. À la veille du Magal 2024, nous avons rencontré le journaliste passionné, mais aussi le chercheur et… le talibé. 

Kirinapost : Tu viens de publier ton premier livre sur ton guide religieux. C’est le journaliste, le sociologue ou le talibé qui l’a écrit ?

Amadou Moustapha Dieng : Je dirai le talibé mouride. Ce n’est même pas un livre mais plutôt comme une œuvre au service de mon guide. J’ai voulu raconter mon expérience avec Serigne Saliou. Je l’ai rencontré lorsque j’étais au lycée Blaise Diagne. Nous étions allés à Xelcom en pèlerinage et ce jour j’ai eu la perspicacité malgré la foule nombreuse de me faufiler et de me retrouver dans sa sainte proximité et son regard m’a marqué. Bien sûr, mon coté journaliste et sociologue en herbe m’ont beaucoup aidé dans la recherche et l’écriture du livre. Ce n’est pas que de la poésie, il y a des références historiques, des lieux, des moments et cela demande un travail rigoureux. Je pense aussi qu’au de là du talibé mouride, je voulais rendre hommage à un illustre personnage du Sénégal. Surtout faire ressortir le fait que tout le monde a une part de Serigne Saliou, mouride ou non mouride.

Kirinapost : Si tu dois retenir qu’une seule chose de Serigne Saliou ?

Amadou Moustapha Dieng : Sans hésitation son regard. Ce n’est pas par hasard que le livre s’intitule : regard de la miséricorde. C’est ce que j’ai retenu de notre première rencontre à Xelcom puisque j’étais assis devant lui. Ce regard m’a toujours fasciné et accompagné depuis lors. Ce regard nous invite à avoir plus de compassion et d’empathie.

Kirinapost : Tu as reçu le prix spécial radio de l’édition 2024 du « Grand Prix francophilie des médias ». Le regard de Serigne Saliou te poursuit on dirait ? Comment as-tu accueilli ce prix ?

Amadou Moustapha Dieng : Absolument…ses prières et son regard de miséricorde nous accompagnent et ne cessent de nous combler de grâces. Le concours était très serré une vingtaine de journalistes, peut-être plus calés et connus que moi, ce n’était pas évident. C’est pourquoi ce prix, je l’ai accueilli avec beaucoup de joie et avec une grande reconnaissance envers feu Lamine Touré mon formateur en radio au CESTI. Sans lui, sans doute, je n’aurai pas eu ce prix puisque la plupart des techniques que j’utilise dans mes reportages, proviennent de ses enseignements. Toutefois je regrette le fait de n’avoir pas eu l’occasion d’assister au festival au Cameroun et ceci malgré mes sollicitations à la tutelle. La culture et le journalisme cultuelle doivent être mieux et plus considérés dans ce pays qu’est le Sénégal. C’est la culture notre premier bien et notre première souveraineté, notre première étoile, alors cela me fait mal de constater comment elle est rétrogradée et phagocytée par le sport dans ce nouveau gouvernent. Attention la culture est jalouse et subversive… à bon entendeur salut !

« Le Jub, Jubal, Jubanti, les journées Set-Setal et la promotion de la bonne gouvernance, toutes ces initiatives doivent être sous-tendues et soutenues par la culture et le patrimoine »

Kirinapost : Justement, en tant que journaliste culturel, comment se comporte le secteur ? Tu as l’air de vouloir faire un plaidoyer ?

Amadou Moustapha Diop : Oui, nous sommes au delà de notre profession de journaliste culturel des acteurs aussi du monde de la culture et à ce titre nous nous devons d’attirer l’attention en bon membre de la société civile culturelle Force est de constater que le secteur de la culture étouffe du fait de son alliance avec le sport. Beaucoup d’acteurs murmurent et râlent et ce n’est pas bon pour ce secteur stratégique. Oui la culture comme le dit mon mentor en poésie devrait même être érigé en ministère d’État ou à défaut rattaché au département de l’économie et des finances. Je ne critique pas c’est peut-être trop tôt mais j’alerte et je tire la sonnette d’alarme, n’abandonnons pas n’avançons pas sans la culture elle doit aussi faire partie intégrante du Projet, mieux elle même être la base du projet. Tu as vu le slogan Jub, Jubal, Jubanti, les journées Set-Setal et cette promotion de la bonne gouvernance, toutes ces initiatives doivent être sous-tendues et soutenues par de la culture et du patrimoine afin de mieux les pérenniser et d’en faire des valeurs de ce nouveaux système politique. La rupture n’est pas la fin de la culture sinon ce serait de la fracture. Il ne faut pas faire l’erreur de se dire oui après j’aurai le temps pour régler la culture, non, la culture doit aussi être une priorité. Il faut intégrer et bâtir le projet avec sa bonne dose culturelle car après ça sera le ciment qui va faire tenir le bâtiment socio économique du Sénégal prospère et souverain.

Kirinapost : À propos de la valorisation de la culture et du patrimoine, c’est ton reportage sur le tissu Batik qui a été primé….

Amadou Moustapha Dieng : Oui en effet, c’est mon reportage sur le batik qui a été primé. Je l’avais réalisé en interrogeant Joe Mansour un grand spécialiste du batik qui vit à Thiès. Nous avions parlé de la conception du tissu, de sa commercialisation et aussi de son aspect mystique.

Un excellent reportage, fait sentir, voir, entendre, fait vivre à l’auditeur la globalité de l’instant

Kirinapost : C’est quoi pour toi un excellent reportage radio ?

Amadou Moustapha Dieng : Un excellent reportage, peu importe le sujet, est celui qui te fait vivre le moment magique radiophonique de l’écoute totale, qui fait sentir, voir, entendre, bref vivre à l’auditeur la globalité de l’instant. Tout doit se passer comme si l’auditeur était sur les lieux du reportage et voyait tout et sentait tout. Une fois, j’avais fais un reportage sur les jeux de hasard. Comment les parieurs jouent, gagnent, perdent, ou encore deviennent accros.  À la fin du reportage, Lamine Touré m’a dit : « je n’ai pas entendu les cris des perdants »…c’est vous dire…

Kirinapost : Qu’est-ce-qui t’a amené à faire de la radio ?

Amadou Moustapha Dieng : En fait, dans mon enfance, j’avais des amis qui avaient des grands frères et oncles journalistes. J’allais chez eux et j’étais fasciné par ces « grands ». Leur univers me plaisait. Dès cette période, le journalisme m’a attiré. J’ai commencé à faire plus attention aux émissions culturelles par exemple notamment celle de Sada Kane. Plus tard, lorsque j’étais au département d’anglais, moi qui suis féru de radio, je trouvais que la radio communautaire de mon quartier Grand Yoff, Afia FM, faisait du bon travail mais qu’il manquait d’émission culturelle. Alors, je leur avais proposé une émission culturelle intitulée “Berger des Muses” (qui existe encore) qui fut acceptée par le Directeur de l’époque Feu Souleymane Ba paix à son âme et c’est comme cela que j’ai démarré. J’ai découvert ainsi l’univers de la radio et du journalisme en invitant beaucoup d’auteurs. Par la suite j’ai obtenu une bourse de formation et je suis allé au CESTI.

Kirinapost : Comment tu as atterri à Sud FM ?

Amadou Moustapha Dieng : Après ma formation au CESTI, je devais faire un stage en radio. Au départ, je devais l’effectuer à RFM, mais le destin a des voies insoupçonnées finalement je débarque à Sud. Je côtoie de grands noms comme Niaya Diop, BAYE Omar Gueye, Thiaré etc… mais à la fin de mon stage je retourne à Afia FM. Le 4 avril 2012, je vais couvrir le défilé à la place de la Nation et je croise les anciens collègues de Sud FM qui me demandent de revenir tant j’avais laissé de bons souvenirs. L’idée m’a tenté et j’ai sauté le pas. J’ai rencontré Oumar Diouf Fall alors Directeur Général et Baye Oumar Gueye à l’époque rédacteur en chef qui m’ont pris en stage. Un essai qui fut concluant car avant même la fin de celui-ci, ils avaient décidé de me garder. J’avais, selon eux, épousé l’esprit Sud fait de professionnalisme et de responsabilité.

Nous limitons souvent nos guides religieux à la prière et au chapelet alors qu’ils ont une connaissance profonde du monde et une dimension intellectuelle insoupçonnée

Kirinapost : Quels sont les personnages qui t’ont marqué dans les médias ?

Amadou Moustapha Dieng: Naturellement Lamine Touré du CESTI pour m’avoir appris les rudiments de la radio. J’aime bien aussi Sada Kane aussi pour sa manière de poser des questions. Il y a un troisième : Souleymane Ndiaye ancien journaliste à la RTS et aussi Macoumba Mbodji et Baye Omar Gueye.

Kirinapost : Si tu avais le choix de faire un reportage exclusif. Sur quoi tu le ferais ? Et pourquoi ?

Amadou Moustapha Dieng : Ça serait alors un reportage sur Touba Ça Kanam, dans le cadre de ma thèse de doctorat sur la philanthropie religieuse. J’aurai l’occasion de le réaliser un jour.

 Kirinapost : Et pour un entretien exclusif ? Quelle personnalité ?

Amadou Moustapha Dieng : Je suis tenté de dire : Avec Serigne Mountakha Mbacké actuel Khalife général des mourides. C’est un homme fascinant et multidimensionnel. Lorsque je lui ai amené l’ouvrage sur Serigne Saliou, j’ai eu le privilège de parler à un homme épris de sciences et amoureux de la connaissance. Il a tenu le livre fermement pendant toute notre discussion. Cette dimension m’intéresse beaucoup chez nos hommes de Dieu. Nous les limitons trop souvent à la prière et au chapelet alors qu’ils ont une connaissance profonde du monde qui les entoure et une dimension intellectuelle insoupçonnée. Le journaliste doit davantage s’intéresser, à mon avis, à cette dimension de nos guides religieux. Je rêve d’avoir un entretien avec ce Grand Khalife.

 

Amadou Moustapha Dieng: « Lorsque j’ai amené l’ouvrage sur Serigne Saliou à Serigne Mountakha, j’ai parlé à un homme épris de sciences », Information Afrique Kirinapost

« Serigne Saliou, le regard de la miséricorde” aux Nouvelles Éditions Africaines du Sénégal (NEAS)

Où trouver le livre : NEAS

Librairie Harmattan

Librairie 4 Vents

Librairie Moukhat

Librairie en face Mosquée Massalikoul jinan

Et Radio Sud FM Dakar

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