Ras-le-bol des dirigeants politiques malentendants: faire de l’écoute un acte politique fondateur. « L’ État est le plus froid des monstres froids » disait Nietzsche. Il ment froidement. Et voici le mensonge qui s’échappe de sa bouche : « Moi l’Etat, je suis le peuple. » Mettons le pied a l’étrier avec cette vieille rengaine : le peuple n’est là que pour nourrir le roi et ses sujets très proches, et on doit surtout ne rien dire. Donc, si nous ne disons rien, le roi n’a rien entendu. Serait-on sans en être conscient dans un pays de blasés, de muets et de malentendants?
Il est vrai que les sénégalais sont écoutés comme dans tous les pays démocratiques. Ils ont le droit d’élire leurs dirigeants. Ce qu’ils oublient, c’est qu’ils sont obligés de respecter la loi du vainqueur pendant toute la durée de son mandat, n’est-ce pas vrai ?
Le peuple a des droits que les politiques bafouent sans état d’âme. Il est tout de même très écouté.
La preuve : il n’y a jamais eu autant d’écoutes téléphoniques qu’aujourd’hui. Et parlons de cette société civile, que reste t-il de ses prérogatives de contre-pouvoir?
Mais, faut-il pour autant que la société civile soit incapable de se faire entendre ? Pour l’instant, elle semble faible, peu audible et si peu écoutée. Il est vrai que certains de ses «corps intermédiaires» peuvent donner l’image de l’archaïsme, ou d’une rigidité qui risque d’entraîner les acteurs dans des combats sans issue.
Le choc des temporalités
Il ressort de ces exemples que le système démocratique actuel, basé sur la victoire de la majorité, crée des frustrations. Cette lacune fondamentale de la démocratie rappelle qu’elle ne fait pas le bonheur de tout le monde, qu’elle ne peut écouter tout le monde. À la lumière de ce constat, il apparaît évident que la population a le droit de contester le gouvernement élu par la majorité – deuxième idée sur laquelle on s’accorde aisément. Généralement, il y a contestation quand on n’est pas d’accord avec les décisions des dirigeants. Cependant, ce droit de contester ne signifie malheureusement pas qu’on soit entendu par le pouvoir. Quand il y a litige, l’idée du dialogue veut que toutes les parties soient entendues et écoutées. Mais dans le système démocratique, il n’existe que deux solutions : être pour ou contre ; d’où la nécessité de trouver des solutions concrètes à cette lacune de la démocratie.
Le leader politique, une fois au pinacle, doit- suivre le peuple ou le guider ?
Le choix oscille entre la grandeur et le cynisme. La vérité est, semblerait-il entre les deux car la multiplication des sources d’information et des réseaux fait évoluer l’opinion de l’obéissance citoyenne à l’acceptation sociale.
Aucune décision ne pourra désormais durablement s’imposer si les enjeux ne sont pas appropriés par l’opinion et les débats suffisamment riches et participatifs. L’important est de construire un rapport de forces favorable, mais aussi et surtout une crédibilité dans un choix qui assure le respect des minorités et apporte de la clarté dans les raisons et les conséquences des décisions arrêtées. Or il ne suffit plus de gérer les raisons mais aussi les émotions.
Ceci provoque un choc de temporalités et un conflit entre l’urgence qui impose une réaction ou une attention rapide du décideur et le temps nécessaire à une co-construction. Toute cette rhétorique pour dire que nous attendons encore l’émergence du leader nouveau, notre Messi de la politique.
À la recherche du dirigeant qui écoute
Après des décennies de surdité chronique, nous voudrions désormais un dirigeant qui écoute. Tout. Même parfois ce qu’il ne devrait pas entendre. Mais, écouter c’est accepter d’entendre. On le veut volontaire et obstiné même quand il trouve le temps de faire son travail de commandant des troupes, c’est-à-dire diriger, animer, motiver ses collaborateurs, mobiliser ses troupes, fidéliser ses meilleurs éléments, montrer l’exemple. À se demander même si l’obligation nouvelle de concertation, de médiation, voire de pacification, ne paralyse pas son sens inné du discernement et n’inhibe pas son sens acquis de l’appréciation.
L’action est-elle toujours au bout de la réflexion ? Rien n’est moins sûr ! Peu importe, nous le voulons en Divinité Shiva, engageant, engagé, hyper cérébral et multitâche…
Écouter les revendications, les récriminations, les requêtes, les demandes légitimes et injustifiées, les réclamations. Écouter les râleurs, les emmerdeurs, les contestataires, les opposants, les protestataires, les contradicteurs, les frondeurs, ceux qui ont quelque chose à dire et ceux qui n’ont pas grand-chose à exprimer. C’est leur triste lot. Ce n’est pas une sinécure mais, c’est son job !
À quoi peut bien servir l’écoute ?
À montrer qu’on est un Président capable et responsable, doté d’une attitude ouverte, compréhensive et attentive, ce qui permet de légitimer plus facilement sa fonction et de ne pas être remis en question toutes les cinq minutes. Un leader qui même si à force d’écouter, en arriverait même à oublier la principale raison de l’écoute : amasser un maximum d’informations, en faire une analyse, puis une synthèse et tirer les enseignements de cette information récoltée afin de prendre des décisions en toute connaissance de causes et d’effets. Écouter et décider, c’est le choix inévitable. Car, écouter est une occupation chronophage dont il faut savoir tirer bénéfices et avantages quitte à en avoir des oreillons…
Il faut écouter ce que dit l’acteur en question mais aussi ce qu’il ne dit pas ou ce qu’il n’arrive pas à exprimer avec des mots. Ses non-dits seraient aussi importants que ses dits. Sans parler de la communication non verbale et de la morphopsychologie. Certains affidés du Chef nous rétorqueraient aisément : » comment voulez-vous que le dirigeant ait le temps de penser au changement alors qu’il doit se transformer lui-même en nounou, en assistante sociale, en psychologue et en oto-rhino-laryngologiste, spécialisé dans les troubles auditifs lourds ? »
Nous exigeons puisque cela fait partie du pacte social, un dirigeant en alerte permanente, comme les Sioux, l’oreille collée à la piste, à l’écoute du terrain. Il s’agit de cultiver l’expertise opérationnelle.
Portrait du leadership politique que nous désirons
A la fois responsable et responsabilisant, humble et empathique, un leader est porteur de sens et de valeurs capable de s’adapter de manière permanente et être lui-même acteur du changement, capable aussi de mobiliser les énergies même à distance. Il puise son pouvoir, non pas de ses attributs de position et de statut, mais de sa capacité à créer de la valeur directement utile pour les populations en les aidant à surmonter les obstacles.
Cette posture mobilise des compétences d’écoute, de soutien, de prise de recul, de vision globale et systémique des situations. Et à toutes les échelles, le jambaar dont nous rêvons est un manager ‘post-héroïque’ qui ne joue pas au général ou au lieutenant-colonel à la tête de ses troupes. Il est sur le terrain, au service de ses équipes, animé d’une passion: réussir à faire réussir.
‘Donner pour recevoir’ plutôt que ‘commander puis contrôler’ devient le premier levier de légitimité.
En cas de crise, les leaders résilients sont définis d’abord par qui ils sont, puis par les gestes qu’ils posent. Avec précision et détermination, les plus résilients d’entre eux se concentrent d’abord sur la mission immédiate. Après avoir stabilisé la situation en amont,
Après avoir stabilisé la situation en prenant des mesures décisives, ils privilégient la rapidité au détriment de la finesse. Et ainsi, ils incarnent le style de leadership et la vision que le contexte exige, en formulant un argumentaire clair sur la voie à suivre et en adoptant une perspective à long terme. Même dans les moments de désarroi, les leaders résilients ne perdent jamais de vue les occasions qui se profilent à l’horizon.
De la nécessité pour le pouvoir d’avoir des interlocuteurs force de propositions et de changement.
Force est pour nous également d’élever le débat au niveau des vrais problèmes.
Le leader doit avoir en face de lui des élites politiques et intellectuelles dont la vocation est de penser et d’opérer les changements dans nos sociétés, c’est-à-dire de donner aux problèmes politiques des solutions politiques. Pour ce faire, nous devons pouvoir surmonter le désespoir que le comportement de certains dirigeants suscite parfois en nous. C’est pourquoi il nous faut non seulement pouvoir poser les problèmes dans toute leur complexité et leur étendue, mais également savoir nous adapter à une nouvelle attitude d’esprit dans l’examen de nos problèmes et l’interprétation des lois qui régissent le monde. À partir du moment où les problèmes sont correctement posés, la situation nous impose d’affronter la réalité dans son extrême complexité. Le lien politique doit donc s’instaurer en relation avec tous les acteurs, dans une communauté transversale, autour d’un espace de visibilité, et se renforcer par un dialogue continu, à l’œuvre aussi bien dans la réflexion politique que dans la mise en pratique quotidienne des normes.
À force d’intelligence, de ténacité, de courage, d’imagination et de générosité, nous devons parvenir graduellement à contrôler, maîtriser la situation et conjurer la montée des périls et mettre notre pays sur la véritable voie de l’émergence au service d’un développement équitable, durable et inclusif.
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