Kabasele et le Carrefour African Jazz

Le 11 février 1983, Joseph Kabasele s’éteignait à Paris. L’un des pères fondateurs de la rumba congolaise, leader de l’African Jazz, a laissé un immense héritage, que José Nzolani replace dans l’histoire du Congo au fil de son livre : Carrefour African Jazz. Interview. Source: Vladimir Cagnolari pour pan-african-music.com

José Nzolani est un chercheur fondamental. Passionné d’histoire et de musique, il a décidé de les approfondir ensemble, tant la musique et la chanson en Afrique, et singulièrement au Congo, font depuis toujours la chronique des évènements. Son livre, Carrefour African Jazz, revient sur l’histoire du Congo (RDC) et sur les musiques qui l’ont accompagnée. Forcément, l’African Jazz de Kabasele y occupe une place de choix, puisque l’orchestre est né dans l’ébullition sociale, politique et culturelle précédant l’indépendance, et qu’il posa les fondations de la musique qui pendant 50 ans fut la plus populaire du continent africain, la rumba congolaise. PAM l’a contacté pour évoquer la figure de Joseph Kabasele, alias Grand Kallé, qui inspira le titre donné à son ouvrage : Carrefour African Jazz. Une somme historique précieuse car soigneusement documentée, qui contient également les traductions d’un vingtaine de chansons bien choisies. Allo José ?

Pourquoi Joseph Kabasele (1930-1983) est-il à ce point une figure cardinale de la musique congolaise ?

Tu parles de cardinal… Kabasele justement est le neveu du cardinal Albert Malula, le premier grand évêque africain. Pour faire bref, Kabasele c’est le père de la musique congolaise, c’est lui qui est à la jonction entre les musiques traditionnelles et modernes, c’est lui qui a découvert un grand nombre d’artistes qui sont à leur tour devenu des grands (RochereauManu Dibango, Pepe Kalle…), et c’est aussi le premier qui a compris qu’il fallait que les artistes prennent leur destin en main en devenant éditeur-distributeur, quand il a créé son propre label, Surboum African Jazz, en 1961. Il a fait entrer la musique congolaise dans la modernité, en faisant le lien entre les musiques noires de chaque bord de l’Atlantique. Il avait une vision internationale de la musique. Et comme Radio Congo belge avait un émetteur très puissant, la rumba du Congo a été bien plus connue que d’autres musiques, celle de Kallé et l’African Jazz en particulier, dont l’aura a été énorme quand est sorti l’« Indépendance Cha Cha ».

José, PAM a choisi cinq titres de Kallé et l’African Jazz, pour que vous nous les commentiez. On commence par…

« Parafifi »

« Parafifi » : ce titre, c’est la contraction de deux noms. Paraiso et Felicité (dont le diminitif est « Fifi »). Felicité Safouessi était une speakerine à la Radio Brazzaville, et Kabasele l’aimait beaucoup : il était sans doute tombé sous son charme, mais malheureusement elle n’était pas libre, elle avait un amant qui s’appelait Paraiso. Alors pour conquérir le cœur de cette fille, il lui a dédié la chanson dont on se demande si elle n’est pas une sorte de drague en direct. « Félicité, sublime beauté de notre époque. Tu as perturbé la vie d’ici (…) Ah ton visage, ma grande, me rend fou/ah tes dents, maman, sont de véritables diamants. » Moi je n’étais pas né à cette époque, mais je sais que Félicité et Kabasele se sont rapprochés.

« Indépendance Cha Cha »

« Indépendance Cha Cha », beaucoup croient que cette chanson a été écrite pour célébrer l’indépendance du Congo. En réalité, elle précède de six mois l’indépendance, car elle a été composée à Bruxelles pour célébrer la victoire du Front Commun. Le Front Commun, cité dans la chanson, qu’est-ce que c’est ? La conférence de la table ronde a commencé le 20 janvier 1960 à Bruxelles, mais deux jours avant, sous l’impulsion des étudiants congolais de Bruxelles, les délégués congolais se sont retrouvés au siège de l’Association les Amis de Présence Africaine et là Marcel Liahu et Thomas Kanza ont demandé aux délégués de taire leur querelles pour faire l’union nationale et se battre pour l’indépendance du Congo. C’est donc là qu’est né le Front Commun, présidé par Joseph Kasavubu (le futur président du pays) et dont le porte-parole était Jean Bolikango, un ancien maître de Kabasele à l’école St Joseph de Kinshasa. Et c’est le 27 janvier, quand Lumumba a rejoint la conférence, que Jean Bolikango a imposé la date du 30 juin comme jour de la proclamation. Le soir même, on a joué la chanson « Indépendance Cha Cha ». Elle célèbre donc la victoire du Front Commun, en citant ses membres : Bolikango, Kasavubu, Lumumba, et Kalonji… Et bien sûr il y a eu avant la chanson « Table Ronde », qui a été crée avant, et celle-ci cite aussi les négociateurs belges. La Suite Ici: https://pan-african-music.com/kabasele

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