Comment les citoyens peuvent-ils accorder leur confiance aux médias si aucune règle claire n’empêche un actionnaire d’interférer dans le fonctionnement des rédactions ou de faire licencier un journaliste qui lui déplaît ? Doit-on se satisfaire d’une situation dans laquelle une poignée d’industriels possèdent la quasi-totalité des médias, limitant le pluralisme d’opinions et appauvrissant d’autant le débat public ? Est-il acceptable que les journalistes ne soient pas consultés lorsque leur titre est vendu à tel ou tel « mécène » ? Ces questions ont interpellé l’économiste Julia Cagé et l’avocat Benoît Huet et elles sont au coeur de leur ouvrage : « L’Information est un bien public. Refonder la propriété des médias » aux Editions Seuil. Source: Le Monde & fabula.org.
Lucides, les auteurs posent des questions cruciales – sur l’avenir probable d’une presse pour citoyens aisés, par exemple. Méticuleux, ils comparent les avantages et les inconvénients des différentes façons de sanctuariser le capital des entreprises concernées, auscultent tout ce qui garantit ou corrode les principes d’indépendance. Leur examen quasi exhaustif de la situation entraîne prestement le lecteur au cinquième et dernier chapitre, celui qui justifie l’ouvrage : la proposition d’une « loi de démocratisation de l’information ».
« Demain, il sera trop tard. » Dès la première phrase de leur ouvrage, Julia Cagé et Benoît Huet installent un sentiment d’urgence que deux cent cinquante pages denses et techniques, mais toujours parfaitement accessibles, ne freinent jamais. Au contraire même, tant les auteurs en appellent à un sursaut rapide, un refus immédiat de « la voie de la lâcheté comme celle du silence » : il est « encore temps de se battre », disent-ils, pour « des médias indépendants et de qualité ».
Au contraire même, tant les auteurs en appellent à un sursaut rapide, un refus immédiat de « la voie de la lâcheté comme celle du silence » : il est « encore temps de se battre », disent-ils, pour « des médias indépendants et de qualité ». Ce livre vise à armer les citoyens, les journalistes et les régulateurs en faisant toute la lumière sur les différentes formes de propriété des médias et les limites des régulations existantes. Il ne s’agit pas de questions techniques, mais des fondamentaux d’un débat démocratique éclairé.
Professeure d’économie à Sciences Po Paris, Julia Cagé mène ce combat de la probité de l’information et de la liberté des médias, à ses yeux conditionnées à l’identité de ceux qui les détiennent, sur tous les fronts qu’il lui est possible d’arpenter. Aux côtés des journalistes de Science & Vie, quand la rédaction du mensuel, propriété de Reworld Media, sonnait cet hiver l’alarme sur son sort bientôt scellé. A la tête de la Société des lecteurs du Monde et de l’association Un bout du Monde, qu’elle a créée à l’automne et qui ambitionne de jouer un rôle dans la gouvernance du fonds de dotation destiné à garantir l’indépendance du Groupe Le Monde. Ici, accompagnée de l’avocat et enseignant Benoît Huet, l’universitaire fouille les constats qui fondent sa conviction – avec respect et reconnaissance envers le métier d’informer et sa fonction démocratique – qu’à l’heure du complotisme et des vérités relatives on avait perdu l’habitude de lire.
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