Décès de Pathé Diagne: Un immense penseur et historien des civilisations tire sa révérence

Le linguiste-éditeur et économiste sénégalais Pathé Diagne est décédé mercredi, à Dakar, à l’âge de 89 ans. C’est une bien triste nouvelle. Pathé Diagne était un brillant intellectuel et un immense penseur. Un savant généreux de son savoir et qui a été au coeur de tous les grands débats de son temps. 

Pathé Diagne vient de tirer sa révérence. C’est une immense perte pour le Sénégal.Avec sa disparition, Saint-Louis sa ville natale et l’Afrique perdent un de leurs plus dignes fils.

Son immense travail sur la découverte de l’Amérique par l’empereur Bakary 2 et non pas par Cristophe Colomb comme c’était préalablement admis, est un apport inestimable à la recherche et à l’histoire. Il a voulu ainsi démontrer que la navigation transatlantique se pratiquait à partir de l’Afrique et de l’Europe bien avant le navigateur génois. Le savant avait identifié le trajet de l’empereur malien et voulait reconstruire le fameux voyage au cours duquel, l’Amérique fut découverte.

Linguiste qui parlait l’arabe et qui avait étudié plusieurs langues africaines, il est l’auteur de plusieurs ouvrages  dont une traduction du Coran en langue wolof. Pathé Diagne militait en faveur d’un Islam africain, afin que l’on ne confonde pas culture arabe et islam. Cet historien des civilisations était le défenseur d’une Afrique polyglotte et pluriculturelle. Un véritable chantre de la diversité.

Né le 7 janvier 1934, dans une grande famille d’érudits et de sachants, Pathé Diagne a fait ses études au lycée Faidherbe avant de préparer une licence de droit et une licence de lettres à l’université de Dakar. En 1965, il soutint à Paris une thèse préparée sous la direction du professeur Maurice Byé. Cette thèse portait sur « l’intégration économique en Afrique occidentale ».

Pathé Diagne a travaillé sur « l’adaptation des langues africaines à la modernité » et a publié en 1960 le premier ouvrage de grammaire générative en français. Auteur prolifique, il a écrit entre autres: « L’Islam africain face à la Sharia oritentale », « Bakari II (1312) et Cristoph Colomb (1492) À la rencontre de Tarana ou de l’Amérique »,  » De la république de Felix Eboué à la Francafrique de Charles de Gaulle »,  « L’Afrique enjeu de l’histoire » » Tarana ou l’Amérique précolombienne »,  » Cheikh Anta Diop et l’Afrique dans l’histoire du monde ». La liste n’est pas exhaustive. Amoureux des livres et de la recherche, il avait fondé les éditions Sankoré et oeuvrait inlassablement pour une Afrique souveraine et décomplexée.

Dans un article paru dans le journal Le Monde en 1969, Diagne raconte qu’il s’est spécialisé et s’est fixé sur linguistique, après avoir goûté successivement à l’économie politique, à la sociologie et à l’ethnologie. Il a été un des plus farouches contradicteurs de Senghor et de la négritude. Le chercheur avait d’ailleurs consacré en 2006 un ouvrage à l’ancien président du Sénégal aux éditions Harmattan: « Leopold Senghor ou la négritude servante de la francophonie au festival panafricain d’Alger ».

Le journaliste Mademba Ndiaye, par ailleurs neveu du défunt rappelle que son oncle a « organisé le fameux colloque qui a permis au savant Cheikh Anta Diop, un des ses compagnons de route (avec le cinéaste Ousmane Sembene), pendant des nuits, d’exposer sa pensée à l’Université de Dakar » en 1982.

Après le colloque du Caire de 1974, ce symposium à l’initiative des éditions Sankoré est considéré comme l’une des rares occasions qui s’offraient à l’égyptologue Sénégalais pour répondre en profondeur sur l’ensemble de son œuvre devant des universitaires.

Pathé Diagne restera comme un des auteurs majeurs pour tout panafricaniste qui aimerait mieux connaitre la place et le rôle de l’Afrique dans le monde. Il part dans une période où le continent commence à s’affirmer tel qu’il l’a toujours souhaité, c’est-à-dire, en revendiquant son originalité, son indépendance et sa souveraineté. Sous ce rapport, le monde n’a pas fini d’entendre le nom de Pathé Diagne. Sa vie et son oeuvre continueront d’inspirer tout le continent.Toutes nos condoléances, nos pensées et nos prières à l’endroit de sa famille, ses enfants et de son épouse éplorée la sociologue Fatou Sow, chercheuse à l’IFAN et l’une des premières étudiantes de l’Université de Dakar, devenue l’université Cheikh Anta Diop.

Share

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *