TANGANA SUR TEFES:Quand la marche devient littérature et celle-ci Nature (1)

Alassane K. Kitane. Penser avec ses yeux et ses oreilles, voir avec ses pieds et ses mains : voilà la prouesse accomplie par l’auteur de TANGANA SUR TEFES. En lisant Abdourahmane Ngaïdé, on est tenté de forcer le néologisme « littémarchure » tellement la marche et l’écriture sont ici imbriquées dans un conditionnement et une inspiration réciproques.

Il écrit comme il marche et marche effectivement comme il écrit. Marcher pour voir et entendre ; penser tout ce que l’on sent, de sorte que le réel devienne verbe et le verbe réel incarné. Lisez TANGANA SUR TEFES ou suivez Ngaïdé sur Facebook et vous comprendrez que le verbe est partout et il ne pouvait en être autrement puisqu’au commencement « fut le logos ». Heureux sont ceux qui, comme Ngaïdé, savent entendre les images, voir les sons, toucher l’invisible pour saisir le sens partout.

La pensée et le mouvement ou plus exactement la pensée par le mouvement, telle est la démarche innovatrice de l’auteur de TANGANA SUR TEFES. Ngaïdé a réussi à dompter les tics pour qu’elles se mettent au service de la pensée au lieu d’être, comme cela arrive malheureusement très souvent, une espèce de ciguë pour l’esprit. Ngaïdé est un intellectuel qui a compris que tout communique et qu’on peut communiquer par tout ce qui existe. Et ce, non pas seulement parce qu’au commencement fut le logos, mais parce que la nature est, pour paraphraser Baudelaire, « comme un dictionnaire ». Savants et artistes sont les seuls qui savent cette profonde vérité ; c’est pourquoi ils sont l’espoir du monde.

En lisant TANGANA SUR TEFES, on découvre toute la vérité cachée derrière la magnificence de la formule du peintre et philosophe suisse, Paul Klee : « le dialogue avec la nature reste pour l’artiste une condition sine qua non ». Oui la nature nous parle, elle nous supplie de l’entendre, de commercer de façon humaine, c’est-à-dire ici naturelle, avec elle. Elle implore notre attention dans toutes les acceptions de ce terme, mais la vitesse, la recherche du profit et le divertissement à plein régime, nous empêchent d’entendre son oraison. Des gémissements par-ci, des scènes de joie par-là, des questionnements là-bas : les couleurs du réel sont des mots et des actes qu’il convient de décoder. Et c’est exactement ce à quoi s’attèle Adbourahmane Ngaïdé dans chaque phrase de son texte.

Les artistes sont, pour l’homme ordinaire, comme des lunettes : ils voient et montrent ce que nous n’aurions jamais vu sans eux. Aimez l’art et les artistes et vous n’aurez plus besoin de psychologue, car l’art est en lui-même une profonde sémiologie. La description à la fois photographique et éloquente que permettent les procédés artistiques est très précieuse surtout à une époque où tout semble se perdre dans la course effrénée vers l’acquisition de biens matériels. Si les mots blessent, alors ils peuvent soigner « TANGANA SUR TEFES » n’est pas seulement une création artistique, c’est une thérapie pour une société perdue dans ses contradictions matérialistes au point de ne plus respecter la nature et, donc l’homme. Je voudrais ici vous filer un secret qui vous permettra de mieux cerner la portée de toute œuvre artistique et, par conséquent, de TANGANA SUR TEFES : chaque blessure de la nature est une plaie béante pour l’humanité. Ainsi vous comprendrez que le langage artistique est avant tout un pansement pour les blessures de notre trop fragile humanité.

Alassane K. Kitane est Professeur de philosophie au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès

Source: Xalima

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