Nafeez Ahmed : « Le rapport du GIEC doit nous convaincre de transformer radicalement notre économie. »

Les bouleversements à venir finiront par détruire les emplois traditionnels dans les secteurs dominants des combustibles fossiles, des moteurs à combustion et de l’élevage intensif. Source : Vice, Nafeez Ahmed avec le site Les-Crises

Pour éviter le pire compte tenu des effets désastreux du changement climatique, l’humanité doit impérativement réduire ses émissions de carbone et éliminer celui-ci de l’atmosphère à un rythme et à une échelle souvent décrits comme excessivement compliqués, coûteux, voire improbables, compte tenu de l’absence persistante de volonté politique. C’est ce qu’implique le rapport du GIEC, publié cette semaine, qui conclut qu’une augmentation de 1,5 degré Celsius des températures moyennes mondiales est désormais inévitable d’ici 20 ans.

La conclusion du scénario le « moins pire » du GIEC est que si nous agissons rapidement, nous pourrions peut-être ramener progressivement les températures à 1,4 °C d’augmentation d’ici à 2100. Et cependant cela nous cantonnerait quand même dans la zone de danger climatique de 1,5 °C pendant des décennies, ce qui risquerait de déclencher des points de basculement susceptibles d’entraîner des changements irréversibles et encore plus dangereux en ce qui concerne le système climatique. Dans ce contexte, le projet de loi sur les infrastructures de l’administration Biden propose un ensemble de politiques édulcorées qui ne suffiront tout simplement pas à atteindre l’ampleur des changements requis.

Mais un nouveau rapport du groupe de réflexion RethinkX, spécialisé dans la prévision technologique, révèle que l’étendue du changement pourrait être bien plus important et rapide que ne le pensent tant le GIEC que les gouvernements puissants comme celui des États-Unis : en effet, les industries les plus puissantes du monde qui dépendent des combustibles fossiles – pétrole, gaz et charbon, élevage intensif et moteurs à combustion – vont, au cours des 20 prochaines années, devenir obsolètes du seul fait de facteurs économiques actuels. Selon RethinkX, elles sont de plus en plus perturbées par un ensemble de technologies propres dans les secteurs de l’énergie, des transports et de l’alimentation, qui deviennent rapidement moins coûteuses, plus efficaces et, par conséquent, plus omniprésentes.

Si le monde prend conscience de ce changement radical et met fin à la protection des industries en place, tout en investissant stratégiquement dans les secteurs et les technologies les plus performants, l’humanité sera en mesure d’éliminer 90 % des émissions mondiales de carbone au cours des 15 prochaines années, et pourra atteindre un niveau net zéro d’ici 2040, voire bien avant 2035. C’est beaucoup plus rapide que ce que la plupart des analystes conventionnels (y compris le GIEC et le gouvernement américain) estiment possible, ce qui permettra d’économiser des milliers de milliards de dollars et d’ouvrir une nouvelle ère de prospérité post-carbone.

Mais si les gouvernements, les banques et les puissantes multinationales choisissent de faire obstacle à cette transformation à venir (comme le Sénat américain semble l’avoir fait), nous nous retrouverons dans la zone de danger climatique : dépasser les deux degrés Celsius et enfreindre la « limite de sécurité » ratifiée par les gouvernements du monde entier dans le cadre de l’accord de Paris.

Cette année, j’ai travaillé avec RethinkX en tant que rédacteur pour leur rapport récemment publié, qui s’intitule Repenser le changement climatique : comment l’humanité peut choisir de réduire les émissions de 90 % d’ici 2035 en bouleversant les secteurs de l’énergie, des transports et de l’alimentation en faisant appel aux technologies existantes. En utilisant une approche complexe des systèmes qui reconnaîtrait la dynamique « non linéaire » des changements sociétaux et technologiques, notre rapport a découvert que le pessimisme généralisé concernant les perspectives d’une transformation post-carbone n’est pas fondé.

Les stratégies classiques d’adaptation et d’atténuation du changement climatique consistent en un ensemble de mesures disparates : prendre moins l’avion, investir dans l’hydrogène, déployer des stations de recharge pour véhicules électriques, isoler les maisons, manger moins de viande, capturer le carbone des industries polluantes, etc. qui, prises ensemble, semblent extrêmement coûteuses et compliquées à mettre en œuvre.

Cependant, le nouveau rapport de RethinkX, coécrit par mes collègues James Arbib, investisseur en capital-risque, Adam Dorr, spécialiste des sciences sociales de l’environnement, ainsi que Tony Seba, serial entrepreneur [créateur d’entreprises qu’il cède une fois en activité, NdT] et professeur à l’université de Stanford, soutient que le fait de concentrer l’attention sur une poignée de technologies bien positionnées permettra d’en avoir plus pour son argent. Leur rapport montre clairement que la seule façon de sortir de la zone de danger climatique consiste à adopter une approche ciblée et volontariste pour adapter la bonne combinaison de technologies et d’infrastructures à la transformation systémique dont nous avons besoin : une voie que jusqu’ici la plupart des décideurs n’ont pas encore comprise. Le GIEC a renforcé ce qui est en jeu. Cependant, selon RethinkX, nous n’avons pas besoin d’attendre 2100 pour sortir de la zone de danger climatique : nous avons tout ce qu’il faut pour le faire dès maintenant.

Les chevaux ont été le mode de transport dominant pendant des millénaires. Les téléphones fixes et les caméras analogiques ont été en place pendant plus d’un siècle et demi. On avait d’immenses barrières réglementaires, politiques et émotionnelles pour tout le reste. Mais les voitures, les smartphones et les appareils photo numériques ont tous réussi à être adoptés de façon massive dans les quelques 10 à 15 ans qui ont suivi leur invention….La suite ICI: les-crises.fr

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