« AFRIQUE, LE PRIX DE LA LIBERTÉ » MAMADOU DIA (PART II)

Mamadou Dia, ancien Président du Conseil, évoque dans son ouvrage « Afrique, le prix de la liberté » (Harmattan), ses amitiés avec Thierno Seydou Nourrou Tall, nées lors du transfert de la capitale de Saint-Louis vers Dakar. Cette amitié sera encore au rendez-vous lors de la crise et l’éclatement de la Fédération du Mali. Pendant tout ce temps, les complotistes n’ont jamais arrêté. Extraits…

 

J’ai déjà dit qu’une certaine catégorie de marabouts m’était hostile : c’était tous ceux que menaçaient la politique de libération paysanne, par l’éducation populaire et la conscientisation des masses. Ce n’était pas le cas de ceux qu’on appelait – qu’on appelle encore – les grands marabouts. J’entretenais généralement avec ces derniers d’excellents rapports, jusqu’à la crise de 1962.

Je m’étais lié d’amitié avec El Hadj Seydou Nourou Tall, depuis la ”période de Saint-Louis, ”dans des circonstances que j’ai évoquées précédemment. Ce petit-fils du grand Almamy El Hadj Oumar me traitait en fils. Il me disait : « Pour moi tu n’es pas un Dia mais un Tall, un petit-fils de Oumar Seydou Tall ». Il vouait à Senghor une affection, à vrai dire, plus calculée. Il nous a soutenus, avec les Khalifes Abacar Sy et Falilou Mbacké, dès la création du Bloc Démocratique Sénégalais.

Lors de la crise de la Fédération du Mali, il s’était rangé à nos côtés, malgré ses attaches soudanaises, après nous avoir encouragés – détail historique important – à suivre nos partenaires à qui revint l’initiative de la proposition de négocier pour l’indépendance. On le voit, à la différence de la plupart des marabouts, Seydou Nourou ne manquait pas de sens politique. Il ne recevait pas de subsides du pouvoir. Il se plaisait à m’offrir de l’argent de temps en temps, en disant malicieusement : « Tu es pauvre, il faut que je te payes un costume ». Le lui refuser eût été un affront, un crime de lèse-majesté. Mais c’était un homme très soucieux de son prestige personnel, autoritaire et très interventionniste. Sur ce dernier plan, il était loin de toujours rencontrer satisfaction avec moi.

S’il a basculé du côté de Senghor, me sacrifiant, c’est qu’il a choisi entre deux tempéraments, compte tenu du sien, celui qui semblait le plus accommodant. La propagande de mes adversaires, qui avaient fabriqué de toutes pièces une liste où il figurait parmi les personnalités à arrêter lors des évènements de décembre 1962, n’y a pas été non plus pour peu. Lui-même découvrira qu’il avait été joué ignominieusement et le regrettera le restant de ses jours, d’autant qu’il s’est aperçu à ses dépens que Senghor était moins accommodant qu’il n’y paraissait, et il a eu avec lui de sérieuses divergences, sur le Code de la famille entre autres, au point d’être amené un jour – comme signe de rupture – à lui rendre les décorations qu’il avait reçues de lui et qu’il avait l’habitude d’arborer fièrement en toutes occasions, parmi ses nombreuses autres médailles…

 

Credits: hoteldelaresidence

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